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L’urbanisation De Touba En Question (par Professeur Oumar Faye)

Contribution

 Le 22 octobre 2018, le ministère de la Santé et de l’Action sociale, par le biais de la Direction de la Prévention, annonçait la notification de 54 cas de dengue à Touba. L’emballement médiatique déclenché par l’émergence de cette épidémie à Touba est à la mesure, d’une part, de la morbidité sociale importante liée à cette affection et, d’autre part, de l’augmentation du taux d’incidence de la maladie au fur et à mesure que le Magal approche. Il faut féliciter le ministère de la Santé et de l’Action sociale pour les efforts importants développés en vue d’enrayer cette affection.

Il reste que pour les mourides, rien n’est de trop quand il s’agit du Magal ; cet évènement que l’on peut considérer comme le réacteur du mouridisme mobilise, chaque année, des millions de fidèles venant de tous les coins du monde. Toutefois, il est à craindre que l’énergie collective déployée sous la pression du Magal perde de ses forces, quand il faudra passer à la routine austère et tranquille de la santé publique. N’oublions pas que la mission fondamentale de cette dernière est de rendre effectif, pour tous les citoyens dont les résidents de cette ville, le droit à la santé. Cela veut dire qu’au-delà de ces actions ponctuelles, par ailleurs nécessaires, déployées lors de cet évènement, il faudra être en mesure de définir les termes d’un projet non seulement sous la forme de la planification pratique, mais également sous la forme d’un choix de système sanitaire intégré dans un environnement compatible avec une bonne santé, qui se renforce d’une génération de mourides à une autre.

Cette contribution s’efforcera d’abord, d’analyser comment l’urbanisation de cette ville peut favoriser diverses configurations qui, du plus large au plus singulier, peuvent constituer des forces motrices capables d’animer le complexe pathogène lié à la ville de Touba, ensuite, faire l’inventaire des facteurs de risques sanitaires et, enfin, proposer quelques éléments de réponse susceptibles de contribuer à la préservation du capital santé de tous ceux qui résident ou viennent à Touba.

1 – L’urbanisation de Touba : Un processus inexorable non adossé à une prospective sanitaire

La ville sainte de Touba fut fondée en 1887 par le cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul. Administrativement, cette ville se situe sur le territoire de la commune de Touba Mosquée, subdivision du département de M’Backé, dans la région de Diourbel. L’accroissement de la population de Touba peut être considéré comme l’un des faits les plus marquants de l’évolution historique du Sénégal ; ce phénomène est caractérisé par son accélération inexorable et son importance quantitative. L’accélération de cette urbanisation non encadrée par une prospective territoriale et un cadre réglementaire efficace, s’accompagne d’abord, de modifications socioculturelles du fait d’une mauvaise adaptation des communautés traditionnelles à l’environnement urbain ensuite, d’une crise socio-économique du fait de l’insuffisance de planification prospective et d’un manque d’innovation appropriée enfin, d’une crise sanitaire en raison de l’impact négatif de ces nombreuses perturbations brutales de l’environnement sur la qualité de la vie.

La fonction religieuse de Touba lui confère un rayonnement mondial surtout en période de Magal (commémorant la célébration du départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fondateur du mouridisme) pendant lequel des millions de fidèles y convergent, venant de tous les continents. L’idée aussi que cette ville peut offrir de meilleures conditions de vie que la campagne, a poussé certaines populations rurales, notamment celles du département de M’Backé, vers ses quartiers périphériques au moment où l’on note une diminution des revenus tirés de l’agriculture. Ce mouvement se poursuit à un rythme rapide en dépit de l’accroissement constant des problèmes liés à son urbanisation. En 2013, selon le recensement du pays, la ville de Touba comptait 753 315 habitants, tandis que son agglomération en comptait 830 570.Touba est la deuxième plus grande agglomération du Sénégal derrière Dakar.

