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Petite Leçon Du Comité Des Droits De L’homme

En un seul paragraphe, dans l’affaire opposant Karim Wade à l’Etat sénégalais, le Comité des droits de l’homme vient de donner une belle leçon à ceux y compris qui agissent au nom de ces mêmes droits de l’homme dans leur carrière professionnelle et s’en enorgueillissent :

« Le Comité reconnaît l’importance de l’objectif légitime de la lutte contre la corruption par les Etats mais souligne également que celle-ci doit s’effectuer dans le respect des règles de procédure et du droit à un procès équitable ».

Autrement dit, oui, l’exercice des droits fondamentaux de la 2ème génération (droits socio-économiques possiblement remis en cause par la corruption), ne saurait justifier la mise à l’écart des droits fondamentaux de la 1ère génération. Protéger les victimes des crimes économiques certes, mais pas à n’importe quel prix ! Et sans doute pas au mépris des droits acquis dans notre histoire humaine par les Peuples contre l’arbitraire des gouvernants !

Me William Bourdon, français, a été l’avocat de l’Etat sénégalais devant la CREI. Il poursuit légitimement le but de traquer les criminels économiques, en particulier en France. Il faut dire que le profil de Karim Wade représentait une cible idéale pour lui : sorte de golden boy, portant un sobriquet inespéré « l’homme des commissions », ancien banquier… autant de qualificatifs qui semblaient le désigner comme un col blanc ! Un combat idéologique se dessinait alors entre un homme symbole du libéralisme économique dépravé et lui l’homme de gauche (ayant fait partie de l’équipe de campagne de François Hollande), le grand lutteur en faveur de la justice sociale, sur fond d’une CREI ressuscitée par une ancienne trotskiste devenue ministre de la Justice. Voilà la revanche de la gauche contre la mondialisation libérale, et le tout rendu possible par un président libéral pragmatique, devenu le maître incontesté du jeu politique !

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Ce paragraphe cité ci-dessus du Comité des droits de l’homme, juste ce paragraphe en question, désavoue pourtant Me William Bourdon. En regardant sa biographie sur le site web de l’association Sherpa que Me William Bourbon a fondée, il est présenté comme ancien Secrétaire général de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme. On souligne aussi qu’il poursuit des activités dans le domaine des droits de l’homme. De quels droits de l’homme parle-t-on ? En tous les cas assurément pas ceux qui ont fait de la France le chef de file de cette discipline juridique sur la scène internationale ! Il n’a pas fait honneur à notre tradition des droits de l’homme. Celle qui garantit à tout un chacun une justice impartiale et des voies de recours effectifs. Comment s’associer à ce léviathan judiciaire ? Cette juridiction qui n’a aucune équivalence dans notre droit positif au motif que nous ne serions consacrer la présomption de culpabilité (échec des tentatives faites par des parlementaires socialistes sous le mandat de Hollande). Et ce au nom d’un droit sacro-saint, celui de la présomption d’innocence et du principe de légalité. Comment faire fi de cette culture des droits de l’homme à l’étranger alors que notre vocation est de la faire rayonner partout dans le monde ? Comment se prétendre défenseur des droits de l’homme devant une juridiction digne de l’époque soviétique ? Le Parquet financier français a plus que collaborer avec les autorités sénégalaises. Il a été d’une bonne foi presque sans borne ! On avait beau se creuser les méninges, pour donner satisfaction à l’Etat sénégalais, on n’y parvenait pas. Notre culture des droits de l’homme nous l’interdisait, même à notre meilleur ami africain !

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Oui, il y a une hiérarchie dans les droits de l’homme, comme il existe des droits intangibles alors que d’autres sont relatifs. Les droits fondamentaux de la 1ère génération (droits issus de la philosophie libérale que je défends bec et ongles) constituent le socle de nos démocraties. Tout part de là ! Et leur respect n’empêche nullement de poursuivre ceux qui se seraient enrichis illicitement ! Aux côtés d’autres avocats, Me William Bourdon réclame aujourd’hui sa part du gâteau à l’Etat, selon la presse sénégalaise (sous forme de pourcentage selon les biens mal acquis recouvrés) ! J’espère que cela prendra tout le temps nécessaire avant de réviser ce deal qui n’est peut-être pas aussi conforme aux intérêts de la population sénégalaise. Et si, par extraordinaire, les honoraires étaient versés, j’espère que Me William Bourdon les versera généreusement à une association sénégalaise. Car ça c’est très « Toubab », la commisération envers l’Afrique !

Dans le cas de Karim Wade, j’ai toujours appelé à l’ouverture d’un nouveau procès. Il est normal que chaque homme politique rende compte, pas seulement lors des élections mais aussi devant la justice si des faits sont susceptibles de constituer une infraction pénale. Le Comité ouvre la possibilité d’un recours sur le fond de l’affaire si cette dernière ne reçoit pas une réponse politique d’ici mai 2019 sous la forme d’une amnistie ou d’un autre règlement ! En réalité, cela ne changera rien tant que la présomption de culpabilité sera maintenue dans le droit positif sénégalais, liée à l’instauration de la CREI ! Un nouveau procès devant la CREI avec la même procédure, ce sera inutile ! Un nouveau recours devant la Cour suprême avec le maintien de la présomption de culpabilité, ce serait superfétatoire !

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Des recommandations du Comité des droits de l’homme, c’est le libéralisme politique qui en sort vainqueur. A l’aube du 62ème Congrès de l’internationale libérale, l’honneur serait sauf si les autorités sénégalaises déclaraient l’inconstitutionnalité de la présomption de culpabilité au regard des droits fondamentaux de la 1ère génération ! On imagine le président de la République, mains fermes appuyées sur son pupitre, faire cette annonce à ses pairs libéraux ! La constitution sénégalaise qui consacre les droits fondamentaux de la 1ère génération en sortirait grandie.

edesfourneaux@

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