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Sécurisation Du Processus électoral : Les Ratés De 2012 Sont Encore Là En 2019 ! 

A la même époque environ en 2012, suite d’une part au refus de gouvernement d’alors de détacher des éléments de protection auprès du candidat de l’opposition admis au deuxième tour, et d’autre part de l’émotion soulevée par des actes bien répréhensibles des forces de sécurité ( véhicule canon à eau de la police fonçant sur la foule au monument de l’Obélisque à Dakar, jet de grenades lacrymogènes dans une mosquée située dans le centre-ville de la capitale etc.) nous avions fait publier à travers la presse locale un article intitulé «Sécurisation du processus électoral : posture bien discutable des forces de sécurité». L’article est accessible sur le site leral.net.

Les points essentiels évoqués dans cette contribution avaient trait aux responsabilités de l’Etat et des forces de sécurité en matière de sécurisation du processus électoral, et ce, conformément aux textes en vigueur au niveau de la Cedeao. Malheu­reusement, les récents évènements tragiques de Tamba­counda prouvent bien que, d’une élection à une autre, les autorités sénégalaises chargées de la sécurité des élections semblent méconnaître (peut-être ?) ces textes ratifiés par leur pays.

Les différents accords, continentaux ou régionaux, sont respectivement :

La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de l’Union africaine,

Le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la Cedeao (Section IV du Protocole A/SP1/12/01),

Rapport du Colloque d’Accra sur les élections en Afrique (novembre 2009),

Et enfin la Déclaration de Praia sur les élections et la stabilité en Afrique de l’Ouest (mai 2011).

Et c’est bien cette Déclaration de Praia qui souligne avec une précision on ne peut plus nette les responsabilités de chaque entité, à savoir :

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«L’Etat doit assurer la protection sans discrimination de tous les électeurs et des candidats, en particulier les femmes candidates, contre la violence, l’intimidation et toutes les autres formes de violation de droits de l’Homme» (point A28)1

«Les Forces de sécurité doivent assurer l’impartialité et la neutralité des forces de sécurité pendant les élections : assurer que la protection des populations et des biens est une priorité, comme partie des engagements des forces de sécurité pour un cadre plus large de sécurité humaine» (point B35),

«Etablir une force de sécurité électorale ad hoc dans les contextes de fragilité institutionnelle, sous la supervision d’un organe intégré et impartial de coordination de la sécurité électorale» (point B38).

En termes clairs, l’analyse de tous ces points ci-dessus mentionnés permettent de retenir dans le cas actuel du Sénégal que :

Le ministère de l’Intérieur devait mettre à disposition de tous les candidats retenus par le Conseil constitutionnel une solide équipe de protection bien avant le démarrage de la campagne électorale : ce n’est ni une faveur ni une concession, mais un droit.

L’existence d’un organe intégré et impartial de coordination de la sécurité électorale n’est pas communiquée au public : aucune communication conjointe police-gendarmerie n’ayant été faite à ce jour à travers les médias pour expliquer le déploiement et les opérations sur le plan national. Toutefois, des communications individuelles par arme sont notées à la télévision.

Force est de constater qu’une posture d’anticipation et de respect des accords et textes en vigueur au niveau de la Cedeao aurait permis de réduire les suspicions d’attitude partisane du ministère de tutelle et le recours des candidats-opposants à des membres de la diaspora exerçant dans la sécurité en France ou à des lutteurs ou loubars de qualification douteuse.

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La sécurisation du processus électoral n’est plus une procédure d’arrangement ou de concession, mais une matière qui fait partie intégrante de la gestion de la sécurité (security management) : elle fait désormais l’objet d’enseignements fréquents par le biais de séminaires, leçons apprises et bonnes pratiques à partager.

Le rétropédalage consistant à affecter d’urgence, post-évènements de Tamba, des équipes de protection aux candidats est certes salutaire, mais soulève encore le débat global du maintien de la sécurité publique au sein du ministère de l’Intérieur.

A cet égard, nous sommes d’avis qu’il est grand temps que le Sénégal rejoigne les pays qui ont mis en place un ministre de la Sécurité publique.

Nous savons tous les candidats préoccupés actuellement par la dernière ligne droite de la campagne électorale, mais nous lançons à chacun d’entre eux, et particulièrement à celui qui sera élu président de la République, un appel urgent pour envisager, à l’instar de nombre de pays du continent, la création d’un département ministériel chargé de la sécurité publique, laissant au ministère de l’Intérieur l’Administration territoriale en sus d’autres responsabilités régaliennes à préciser.

Les multiples menaces, transfrontalières, terrorisme etc. qui sévissent à nos frontières et qui guettent notre pays avec l’exploitation toute proche d’importantes ressources pétrolières et gazières militent assurément à la création de ce nouveau département ministériel.

Alioune DIOP, Colonel (Er)

Ancien Conseiller Principal Sécurité des Nations Unies

Consultant

aldiop30@gmail.com

1 Déclaration de Praia sur

les élections et la stabilité en Afrique de l’Ouest, Praia, Cap Vert (18-20 mai 2011)

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