Notre sentiment est que notre pays s’achemine vers des lendemains sombres si le gouvernement s’entête à nous imposer au moyen d’un couvre-feu policier des résultats électoraux préfabriqués au soir du 24 février 2019. Nous pouvons toutefois empêcher la survenance de cette calamité si les démocrates et les républicains de ce pays transcendent leurs appartenances régionalistes, partisanes et idéologiques et décident de s’unir pour contraindre ce gouvernement à cesser ses dérives autocratiques sur la matière électorale.
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Une élection n’est acceptable que si le processus qui l’a enfanté ne souffre d’aucune contestation. Par définition, un processus est un ensemble d’étapes et d’actes cumulatifs. Ces actes sont très souvent des mesures normatives que le pouvoir fait adopter et qui ne manquent pas d’avoir un impact sur la qualité de ce processus. Ce processus est de bonne qualité s’il est démocratique, juste, équitable, libre, transparent et sincère. Pour satisfaire à ces critères qui conditionnent sont acceptabilité, il faut une confiance entre les acteurs qui interviennent dans ce processus. A ce titre, il convient de préciser que la confiance ne se résume pas simplement à une posture, c’est un état de fait dont on peut vérifier l’existence en examinant à la fois la qualité des relations que les acteurs entretiennent entre eux, les prises de positions publiques des membres de la majorité présidentielle sur la matière électorale ainsi que par les actes posés par chaque acteur engagé dans ce processus. A cet effet, il est généralement admis que la qualité du discours des tenants du pouvoir ainsi que les actes qu’ils posent sont indispensables pour instaurer un climat de confiance entre tous les acteurs sans lequel on ne peut pas avoir un processus électoral consensuel.
Sous ce registre aujourd’hui, la vérité est que la confiance n’est pas de mise avec le gouvernement actuel. Jamais dans l’histoire politique de notre pays, on a connu un processus électoral aussi unilatéral et chaotique que sous l’ère du président Macky Sall. Jamais, on a noté autant de contrevérités, de faits du principe et de mesures antidémocratiques visant à entacher la sincérité, l’équilibre et la sincérité des élections dans notre pays.
Les propos et gestes qui illustrent cette crise de confiance entre les acteurs sont nombreux et résultent d’un style de management en matière électorale qui ne manque pas de semer le doute sur la fiabilité du fichier électoral à remplir les conditions de tenue d’une élection libre, démocratique et transparente.
D’abord, sur la gestion du processus électoral : Une comparaison entre la méthode du Président Abdoulaye Wade et celle de Macky Sall montre une grande différence du point de vue du style managérial que du point de vue de la qualité du leadership politique de chacun d’eux. Le premier avait
un style décisionnel démocratique ce qui avait valu au Sénégal une absence quasi totale de contestation portant sur les règles du jeu électoral alors que le second qui adopte un style autocratique nous mène inéluctablement vers le chaos électoral et l’instabilité politique permanente.
Pour ce qui concerne la gouvernance électorale du Président Abdoulaye Wade, ce dernier répondant favorablement à la demande de l’opposition et de la société civile, avait accepté à ce qu’un audit soit effectué sur le processus électoral en 2010. Le rapport de cet audit publié en 2011 à la veille de la présidentielle de 2012 avait décelé plusieurs anomalies que le pouvoir de l’époque s’était engagé à corriger. Chose qui a été faite. Et cela avait conduit en janvier 2012 à l’adoption de la loi n° 2012-01 abrogeant et remplaçant la loi n° 92-16 du 07 février 1992 relative au Code électoral. Ce texte avait repris la presque totalité des 108 recommandations de cet audit. Le président Abdoulaye Wade pour apaiser la situation avait défalqué des compétences administratives de Monsieur Ousmane Ngom alors ministre de l’intérieur celle liées à l’organisation matérielles des élections en confiant cette compétence
à un ministre neutre nommé à cet effet et spécialement chargé des élections. Cet acte très risqué et rare sous les tropiques pour un président sortant avait permis au Sénégal de vivre sa deuxième alternance sans trouble ni effusion de sang en 2012.
