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Parti Démocratique Sénégalais : La Leçon Brésilienne (par Pape Samb)

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Mardi dernier, lors d’une émission «Wax sa xalaat» sur une radio de la place, un auditeur se réclamant comme un militant de l’Alliance pour la République (Apr), a fait une intervention remarquable quand il s’est désolé de la tournure des évènements dans ce qu’il est convenu d’appeler «l’affaire Abdoulaye Wade-Madické Niang». Quand bien même l’auditeur en question croit beaucoup en Macky Sall, d’après ses dires, il a tenu à préciser que la morale et son éducation ne lui permettent pas de pousser l’adversité politique jusqu’à se réjouir des malheurs d’autrui et se gausser des problèmes de la maison des Bleus. Raison pour laquelle il ne peut que regretter ce qui se passe actuellement au Pds. Chevaleresque !

C’est vrai que le différend éphémère  – nous l’espérons – entre Me Abdoulaye Wade et Me Madické Niang a tenu en haleine les Sénégalais, de quelque bord qu’ils se situent, et a fait l’effet d’un séisme dans le landerneau du parti libéral. Si on essaie de faire une analyse dans le fond de cette affaire, il est difficile de s’étonner de l’attitude du président Abdoulaye Wade. En effet, tout le monde sait que la candidature de Karim Wade est son dernier combat à livrer. Son dernier baroud d’honneur. Alors, ce ne sont pas les bâtons dans les roues et les enquiquinements de Macky Sall pour empêcher Karim Wade de se présenter à l’élection présidentielle de 2019 qui vont l’arrêter. Même si tout porte à croire que les carottes sont cuites pour l’ancien «ministre du ciel et de la terre», Me Wade ne s’avoue pas vaincu et mènera le combat jusqu’à la fin. Dès lors, se résigner à considérer que Karim Wade est inéligible et lui trouver un substitut, reviendrait à céder, à abdiquer et à perdre la face. Ce qui n’est pas du genre du «Pape du Sopi». Ce serait d’ailleurs faire le jeu du président Macky Sall en lui laissant la latitude de «choisir le candidat du Pds à la Présidentielle». C’est pourquoi l’idée d’un «Plan B» au Pds semble donner des urticaires à Me Abdoulaye Wade.

Maintenant, que la fameuse lettre signée par «les 12 pétitionnaires» ait été suscitée ou pas par Me Madické Niang, la réaction explosive de Me Wade est à la dimension de son étonnement. Il n’a jamais vu le coup venir. De ce côté du moins. Car, pour qui connait les relations entre les deux, Me Madické Niang sera le dernier sur terre à trahir Me Abdoulaye Wade. Il lui a toujours témoigné fidélité et loyauté. Leur compagnonnage est tellement long et sincère qu’une telle éventualité puisse se produire. Ils se sont toujours rendu service mutuellement. Me Madické Niang a, de tout temps, bénéficié de l’estime et de la confiance de Me Abdoulaye Wade dont il est un des avocats et qui l’a, maintes fois nommé, ministre dans ses différents gouvernements, avant de le porter tout dernièrement à la tête du groupe parlementaire «Liberté et Démocratie» à l’Assemblée nationale.

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De son côté, Me Madické Niang, en sa qualité d’avocat, a toujours défendu Me Abdoulaye Wade à l’occasion de ses innombrables procès et a même été du pool des avocats qui ont défendu Karim Wade lors de son procès à lui intenté par l’Etat du Sénégal à la Crei. Il se susurre que Me Madické Niang est au cœur des tractations qui ont abouti à la grâce présidentielle de Karim Wade. Ce qui est très vraisemblable car, une fois extrait de sa cellule, Karim Wade a été conduit nuitamment et sous bonne escorte au domicile de Me Madické Niang où il devait rencontrer Serigne Moustapha Mbacké Maty Lèye, fils aîné de l’ancien Khalife général des mourides Serigne Cheikh Sidy Makhtar Mbacké (Rta) avant d’être acheminé à l’aéroport Léopold Sédar Senghor où l’attendait l’avion du procureur du Qatar.