Une série de ruptures dont on peut dresser une typologie selon des critères de nature écologique, économique et sociale, sont la cause des importants changements au sein de la ville. Parmi ces derniers, on peut noter un processus intense de mobilité spatiale. Touba étant une ville sainte, la majorité des mourides souhaiterait y résider. Les migrants qui arrivent dans cette ville, s’installent souvent dans des conditions précaires, vivotant du mieux qu’ils peuvent dans ce qu’on appelle les «Santhianes». Les grandes agglomérations comme Touba se développent si vite que les systèmes politiques et administratifs chargés de leur gestion n’arrivent pas à suivre, ce qui rend difficile l’instauration de politiques et de programmes cohérents. Cette ville possède des infrastructures qui ne sont pas dignes de son importance.

La politique urbaine à Touba apparaît souvent comme un assemblage d’actions sectorielles concernant l’aménagement urbain, le développement, le logement, la circulation routière, etc., ce qui garantit les retards, l’action au coup par coup, la contradiction et l’impuissance des pouvoirs publics à définir des orientations adéquates et à mobiliser les énergies collectives. La réunion au cours de  laquelle on a procédé à l’évaluation des différentes actions sectorielles menées dans le cadre du Magal en est la meilleure illustration. En définitive, on peut dire que les autorités administratives de Touba comme les autres villes du Sénégal par ailleurs, sont incapables de prendre en compte tous les facteurs qui influencent la santé et à se doter des moyens nécessaires pour que toutes les institutions et organisations concernées travaillent dans la même direction ; c’est ce que la dernière épidémie de choléra  survenue plusieurs années avant à Touba a révélé. Il y a lieu de penser que, dans les années à venir, si des stratégies adéquates ne sont pas développées, ces problèmes s’amplifieront.

2 L’inventaire des facteurs de risque liés à l’urbanisation de Touba

Pour les pathologies surtout d’origine infectieuse, les lésions causales résultent d’une interaction entre les facteurs tenant à l’environnement,  à l’hôte et aux agents pathogènes (complexe pathogène). Les relations au sein de ce complexe sont souvent apparues comme multiples mais toujours logiques, claires, jamais figées, et finalement très dépendantes de l’homme, qui en modifie souvent la teneur pour la dégradation de sa propre santé. La maladie est  d’abord appréhendée à travers le paradigme pasteurien de «cause-effet-traitement». Dès lors, les stratégies développées reposent sur une fermeture des modèles médicaux qui se restreignent aux thérapeutiques, constituant dans la tradition de la médecine clinique, l’individu comme siège de détermination de la maladie. Cette problématisation exclusive en termes de thérapie de phénomènes biologiques est insuffisante.

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En effet, si à Touba, l’exposition aux risques peut être considérée à priori comme relevant de l’ignorance ou du libre-arbitre des individus, par contre, la stratification sociale très marquée de la prévalence des phénomènes morbides tend à démontrer que les enjeux sont avant tout systémiques (paradigme systémique). La démarche la plus productive consiste alors à élargir le champ de la maladie, à différencier les plans où elle s’inscrit puisque ses manifestations semblent impliquer tout un réseau de déterminants individuels, mais aussi collectifs autres que la maladie elle-même. Dans un tel contexte, on ne peut procéder à une analyse correcte des problèmes de santé dans cette agglomération qu’en articulant des modèles épidémiologiques et des modèles sociaux, une articulation qui permet de considérer chaque habitant de Touba, comme membre d’une entité collective dont les caractéristiques globales pèsent sur sa propre personne, mais aussi, comme acteur qui navigue au gré des différentes appartenances. Cette analyse permet d’aboutir aux facteurs de risque suivants :

La pénurie récurrente d’eau potable : Cette dernière qui est essentielle pour la santé, manque parfois du fait d’une insuffisance de production, notamment pendant la période du Magal. La pollution de l’eau peut être particulièrement aigüe dans cette ville où ne sont pas toujours appliqués avec suffisamment de rigueur les règlements adoptés pour contrôler les coliformes fécaux (une eau peut être distribuée lorsqu’elle n’excède pas la valeur de 10 coliformes fécaux/100 ml) ;

