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De L’esprit Y’en A Marre

Une image au plus fort des contestations du régime d’Abdoulaye Wade : Moustapha Niasse qui brandit fièrement devant la caméra, comme un grand afficionado de foot, un t-shirt floqué de « Y’en a Marre ». En vieux briscard de la politique, avait-il sans doute compris que ce mouvement allait sonner le glas d’un pouvoir « wadiste » qui leur en avait fait voir de toutes les couleurs. Les rassemblements qui suivirent à la place de l’Obélisque le laissent penser, meetings pendant lesquels Niasse et compagnie, comme des otages attendant leurs sauveurs, guettaient avec anxiété l’arrivée des jeunes impétueux de Y’en a marre, puis se flanquaient de grands sourires quand la foule s’agitait pour annoncer la venue de Kilifa et consorts. Le futur président de la République en se rendant à la base de Y’en a marre, dans l’entre-deux-tours, avait tout aussi bien assimilé que le changement tant attendu serait impulsé par ces jeunes rappeurs à la conscience politique.

Que représentait Y’en a marre ? En réalité Y’en a marre n’avait été que la cristallisation d’un sentiment de désenchantement, de révolte, de rejet de la gouvernance désastreuse de Wade, des pratiques politiciennes rétrogrades, tels sentiments qui animaient toute sinon une grande frange de la jeunesse sénégalaise. Certes c’est tout à l’honneur de Fadel Barro et de ses partenaires d’avoir donné un cadre institutionnel à cet esprit, d’avoir su capter cette nouvelle conscience politique de la jeunesse, d’avoir su organiser et maîtriser cette énergie qui sommeillait en chacun de ces milliers de jeunes qui avaient répondu spontanément à leur premier appel le 19 mars 2011, à la Place de l’Obélisque.

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Depuis que d’eau a coulé sous les ponts. Macky Sall et sa coalition Benno Bokk Yakaar ont pris le pouvoir. Même si Y’en a marre continue à s’opposer au pouvoir en place, le mouvement en tant qu’institution semble avoir réfréné ses ardeurs et ne constituerait pas à première vue une menace pour la coalition dirigeante. Cependant s’il y a une chose que les politiciens sénégalais partagent le mieux, c’est leur cécité, leur surdité face la jeunesse et les émotions qui la traversent.

Car nous pensons que ce même esprit qui s’est incarné en Y’en a marre, demeure plus que jamais présent. La Jeunesse aspire toujours au changement, pas à la simple substitution d’équipe à la tête du pays, encore que nous y retrouvons les mêmes politiciens avec la transhumance, mais à un changement radical de paradigme, de méthodes. La jeunesse n’en veut plus de ce système, de ces vieilles manœuvres politiciennes, de la gabegie, du népotisme, de l’amateurisme, de cette politisation de la justice, de l’inefficacité de l’Etat, des administrations, de l’Ecole, de la Santé. Elle en a marre de voir de jeunes hommes tomber sous les balles des forces de l’ordre.  Hélas, cela les gouvernants qui se sont succédé depuis l’indépendance ne l’ont jamais compris ! Cette jeunesse veut mieux, mérite mieux, et au Sénégal elle en a des raisons valables vu la situation actuelle ; n’en déplaise au brillant économiste et ancien ministre du Plan El Hadji Ibrahima Sall qui se gargarisait au cours d’une émission audiovisuelle sur la 7TV d’avoir aidé à façonner un sénégalais de paix et dialogue, à défaut d’avoir élevé son niveau de vie. Ces gouvernants n’ont toujours pas saisi les raisons pour lesquelles Mamadou Diop est resté sur cette place alors que le « dragon » de la Police lui fonçait dessus ! Ce qui est révélateur est que près d’une décennie après que Wade a traité les rappeurs de Y’en a marre de jeunes indisciplinés, c’est triste que le Premier ministre actuel en vienne aujourd’hui à dire de même des jeunes qui fréquentent facebook.

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Nous allons vers des nouvelles joutes électorales dont la plus importante, l’élection du président de la République. Peut-être que c’est une fausse impression, mais on dirait qu’aujourd’hui cet esprit Y’en a marre semble s’agglutiner autour d’un candidat, Ousmane Sonko. Les attaques tous azimuts des affidés du régime contre ce novice en politique sont de nature à corroborer ce postulat. Ces tenants du pouvoir auraient fait mieux de se demander pourquoi ce candidat antisystème, produit dans l’absolu de ce même système, est arrivé à disposer d’une telle aura au sein de cette jeunesse, d’un buzz dirait-on, en si peu de temps de présence sur la scène politique sénégalaise. That is the question !

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