Les relations entre Karim Wade et Me Madické Niang sont si étroites que le premier appelait affectueusement le second «Tonton Madické». Aussi, du fait de l’inaccessibilité de la célèbre maison de Me Abdoulaye Wade sise au Point E, où un certain Macky Sall avait l’habitude de faire le pied de grue devant la porte avant d’être reçu par le maître de céans, son mentor d’alors, n’est-ce pas Me Madické Niang qui est venu à la rescousse en mettant gracieusement son manoir de Fann-Résidence à la disposition de son ami Abdoulaye Wade. Ainsi, à chaque fois qu’il revient au Sénégal, comme sa propre maison du Point E étant déjà en chantier, mais surtout sous scellés car saisie sur instructions du président Macky Sall et immatriculée au nom de l’Etat puisque attribuée à Karim Wade car faisant partie de ses biens selon la Crei, le président Abdoulaye Wade n’a que le domicile de Me Madické Niang comme pied-à-terre. Last but not least, Me Abdoulaye Wade et Me Madické Niang partagent leur «mouridité» fervente. C’est d’ailleurs cette fibre sensible qu’est le dévouement à Serigne Touba, évoquée bien à propos par Me Madické Niang dans sa lettre-justification, que Me Abdoulaye Wade a saisie comme balle au rebond pour revenir à de meilleurs sentiments, regretter et clore l’incident. Happy end donc. «Ganaaw ay jàmm».

Maintenant, il y a à se désoler que Me Abdoulaye Wade, malgré son tempérament de feu qu’on connaît, aille trop vite en besogne dans des situations pareilles. «Gorgui» doit aussi éviter de donner l’impression qu’il n’y en a que pour son fils, comme s’il portait des œillères en claironnant partout et toujours : «C’est Karim ou rien». Même si la déchirure n’a duré que quelques heures, car tout s’est très vite dégonflé comme un ballon de baudruche, il est tout de même regrettable que deux grands responsables de leur état, en arrivent à se donner en spectacle par voie de presse alors qu’ils pouvaient régler leurs différends entre quatre murs. On ne doute pas un seul instant que, une fois mis au parfum de la fameuse lettre-pétition, si Me Abdoulaye Wade avait convoqué Me Madické Niang au Koweït où il se trouve présentement, ce dernier aurait rappliqué dare-dare afin qu’ils échangent tranquillement et finissent par fumer le calumet de la paix.

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Cela dit, il faut se féliciter du calme et de la retenue de Me Madické Niang qui n’a jamais essayé de jeter de l’huile sur le feu, histoire d’envenimer la situation, et a tenu des propos mesurés. L’humilité et le sens du dépassement de Me  Abdoulaye Wade doivent également être salués à leur juste mesure. Nonobstant sa grande détermination et ses réactions volcaniques, Me Abdoulaye Wade a toujours cette habileté de toujours s’arrêter à temps. Il n’est pas un jusqu’au-boutiste comme Macky Sall. Il a eu à le démontrer quand, après avoir été accusé par Moustapha Niasse, député à l’Assemblée nationale, lors d’un meeting en 2001 à Wack Ngouna, d’avoir détourné 6 milliards de la Sonacos, le président Wade était à deux doigts de faire lever son immunité parlementaire et de le traduire devant les tribunaux, avant d’arrêter la procédure de poursuites judiciaires engagée contre son ancien Premier ministre, après que son accusateur s’est rétracté, débiné et déculotté. Ce qui fait dire à Me Abdoulaye Babou, avocat à l’époque, du leader de l’Afp : «Moustapha Niasse s’est décrédibilisé dans l’affaire des 6 milliards de la Sonacos». Le 23 juin 2011, le président Abdoulaye Wade a eu l’intelligence de lâcher du lest en retirant le projet de loi sur le ticket présidentiel et le quart bloquant pour éviter que le pays ne s’embrase. A titre de comparaison, aujourd’hui que tous les ingrédients semblent être réunis pour que le Sénégal explose à l’occasion de la présidentielle 2019, avec déjà le parrainage qui divise la classe politique et secoue le peuple, le président Macky Sall n’en a cure et fonce droit vers le mur, obnubilé et obsédé qu’il est par un second mandat.

