Depuis le mois d’octobre passé, le président Macky Sall a ouvert sa campagne électorale non déguisée à travers ses tournées dites économiques. Entre inauguration d’infrastructures, lancement de travaux, visite de chantiers ou formulations de nouvelles promesses, le président sortant déroule. Certains de ses responsables sont sur le terrain du parrainage, d’autres essaient d’occuper, même si souvent c’est laborieux, les médias pour « vendre » les réalisations de leur mentor et tenir tête aux détracteurs de la politique présidentielle. Pendant ce temps, presque toute l’opposition semble avoir abdiqué et laissé le terrain libre au président Sall. Seul Ousmane Sonko fait face réellement au président sortant au point de se poser comme son véritable challenger.
C’est ainsi que le 18 octobre 2018, le président de la République a procédé au lancement des travaux de l’Espace numérique ouvert (ENO) de la ville d’Oussouye, un cadre technologique et performant qui va accompagner et faciliter l’accès des étudiants de ce département aux équipements pédagogiques.
Le 19 octobre 2018, Macky Sall a procédé à l’inauguration du nouveau lycée de Goudomp. Le même jour, mais dans l’après-midi, il a inauguré l’Espace numérique ouvert (Eno) de Kolda après avoir visité les travaux du programme Promovilles dans la commune.
Le 20 octobre, il a visité les chantiers de la Boucle du Boudié sur l’axe Sédhiou-Marsassoum. Après cela, il a procédé à la pose de la première pierre du pont de Marsassoum avant de visiter les travaux de rénovation de la commune de Sédhiou réalisés par Promovilles et ceux de l’Etablissement public de santé (Eps) de Sédhiou.
Le 21 octobre, Macky Sall a visité le Domaine agricole communautaire (Dac) de Sefa. A Bignona, le Président a lancé la phase II du Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC) avant de visiter les réalisations de la première phase et procéder au lancement des travaux de la deuxième phase de la Plateforme économique de Bignona. Après avoir quitté Bignona, le candidat à sa succession s’est rendu à Ziguinchor pour poser la première pierre des travaux de bitumage de la Boucle des Kalounayes à Tobor. Le 22 octobre 2018, dernier jour de sa tournée dans le Sud du pays, Macky Sall a inauguré la Route nationale numéro 6 (RN6) avant de lancer les travaux Promovilles dans la commune de Ziguinchor.
Après la région méridionale du Sénégal, cap vers le sud-est du pays notamment Tambacounda et Kédougou les 16 et 17 novembre pour une autre tournée économique. Le tronçon Tambacounda- Dialacoto qui a coûté 16 milliards de francs CFA a été inauguré le premier jour par le président de la République. Le chef de l’état a, par la suite, lancé les travaux du Promovilles de la commune de Tambacounda. A Kédougou, ce sont les travaux de bitumage de la route Kédougou-Salémata qui ont été lancés en même temps qu’était inauguré le pont Kédougou- Fongolimby. Les premières rames du Train Express Régional (TER) sont arrivées à Dakar depuis le 18 novembre dernier. Bientôt, il sera opérationnel. L’autoroute Ila Touba est fin prête pour ouvrir ses péages aux usagers. Le 22 novembre, le président Sall a procédé à l’inauguration de la Plateforme Industrielle Internationale de Diamniadio qui accueille dans sa première phase, et pour la première année d’exploitation, sept entreprises industrielles et sept entreprises de services de divers horizons. Les travaux du Dac de Sangalkam viennent d’être lancés. Cette semaine, Dakar expo Center sis à Diameniadio, carrefour d’échanges de la sous-région, sera inauguré. Le 4 décembre prochain, le marché international de Diamniadio d’une valeur de 55 milliards sera livré en présence de l’autocrate Recep Tayyip Erdogan.
Au plan politique, l’heure est à la remobilisation des troupes au sein de la mouvance présidentielle. C’est ainsi que le 21 novembre 2018, la Coordination des cadres de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar a organisé la convention d’investiture de son candidat Macky Sall. Le jour suivant, c’était au tour du Conseil national des sages de Bennoo d’organiser sa cérémonie d’investiture du président Sall. Le Réseau des enseignants devait lui emboiter le pas avant-hier si des couacs de dernière minute n’avaient pas empêché la tenue de la cérémonie d’investiture du chef de Bennoo. Le weekend dernier, les femmes de Bennoo Bokk Yaakar ont investi, dans une grande mobilisation, leur candidat à Mbour en présence de Ousmane Tanor Dieng, le secrétaire général du Parti Socialiste. Cette dernière formation politique tiendra d’ailleurs demain son congrès d’investiture pour confirmer son choix sur le candidat Macky Sall.