Par contre, au lendemain des élections législatives du 30 Juillet 2017 jugées par tous les observateurs politiques et les experts électoraux comme étant les plus chaotiques et les plus mal organisées dans l’histoire de notre jeune démocratie, l’opposition regroupée au seins de l’Initiative pour des élections démocratiques (I.E.D) avait exigé à ce qu’un audit global du processus électoral soit effectué. La proposition ne l’opposition était fondée sur plusieurs constats qui portaient un doute sérieux sur la neutralité des services du Ministère de l’Intérieur préposé à la matière électorale mais également sur la fiabilité de la technologie utilisée pour empêcher la possibilité de votes multiples (plusieurs fichiers électoraux) et des dissimulations sur la carte électorale comme ce fut le cas lors du référendum constitutionnel de Mars 2016 et durant les législatives de juillet 2017. Le président Macky Sall avait non seulement refusé d’opérer un audit global du processus électoral comme le lui recommandait l’opposition mais en plus d’opter uniquement pour un audit du fichier électoral qui n’est qu’une composante de ce processus, avait exclu celle-ci de l’élaboration du contenu des TDR de la mission chargée de faire cet audit. Malgré tout, le mandat de la Mission d’audit du fichier électoral ou MAFE bien que politiquement confinée seulement sur un audit du fichier avait étendu sa mission sur les deux phases des plus importantes du processus à savoir la chaîne d’enregistrement des électeurs et celle de la distribution des cartes d’électeurs. A ce titre, le rapport de la mission avait conclu à deux remarques
considérables à savoir : d’une part que la chaîne d’enregistrement des électeurs était défectueuse et d’autre part que le mécanisme mis en place par les services du ministère de l’intérieur pour distribuer les cartes ne permet pas d’assurer une distribution équitable sur le territoire national de ces cartes tout en garantissant la transparence dans cette distribution. La conséquence aujourd’hui, c’est qu’il y’a des millions de sénégalais qui peinent à localiser leur carte d’électeur et que le constat est fait que dans certaines zones jugées défavorables au gouvernement seuls 20% des électeurs ont reçu leur carte et qu’un pourcentage allant jusqu’à 60% de la population desdites zones ne figure pas dans le fichier électoral. Cette forfaiture révèle du coup une entreprise politico-administrative de manipulation géographique du fichier électoral inédite dans notre histoire politique et doit alerter tout démocrate soucieux de la stabilité et de la cohésion nationale du Sénégal.
Ensuite, sur la mise à disposition du fichier électoral aux membres de l’opposition. Sur ce point, on peut facilement détecter le mensonge du gouvernement qu’il tente de masquer aux moyens de subterfuges et d’interprétations tendancieuses et opportunistes des dispositions du code électoral.
Que dit ce texte sur cette question ?
L’article 11 dispose qu’il faut que le fichier électoral soit remis aux candidats à l’élection présidentielle au moins 15 jours avant le jour du scrutin. Pour ne pas respecter cette obligation, le gouvernement tout en décidant encore de manière unilatérale de la date à laquelle les candidats de l’opposition doivent disposer du fichier électoral, interprète également de mauvaise foi sur le terme candidat pour conclure que ne vise que les personnes dont la candidature est déclarée valide par le Conseil constitutionnel. Il faut préciser à cet effet que cet argument est davantage rendu caduque par le vote la loi sur le parrainage. Ce nouveau texte qui évoque l’expression candidat à son article 57 apporte par ce biais un changement majeur dans l’interprétation de l’article 11 précité que les troubadours du pouvoir occultent malicieusement dans leur interprétation. Avec cette nouvelle disposition, on est plus candidat après la publication de la décision du Conseil constitutionnel portant sur les candidatures déclarées recevables par ce dernier mais on le devient dès qu’on décide de se soumettre à l’exercice du parrainage en retirant au niveau de la DGE les outils légaux pour le parrainage à savoir la fiche Excel et la formulaire format papier pour les opérations de collecte de parrains. D’ailleurs, l’alinéa 08 de l’article 57 ci mentionnée parle clairement de candidat ou de candidate déclarée. De ce fait, l’expression candidature à la candidature claironnée par les tenants du pouvoir n’existe nullement part dans la législation actuelle de notre pays en matière électorale et ne correspond à aucune situation de fait qui le justifie au plan juridique.
En cela s’ajoute le fait que la section 03, article L.48, al 05 du code électoral dispose expressément que les partis politiques légalement constitués ont un droit de regard et de contrôle sur la tenue du fichier. Pour rappel, parmi les candidats déclarés, il y’en a comme le nôtre qui est le candidat d’un parti politique légalement constitué à savoir Pastel-Les-Patriotes et à ce titre est en droit de réclamer à ce que le gouvernement mette à sa dispositions le fichier électoral pour les besoins du parrainage comme pour tous les autres candidats
Au regards de ces considérations, on voit que le gouvernement, en refusant de remettre à l’opposition le fichier électoral, viole non seulement les dispositions du code électoral mais entrave aussi la campagne de parrainage pour les candidats issus des rangs de cette opposition. Au même moment et conformément à son engagement à faire tout ce qui est de son ressort pour faire gagner le candidat sortant en l’occurrence Macky Sall, le Ministre de l’Intérieur membre du directoire national du parti présidentiel détient par devers lui au détriment de l’opposition ce fichier électoral. Ce fait constitutif d’une rupture d’égalité devant la loi entre les citoyens sénégalais met à nue la culture autocratique et malsaine de ceux qui gèrent le processus électoral dans notre pays et les risques que le comportement despotique de ces derniers fait peser sur la réputation du Sénégal jadis réputé comme un pays stable où les risques liés à l’investissement privé sont minimes comparés aux autres pays de la région.
Il devient alors urgent de redynamiser le Front de résistance nationale et de l’élargir davantage à tous les acteurs sociaux soucieux de la stabilité et de la cohésion nationale pour mettre fin aux dérives autoritaires d’un pouvoir aux abois, impopulaire et en rupture de banc avec Le Peuple.
M. ALDIOUMA SOW
Secrétaire National chargé des opérations électorales de Pastef-Les-Patriotes
Coordonnateur Communal de la Section de Somone/Mbour
L’article Le processus électoral du chaos politique ! (Aldiouma Sow, chargé des élections de Pastef) .