Cela étant, le Pds semble avoir fait bloc autour de la candidature de Karim Wade, contre vents et marées. Mais, cela ressemble à un pari suicidaire. Car le président Macky Sall ne reculera pas d’un iota dans sa volonté d’écarter Karim Wade de la course à l’élection présidentielle, à l’instar de Khalifa Sall. L’obstination du Pds à maintenir Karim Wade comme candidat pourrait s’avérer improductive. En effet, si le Conseil constitutionnel invalide la candidature de Karim Wade, il n’y aura presque plus de recours. A quoi vont servir alors les parrainages collectés de dur labeur pour Karim Wade ? Il ne restera alors au Pds que trouver le fameux «Plan B» qu’il a toujours rejeté. Auquel cas le Pds aurait un sacré retard sur les autres. Ce «Plan B» portera-t-il le nom de… Madické Niang ? Faudra-t-il par contre, au pied levé, porter le choix sur un autre candidat de l’opposition et essayer de reporter en sa faveur l’électorat de Karim Wade et du Pds, après d’âpres négociations, comme on doit l’imaginer. En tout état de cause, il est impensable que le Pds ne présente pas de candidat à l’élection présidentielle. Le Pds, ce n’est pas le Ps. Ou ce qu’il en reste.  Sinon, l’autre alternative clamée urbi et orbi par certains va-t-en-guerre du Pds qui disent que «si la candidature de Karim Wade est invalidée il n’y aura pas d’élection présidentielle» semble improbable. Le cas échéant, vont-ils enclencher une insurrection et assiéger les centres de vote ? Déjà que dans l’opposition, il y en a beaucoup qui ne les suivront pas dans cette voie incertaine car ces leaders aussi souhaitent aller à l’élection car ils pensent avoir une chance de… la gagner.

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Maintenant, Karim Wade gagnerait à prendre son courage à deux mains pour revenir au Sénégal pour prendre la tête de ses troupes et mener le combat, même s’il devait être arrêté dès son atterrissage à l’aéroport pour être conduit manu-militari à Rebeuss. Ce serait alors, en plus de Khalifa Sall, une autre épine de plantée profondément dans le pied de Macky Sall.

Pendant qu’ici au Sénégal, le Pds se débat dans les eaux boueuses de ses contradictions internes, la leçon nous est venue du lointain Brésil où l’ancien chef de l’Etat, Luiz Inacio Lula da Silva, aujourd’hui emprisonné pour une peine de 12 ans dans «l’affaire Petrobras», un scandale lié à des faits de corruption et de blanchiment d’argent, vient de jeter l’éponge. Pourtant grand favori des sondages, même derrière les barreaux, le président Lula qui a épuisé tous les recours pour faire annuler en vain la mesure d’invalidation de sa candidature, s’est finalement rendu à l’évidence : il ne sera pas de la partie à la prochaine élection présidentielle. C’est pourquoi il a reçu en audience dans sa cellule celui qui était son colistier, Fernando Haddad, ancien maire de Sao Paulo, pour lui faire part de sa bénédiction comme nouveau candidat du Parti des travailleurs du Brésil. Même si Haddad n’est crédité que de 9% des intentions de vote, l’honneur est sauf car, au Brésil, la formation politique du président Lula va participer à l’élection présidentielle. Tout comme au Sénégal, la formation politique du président Wade doit naturellement participer à l’élection présidentielle. CQFD.

 

 

Pape SAMB

papeaasamb@gmail.com

 

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