Les problèmes liés à l’assainissement : On peut noter l’absence d’un réseau de collecte des eaux usées. En effet, il n’y a pas d’égouts et de canaux d’écoulement ou d’installations de traitement des eaux usées. Pour les eaux pluviales, il n’existe que quelques tronçons dont le fonctionnement n’est pas très effectif. Tout ceci explique qu’on puisse noter, dans les rues de cette ville, le croupissement des eaux de surface bien après la saison des pluies, ce qui favorise la pullulation de moustiques du genre anophèles vecteurs du  paludisme et aedes, vecteurs du virus de la fièvre jaune et de la dengue. Lors de la dernière épidémie de fièvre jaune qui a sévi dans cette ville, des vecteurs infectés ont déjà été retrouvés au cours de prospections menées par l’Institut Pasteur et le ministère de la Santé. Les gîtes larvaires étaient comme aujourd’hui représentés par les récipients classiques de stockage d’eau (fûts, canaris, bassin) mais aussi par des pneus usés. L’assainissement domestique est constitué par les systèmes d’évacuation des excrétas fondées sur un principe d’infiltration dans le sol : latrines à fosses sèches, puits perdus, fosses septiques avec drainage. Ces dispositifs ne sont pas sans risque par rapport au péril fécal. Les dispositifs à fosse étanche sont de plus en plus fréquents ;

L’augmentation substantielle du volume des déchets fait peser une menace en raison des lacunes des systèmes d’évacuation des déchets à Touba. Le procédé élémentaire qui consiste à déposer les ordures dans des endroits non aménagés pour cela n’est pas sans risque, car favorise la prolifération des mouches, des cafards et des rats qui peuvent véhiculer des germes ;

L’habitat et le logement : Dans les quartiers périphériques appelés «santhianes», tous les problèmes qui se posent en zone rurale se retrouvent et même ont tendance à s’exacerber. Les logements sont souvent médiocres tant du point de vue construction (matériaux et répartition des pièces) que celui des conditions hygiéniques qui y règnent. La tuberculose y redresse la tête du fait de l’accumulation des facteurs de risque tels que la précarité, le surpeuplement et la promiscuité. Aux problèmes liés à l’habitat s’ajoute la pollution de l’environnement (pollution atmosphérique par encombrement automobile, pollution sonore), les accidents de voiture notamment au cours du Magal ;

La mobilité des populations, la complexification des identités et la déterritorialisation des modes de vie. Du fait de l’audience de plus en plus grande de Cheikh Amadou Bamba, mais aussi des mutations environnementales en cours et à venir, il est probable que Touba n‘en soit encore qu‘aux prémices d‘un processus intense de mobilité. Les déplacements massifs de populations qui en résulteront, engendreront des bouleversements sociaux, économiques et environnementaux importants. Le changement concernera aussi bien l’environnement physique qu’humain. En rapport avec cette évolution, les efforts exigés pour une adéquation des migrants au nouveau milieu seront importants, ce qui fait que  l’ajustement ne saurait être satisfaisant à tous les niveaux. La meilleure illustration est fournie par la situation de certains migrants qui peuplent la périphérie de Touba. Ces derniers sont souvent partagés entre un passé qu’ils veulent garder et un futur sur lequel ils n’ont pas prise. C’est ainsi, qu’ils peuvent continuer par exemple à se conformer à des pratiques traditionnelles contraires aux règles d’hygiène, en évacuant les matières fécales par des méthodes non compatibles avec une bonne santé ;

La mondialisation du risque d’épidémie virale : Dans notre monde de plus en plus interconnecté, des événements nouveaux et terrifiants se dessinent. Il s’agit de maladies qui apparaissent à un rythme sans précédent et ont souvent la capacité de franchir les frontières et de se propager rapidement. Chaque année, des millions de personnes convergent vers Touba. Depuis 1967, on a identifié dans le monde au moins 39 agents pathogènes nouveaux parmi lesquels le Vih, les virus des fièvres hémorragiques Ebola et Marburg, le Sras et les virus de la grippe aviaire dont la virulence ne cesse d’augmenter. Jamais la situation n’a été aussi favorable à l’émergence et à la mondialisation des virus. Ces derniers engendrent, comme nous l’avons constaté avec l’épidémie de la fièvre Ebola survenue au Sénégal, des problèmes inédits et transverses, avec des inconnues scientifiques massives contraignant à revoir les plans tout- faits ;

