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Où Vont Nous Mener Ces Autoroutes à Péage ? (par Alla Kane)

Où Vont Nous Mener Ces Autoroutes à Péage ? (par Alla Kane)

CONTRIBUTIONJe reviens du Grand Magal de Touba, édition de 2018. J’ai pratiqué, à l’aller comme au retour, l’autoroute à péage Ila Touba, prolongation des autoroutes Dakar – Diamniadio, Diamniadio – Aéroport International Blaise Diagne et Blaise Diagne -Sindia à Thiès. De chez moi à Dakar, jusqu’à Touba, on roule sans arrêt, loin des villes et centres urbains qui jalonnent cette voie qui relie Dakar à Touba. Cette chaine d’autoroutes à péage vous amène jusqu’à Touba sans que vous voyez les villes de Rufisque, Bargny, Diamniadio, Sébikotane, Pout, Thiès, Khombole, Ndangalma, Bambey, Diourbel, Ndoulo et Mbacké ! Cela équivaut à un enterrement en bonne et due forme des routes nationales n°2 et 3 qui desservent ces zones du territoire national depuis fort longtemps.

On se rappelle la catastrophe en matière de transport terrestre qu’a été le démantèlement des rails et la disparition du réseau ferroviaire qui desservait une bonne partie de l’étendue de notre pays, avec les lignes directes Dakar-Saint-Louis et Dakar- Kidira et les bretelles Louga-Linguère, Diourbel-Touba et Guinguinéo-Kaolack. Des trains réguliers et des autorails circulaient quotidiennement en reliant les différentes gares qui jalonnaient ces lignes à la plus grande satisfaction des voyageurs. S’y ajoutaient les trains de marchandises qui contribuaient à la fluidité du commerce et des relations d’affaires entre les régions desservies. Ce trafic ferroviaire intense contribuait aussi au développement des villes traversées ainsi qu’à l’activité économique des différents agents qui s’y trouvaient. Il constituait ainsi le poumon de leur marche cadencée vers le progrès et la modernisation.

En mettant un terme drastique à tout cela, en démantelant carrément ce réseau plus que porteur de développement économique et social, le pouvoir du Parti socialiste plongeait ainsi tous les villes et bourgs concernés par le réseau ferroviaire dans un marasme profond dont ils ne se relèveront plus. Comme solution de rechange, les activités économiques se replient dans les gares routières et tout le long des routes nationales à travers le pays.

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Le chemin de fer c’était la vie, un facteur de développement économique et social, d’intégration territoriale et d’unification nationale. Il fallait emprunter les trains voyageurs et vivre l’ambiance intérieure pour faire le constat de centre de commerce ambulant qu’ils étaient pour pouvoir mesurer l’ampleur et la profondeur du vide né de leur arrêt définitif. Il en était de même des gares au moment d’arrivée de ces trains. Quelle animation ! Quelle chaleur dans les échanges ! Pour le temps de leur passage, les gares se transformaient en lieux d’échanges intenses qui avaient un impact certain sur le développement des villes. De même, les populations guettaient avec impatience le passage du train «Express» qui reliait Dakar à Bamako. Qui ne se souvient pas du bijou, que constituait l’Hôtel de la gare de Tamba.

C’est à tout cela que le régime du Parti socialiste a mis fin avec toutes les conséquences catastrophiques que cela a entrainées. Ce marasme généralisé a mené à l’ajustement structurel qui lui a été fatidique en mars 2000. L’Etat hideux que présentent de nos jours les gares ferroviaires à travers tout le réseau symbolise parfaitement l’échec des quarante ans d’exercice du pouvoir du Parti socialiste. Les autoroutes à péage, telles que conçues et réalisées sur le terrain, vont faire pire. Elles vont installer nos villes et nos campagnes, non pas cette fois-ci dans le marasme, mais dans un coma sans espoir de retour. Les différents tracés enterrent carrément tout le Sénégal qui respirait jusqu’ici. Le test de la chaine des autoroutes de Dakar à Touba fait à l’occasion du Magal 2018 le confirme clairement.

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Les deux autres autoroutes en chantier, celles de Mbour-Fatick-Kaolack et Dakar-Saint-Louis dite la côtière ne feront pas exception à ce qui semble être la règle jusqu’ici. L’autoroute Mbour-Fatick-Kaolack réservera le même sort à la route nationale n°1 en éclipsant tous les villes, bourgs et villages qu’elle traverse. Bonjour les dégâts pour Mbour, Sandiara, Nguekhokh, Tattaguine, Fatick, Gandiaye et Sibassor. Il en sera de même pour les villes, bourgs et villages de la route nationale n°2 qui subiront le sort que leur réservera l’autoroute dite la côtière qui plongera dans le noir les villes comme Rufisque, Bargny, Diamniadio, Sébikotane, Pout, Thiès, Tivaouane, Mékhé, Kébémer, Louga etc.

La question mérite bien d’être posée. Où nous mèneront les autoroutes à péages, ces gouffres à milliards ? Ces milliards du contribuable investis dans des projets qui lui préparent un avenir très sombre. Quatre cent seize (416) milliards pour l’autoroute Ila Touba sur une longueur de 113 km, 227 milliards pour le tronçon Dakar-Aibd sur une longueur de 52 km. Et les centaines de milliards qui devront servir au financement des autoroutes Dakar-Saint-Louis dite la Côtière et Mbour/Fatick/Kaolack. Des centaines de milliards investis avec comme résultat l’asphyxie de l’économie populaire, la mort programmée du Sénégal qui travaille, qui sue, qui ne compte que sur ses propres efforts pour vivre. Et c’est l’autonomisation de la femme qui en souffrira le plus durement car ceux qui fréquentent les routes nationales savent bien que 99 % de ceux qui s’activent tout au long de ces routes sont des femmes. La perte de la clientèle que vont entraîner les autoroutes à péage se traduira par une baisse sensible de leur pouvoir d’achat pouvant même entraîner une cessation de leurs activités productrices de revenus.

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Au vu de ces premiers résultats n’est-il donc pas temps de s’arrêter pour revoir l’objectif qui est de réaliser 800 km d’autoroutes d’ici 2030 ? Ne faudrait-il pas partir des routes nationales elles-mêmes pour un nouveau tracé pouvant réellement contribuer à booster les activités productives des populations des régions de l’intérieur ? Un tracé deux fois deux voies parallèles revenant sans doute moins cher avec des résultats beaucoup plus porteurs en matière de développement économique et social. Le coupler avec la reconstitution moderne d’un réseau ferroviaire couvrant tout le territoire national. On aura sans doute ainsi un Sénégal tendant au taux zéro accident. Combien de vies humaines seront ainsi sauvées par la sécurité renforcée des deux réseaux de transport terrestre bien conçus et bien appliqués sur le terrain. Ou alors va-t-on continuer de dérouler le programme d’autoroutes à péage toujours dans la foulée de ce que dit bien le Professeur Djibril Samb, universitaire émérite et acteur bien connu de l’enseignement supérieur, quand il affirme que «les infrastructures qui sont réalisées tant bien que mal ne sont que des prétextes et, dans le meilleur des cas, des conséquences induites destinées prioritairement à justifier les immenses décaissements publics. C’est pourquoi les investissements sont réalisés dans des conditions défiant toute rationalité économique et sans aucun rapport avec la résorption du développement inégal des infrastructures sur l’ensemble du territoire» ?

 

Alla KANE

Inspecteur des Impôts et des Domaines à la retraite

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