– Il y a 5 mois je lançais dans la presse nationale, concernant le démarrage des activités de notre pavillon national Air Sénégal SA, le 14 mai 2018 passé, l’alerte suivante :
« Air Côte d’Ivoire pour le Sénégal est un bien mauvais exemple. Son modèle de gouvernance et son schéma d’exploitation ne doivent aucunement inspirer les nôtres. Air Sénégal SA repose aujourd’hui sur un véritable potentiel économique. La compagnie nationale est toute neuve, se dote d’une flotte d’appareils neufs, bénéficie d’un aéroport AIBD moderne de classe mondiale, qui peut être l’antre d’un hub d’exploitation et d’une plateforme de transit, passagers et fret, des plus efficaces en Afrique de l’Ouest. Elle repose surtout aussi sur une forte économie nationale, qui aujourd’hui connait un trend de croissance dynamique et durable. Les ressources du pétrole et du gaz augurent pour notre pays un statut international économique, enviable et stratégique. Le Président de la République et toutes les autorités nationales qui ont porté ce grand projet national, en ayant consenti beaucoup de sacrifices financiers pour le pays, ne doivent pas laisser corrompre, attentistes et hésitants, cet investissement stratégique pour le Sénégal. Ce démarrage timide, à la petite cuillère, masquant toutes ces incongruités que cache la Direction Générale, n’est pas à la mesure de cette ambition que porte le tout nouveau pavillon national. Mais l’actuelle Direction Générale partage-t-elle cette vision de tout le pays ? »
La réponse visiblement est non, clairement non, et je suis vraiment dépité aujourd’hui, que cette alerte a prêché dans le désert. Il semble bien y avoir un aveuglement de nos responsables, face à ce formidable gâchis que constitue le lancement d’exploitation de Air Sénégal SA par l’équipe de M. Philippe BOHN.
Pour une toute nouvelle compagnie aérienne, la seule et unique desserte de Ziguinchor, opérée par un ATR 72 de 70 places, voit ses 2 vols quotidiens tourner difficilement, avec un coefficient de remplissage très bas qui creuse déjà un déficit d’exploitation important. Entre temps, le 2ème appareil ATR est hors service. Les ventes de la compagnie ne décollent pas, malgré leur élargissement depuis quelques jours à tout le réseau IATA. L’équipe n’arrive pas à mordre des parts de marché, Transair l’autre acteur de cette destination n’a pas fléchi dans ses parts de marché, son remplissage reste constant. Bien sûr, un lancement raté, sans préparation technique suffisante, une campagne de communication hilarante, ne pouvait que produire de tels résultats. Nous l’avions hélas dit, l’objectif pour la Direction Générale, était juste de laisser croire à l’opinion, qui commençait à douter d’elle, et aussi tromper les autorités, que le pavillon national lançait enfin ses activités.
Cette incurie de l’équipe de direction, va se répéter, encore, dans le lancement des vols de Air Sénégal SA dans le régional, avec la desserte Dakar-Abidjan-Cotonou et retour. Nous notons toujours cette même démarche d’escroquerie envers l’opinion et les autorités du pays que l’on veut tromper. Ce qu’il faut savoir, c’est que ce vol n’est pas un vol du pavillon national, et l’ANACIM ne démentira pas. C’est un vol d’Air Cote d’ Ivoire, avec un numéro de vol commercial Air Côte d’Ivoire (HF), un personnel navigant technique et commercial Air Côte d’ Ivoire, un avion A319 (l’appareil le plus vieux de la flotte de la compagnie ivoirienne) loué à Air Côte d’ Ivoire. S’y ajoute, que les ventes que les marchés (avec le réseau IATA) de Dakar, d’Abidjan, et de Cotonou vont faire sur ce vol, et que nous estimons à 180 millions FCFA moyenne mensuelle, seront versées par IATA à Air Côte d’Ivoire, puisque c’est son vol. La filouterie a juste consisté à faire passer cet appareil A319 à Casablanca, dans les ateliers de Royal Air Maroc, pour qu’il soit peint aux couleurs de Air Sénégal SA. Ainsi la pilule passera mieux face à notre opinion publique. Tout le monde aura remarqué, cette fois, le silence total dans la communication de la compagnie nationale ; aucune publicité à Dakar, à Abidjan, à Cotonou, annonçant l’arrivée de Air Sénégal SA. Pourtant, cette destination, Dakar-Abidjan, est pour nous la 1ère dans la sous région, plus de 110 000 passagers annuels ; Cela méritait une préparation et une annonce spectaculaire, annonçant le retour de notre pavillon national. Il faut dire que le cabinet chargé de la communication du pavillon national, est d’une inexpertise ahurissante. Totalement inconnu dans le marché du Sénégal et de la région, n’ayant dans son portefeuille que le seul client significatif Air Sénégal SA, il fait montre d’une incompétence notable, malgré les 200 millions de budget allègrement mis à sa disposition tout récemment.
Eh !! Oui, aujourd’hui les professionnels patriotes baissent les bras. Ils observent impuissants ce naufrage d’une grande promesse. Leurs alertes n’auront servi à rien. 15 mois d’un laborieux lancement, fait de bricoles, de tricherie, de tromperie à l’opinion, aux autorités. La compagnie va mal, elle est mal lancée. L’ANACIM gardienne et gendarme des règles et procédures de l’aviation civile nationale, supposée protectrice de sa compagnie nationale, est remisée en second plan par la Direction Générale du pavillon national, qui n’en fait pas un partenaire primordial. C’est ainsi que pour la contourner, elle traite d’abord avec les ivoiriens pour cette desserte Dakar-Abidjan avant de venir ici au Sénégal, racontant partout que l’ANACIM l’empêche de tourner en rond, que c’est par le biais des plus hautes autorités qu’elle arrive à la faire plier. Ce vol Dakar-Abidjan, annoncé dans un 1er temps pour le 3 octobre 2018, puis le 5 octobre, n’a toujours pas encore opéré, un imbroglio entre l’ANACIM et Air Sénégal SA doit encore être dénoué.
A l’intérieur de cette compagnie, la situation est encore pire. Les ressources humaines, qui devraient être le fer de lance de la parfaite envolée de Air Sénégal SA sont remises en second plan. Sans elles, pourtant, aucune réussite de cette compagnie n’est envisageable. Le personnel n’est impliqué à rien du tout. Lors du cocktail d’annonce du démarrage dans le régional, il n’était même pas informé, encore moins invité. La Direction Générale est incapable d’asseoir un organigramme stable après plus d’une année de présence ; des dirigeants d’expériences, compétents et patriotes, cela les gêne, la rotation des cadres sénégalais qui passent est impressionnante. Elle préfère rester en elle-même, entre français bien sûr, travaillant avec des cabinets extérieurs français, toulousains, à qui des dizaines de millions de fcfa sont virés mensuellement (il est payé depuis plus de 10 mois des prestations IOSA, qui n’existent pas, pour le compte de Air Sénégal SA). N’est ce pas que les cabinets de droit sénégalais, de Ressources Humaines, Eco-Afrique, de comptabilité, Mazars, ont été virés proprement, pour opérer librement. Et depuis plus de 2 mois, Air Sénégal mène ses activités sans aucune comptabilité formalisée en interne.
A cette allure, la grande ambition nationale, telle que voulue par le Président de la République, risque de n’être qu’un vœu pieu. Demain, lorsque cette Direction Générale s’en ira, la mort d’Air Sénégal SA aura été actée, déjà, pour survenir les prochains mois qui suivront. Mais que Dieu ne plaise !!! Amine.
Ablaye DIOP
Consultant – Transport Aérien