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Le changement climatique qui constitue aujourd’hui une réalité peut venir amplifier certains de ces risques existants déjà. Selon les dernières prévisions, il est probable que faute de juguler le réchauffement du globe, les effets futurs des vagues de chaleur, des inondations et des sécheresses, d’une pollution de l’air de plus en plus forte et de changements dans la localisation des vecteurs et des plantes, nuiront à la santé de millions de gens dans le monde ;

L’adoption de modes de vie à risque. Parmi les réalités nouvelles auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés à Touba, figure une augmentation du taux d’incidence des maladies chroniques à soins coûteux, comme le diabète, l’hypertension artérielle et l’insuffisance rénale. Ces maladies relèvent probablement d’un début de transition de risques. En effet, il est prouvé que la plupart de ces maladies ont en commun des facteurs de risque liés au mode de vie, tels qu’une alimentation déséquilibrée, un apport énergétique excessif, la consommation excessive de graisses, de sel, etc. Un autre exemple est constitué par l’alimentation de rue, cette dernière apparait comme une réponse des populations de Touba à des contraintes de plus en plus lourdes. Certains habitants arpentent souvent les rues de Touba à la recherche d’évènements susceptibles de leur assurer un repas. Il est prouvé que ces pratiques alimentaires ne sont pas sans risque :

Le secteur informel du médicament : En cas de maladie, une frange importante de la population de Touba fait appel en première intention aux prestataires informels de soins ou aux vendeurs illégaux de médicaments. Ce secteur constitue une menace pour la santé des populations de Touba du fait de l’utilisation de médicaments de mauvaise qualité, donc dangereux pour la santé ;

L’accroissement de la pauvreté : La pauvreté qui est aujourd’hui clairement inter-reliée aux déterminants sociaux de la santé, exerce une influence néfaste à tous les stades de la vie humaine, de la conception à la naissance, de la naissance à la mort, elle est la première source de maladie bien avant les agents infectieux. On constate que les pauvres sont exposés à des risques accrus (gastroentérites, tuberculose, paludisme, etc.). Dans les nouveaux quartiers périphériques caractérisés par un urbanisme inadapté dans le contexte d’une économie déstructurée, la pauvreté y est endémique avec une proportion importante d’adolescents et de jeunes sans emploi. Ce climat psychosocial délétère fait le lit de la délinquance. Il y a lieu de craindre qu’à l’avenir, l’accroissement à Touba du nombre de pauvres puisse constituer un facteur majeur de risque pour la santé. Dans cette ville qui est le cœur du mouridisme, une question centrale est l’examen des solidarités dont les populations peuvent bénéficier, ce qui permet bien souvent à ces dernières de contourner les contraintes auxquelles elles peuvent être confrontées en matière de santé.

Dans cette ville, on peut s’interroger sur ce que l’apparente évidence d’un déterminisme de facteurs économiques peut avoir quelque chose de relatif lorsqu’on aborde les problèmes de santé. Nous l’avons déjà souligné, il y a certes une relation entre le niveau socio-économique et l’état de santé et, en général, on constate une amélioration de ce dernier au fur et à mesure que l’on s’élève dans l’échelle des statuts économiques. Il ne s’agit là en réalité que de critères de description externes qui ne permettent pas de préjuger de la façon dont les groupes domestiques gèrent effectivement leur environnement immédiat. Lorsqu’on change d’échelle d’analyse et qu’on passe à celle des unités domestiques, les contraintes de l’environnement, notamment financières, doivent alors être appréciées en tenant compte des pratiques à travers lesquelles elles s’exercent ; ces pratiques en matière de santé sont la manifestation de stratégies complexes et dynamiques où se combinent logiques économiques, sociales et culturelles, qui ne peuvent pas être comprises en s’arrêtant au seul niveau des individus, mais qui doivent être replacées au sein du cadre communautaire dans lequel elles prennent tout leur sens.

Même si le déterminant économique est largement impliqué dans le déroulement de la séquence comportementale des usagers, on constate que la santé ne renvoie pas toujours un écho défavorable à l’absence de ressources financières, puisque le capital social que l’on peut mobiliser, peut être aussi important que le capital économique que l’on devrait posséder pour se soigner. En effet, les réseaux de solidarité existants peuvent venir tempérer les écarts qu’une vision économiste des faits tendrait à figer. Ces solidarités constituent un terreau favorable à la construction des mécanismes de financement de la demande (mutuelles).

3 La gestion des risques : Quelques approches stratégiques

C’est vrai qu’il est toujours difficile pour le Sénégal de se doter de politiques qui le préparent à répondre aux nécessités de demain, tout en lui permettant de faire face aux urgents besoins du présent. Il faudra malgré tout, notamment à Touba, que la réponse la plus cohérente du moment face aux problèmes soulevés lors du Magal, soit aussi celle qui ouvre les voies les plus favorables à plus long terme. Cette perspective conférerait à l’élaboration des décisions une cohérence qui peut faire défaut lorsqu’elle s’opère sous les pressions de cet évènement. Plusieurs approches stratégiques sont possibles :

Une orientation stratégique de prévention plus marquée visant à préserver le capital santé des populations de Touba : On ne peut enfermer la santé  à Touba  dans le cadre étroit d’une médecine curative, lorsqu’on sait que les facteurs qui en sont responsables, sont à plus de 90 % non médicaux. La naissance, dans cette ville, d’un consensus propice à des actions propices à maîtriser les risques de maladie, requiert une vision holistique et le développement de stratégies qui n’exercent pas seulement un effet temporaire sur la morbidité, mais qui s’attaquent à ses racines. Dans cette ville, il faut dépasser le seul pilotage du système de soins et procéder à de larges investigations autour du couple système de soins/santé des populations, mais au-delà, autour des actions publiques comme instruments collectifs visant à améliorer l’état de santé de ces populations. Nous savons que l’application large, dans une localité comme Touba, de stratégies simples, peu onéreuses et efficaces, mettant l’accent sur les relations réciproques entre population, environnement, mode de vie et santé, peut permettre d’obtenir des résultats spectaculaires en terme de recul de la morbidité, dans les circonstances où pourtant, la situation socio-économique objective n’était pas favorable pour les milieux populaires ;

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La promotion de la santé en vue d’amener les habitants de Touba à être des promoteurs actifs de la santé et non des consommateurs passifs de soins : Le département de M’Backé apparait aujourd’hui comme l’espace pertinent pour organiser les moyens de réponse aux différents défis auxquels Touba doit faire face en termes de risques sanitaires. Les responsables de la santé, aidés par les différents acteurs, pourraient amener ce département devenu collectivité locale et Touba devenu commune à prendre de nombreuses initiatives en matière de promotion de la santé. Celle-ci s’adosserait sur une définition élargie de la santé non limitée, comme c’est souvent le cas, au seul système de soins, mais une définition qui inclurait les déterminants environnementaux, sociaux et culturels de la santé. Cette promotion en mettant l’accent sur la multisectorialité, pourrait être envisagée d’avantage sous l’angle de plusieurs cadres (commune – santé, école/santé, daara/santé, marché/santé, etc.). Les acteurs concernés par la santé pourraient, grâce à des actions de mobilisation sociale, de plaidoyer, de négociation, amener les individus, les familles, les leaders religieux et les personnes d’influence à devenir les gestionnaires responsables de leur environnement sanitaire. Toutes ces activités pourraient permettre d’aseptiser les espaces de vie, mais en plus amener les populations de Touba à adopter des comportements compatibles avec une bonne santé. Il faut que les activités de promotion de la santé et de prévention des maladies occupent une place importante à Touba ;

La formalisation et la pérennisation d’un cadre de partenariat avec les médias : Il faut renforcer le partenariat qui existe entre le système santé et les médias. Ces derniers peuvent intervenir comme vecteurs d’informations appropriées et pertinentes, ce qui peut faire d’eux de puissants facteurs de transformation sociale et sanitaire. Il faut des journalistes plus engagés qui choisissent l’information productive ; celle-ci est un recentrage qui accorde plus d’importance à l’information juste et qui aide les populations à mieux lire leur situation, à s’approprier leur environnement et à adopter des comportements santé-compatibles ;

L’intégration des communautés dans la prise en charge des problèmes de santé doit être renforcée aussi bien en termes d’opportunités, de mobilisation collective pour les questions liées à la prévention de la maladie,  notamment les questions liées à l’environnement (la gestion des ordures et des eaux stagnantes) ;

L’opérationnalisation effective de la multisectorialité : La santé est un droit fondamental qui fait l’objet d’une exigence très forte d’égalité entre les citoyens. Il s’agit d’un droit global dans le champ duquel on intègre non seulement l’accès à des soins de qualité, mais aussi l’accès à l’eau potable, l’accès à un environnement sain, l’accès à un habitat assaini, etc. La définition des politiques en matière de santé s’est trouvée souvent limitée par le caractère multidimensionnel des déterminants et par la difficulté d’intervenir sur les causes structurelles, alors que l’action publique se déployait plus facilement à travers des mesures ciblées sur des populations défavorisées.

A Touba, il faut désectoriser la santé et la placer dans un cadre plus vaste où elle pourra être perméable aux véritables relations de cause à effet qui, dans la réalité, déterminent ce secteur, comme l’hydraulique, l’hygiène, l’assainissement, l’urbanisme, l’économie, la culture, etc. Le secteur de la santé de Touba M’Backé doit permettre un décloisonnement des appareils auxquels les secteurs de l’administration sont souvent très peu perméables. Il faut, à des fins de prévention et d’intervention publique, ordonner et articuler les différents déterminants des inégalités de santé dans notre pays en général et à Touba-M’Backé en particulier. Il faut optimiser le potentiel synergique des autres secteurs et neutraliser les éventuelles externalités négatives auxquelles ils peuvent être liés. Pour cela, il faut mettre en place un cadre stratégique permettant d’optimiser les contributions des autres secteurs.

Le leadership de la santé doit être davantage affirmé et ainsi, seront mis en place des méthodes et des mécanismes fermement établis qui reposeront sur la planification et la mise en œuvre multisectorielle. L’opérationnalisation autour du Préfet et sur la base de cahiers de charge précis pour les autres secteurs, peut permettre de contribuer au développement durable et à l’institution d’une bonne gouvernance en termes de transparence, d’efficacité, mais aussi d’intégration et de rationalisation des interventions des secteurs public et privé. Cette opérationnalisation peut permettre finalement de placer les problèmes sanitaires au cœur d’un dialogue entre tous les acteurs avec comme exigence, l’affirmation de Touba-M’Backé de ses capacités à faire face aux défis actuels et futurs liés à la santé. La place de la santé dans un modèle pluridimensionnel humain de développement durable est finalement l’option la plus pertinente à Touba.

Pour conclure, nous pouvons affirmer sans nous tromper que dans le contexte actuel de Touba, il est important d’avoir une vision prospective des problèmes de santé et donc une ampleur de vue très supérieure à celle du passé. En effet, une gestion des risques qui ne reposerait que sur l’expérience, peut mener à un désastre lorsque le complexe pathogène évolue rapidement. Les mutations qui sont au cœur des forces motrices qui animent ce complexe, peuvent reconfigurer les risques traditionnels et en susciter de nouveaux ; ces mutations peuvent aussi transformer les voies de diffusion des facteurs pathogènes, c’est à dire modifier la vulnérabilité des personnes exposées et finalement altérer les réactions de la société.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Professeur Oumar FAYE

katafaye@yahoo.fr

L’urbanisation de Touba en question (Par Professeur Oumar FAYE) | .

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