Sonko, seul opposant crédible de Macky
Au moment où le président enchaîne des tournées politico-économiques propagandistes, au moment où son parti se réorganise à tous les niveaux, ses opposants s’arc-boutent sur leurs sempiternelles revendications qui sont devenues un disque rayé : fichier électoral non fiable, rétention des cartes d’identité, nomination d’un ministre chargé des élections, inscription de Karim Wade sur les listes électorales et tutti quanti. Si une opposition se résume à ces points susnommés ou autres similaires, c’est un peu court. A quelque trois mois de l’élection présidentielle, aucun opposant, à part Ousmane Sonko, n’a encore présenté aux Sénégalais un programme alternatif susceptible de représenter une alternative au Plan Sénégal émergent (PSE). D’ailleurs, le seul opposant qui est aux trousses de Macky Sall, c’est le leader de Pastef. Ce dernier a tellement compris l’importance des tournées à l’intérieur du pays et au niveau de la diaspora qu’il entamé depuis quelques temps des déplacements internationaux. Après des tournées populaires au Etats- Unis, au Canada, le leader du Pastef qui était en Espagne notamment à Madrid et à Barcelone, a tenu le 24 novembre dernier un meeting populaire à Paris après avoir animé un débat à Sciences po Paris. Aujourd’hui, il doit se rendre en Belgique, plus précisément dans la capitale Bruxelles, pour rencontrer nos compatriotes. Et avant d’entamer cette tournée internationale, le Patriote en chef avait déjà bouclée une tournée dans le Saloum et le Ndoucoumane.
Même dans les débats programmatiques sur l’opérationnalité du budget et sur le fonctionnement du pays, il n’y a que les voix de Sonko, Mamadou Lamine Diallo, Thierno Alassane Sall, Pierre Goudiaby, Moustapha Guirassy et Mamadou Diop Decroix qu’on entend bousculer le pouvoir sur des sujets d’intérêt national. Où sont passés les leaders politiques « classiques » comme Idrissa Seck, Malick Gakou, Aïda Mbodj, Aissata Tall Sall, Abdoul Mbaye, Pape Diop, Abdoulaye Baldé, Samuel Sarr, Amsatou Sow Sidibé et les néo-opposants en l’occurrence Hadjibou Soumaré, Hamidou Dème, Boubacar Camara, Ngouda Fall Kane, Ibrahima Sylla, Yacine Fall, Nafissatou Wade ? Ils ont laissé l’espace public au président Macky Sall et à ses militants et alliés ! C’est pourquoi, depuis un certain temps, on sent un regain de forme d’Aminata Touré et des cadres de l’APR, lesquels plastronnent et défient le camp d’en face de débattre avec eux sur le bilan du président Sall.
Quant à Madické Niang, l’ersatz de Karim Wade, il passe tout son temps à s’expliquer sur sa candidature comme si quelque part il a un problème avec le tribunal de sa conscience. Sinon, on ne peut pas concevoir que l’ex-Président du groupe parlementaire libéral démocratique, ancien ministre des Mines, ait adopté une position mutique effarante sur le contrat que le Sénégal devait signer avec la société turque «TOSYALI », pour l’exploitation des mines de fer de la Falémé.
Quant au coordonnateur du PDS, Oumar Sarr, il n’a pas encore conscience que c’est lui le leader en l’absence de Karim Wade. Fuyant toujours les débats de haut niveau, il passe tout son temps à ergoter sur des vétilles du genre « Karim viendra… c’est Karim notre candidat, Madické s’est auto-exclu… si Karim n’est pas candidat, il n’y aura pas d’élection… ».
Récemment au ministère de l’Intérieur, il a déclaré avant de bouder : « Ce que nous avons vu, ce n’est pas un fichier électoral. Mais plutôt une maquette qui ne nous renseigne sur rien ». Aujourd’hui, en tant que leader du grand PDS, en l’absence du Prince héritier, Oumar Sarr devrait pouvoir tenir la dragée haute au pouvoir de Macky Sall sur des questions économiques transcendant le disque rayé du fichier électoral et de la distribution des cartes d’identité. La prouesse réussie par Oumar Sarr, c’est d’avoir à créer des oppositions au sein du PDS et d’avoir facilité la transhumance marron de plus apparatchiks libéraux.
Certes, il est important d’exiger un fichier transparent, un arbitre organisateur neutre de l’élection présidentielle, une bonne distribution des cartes d’identité, de tenir un discours « dégagiste » mais de pareilles revendications doivent être portées dans un parti organisé par des responsables autres que le leader dont la préoccupation à trois mois de la présidentielle doit être de porter une vision alternative et de proposer une offre programmatique convaincante. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre l’appel d’Abdoulaye Baldé qui déclare à juste raison : « Nous sommes déjà 104 candidats et si chacun envoyait un expert, ça va être la cacophonie et nos conclusions ne seraient pas souvent les mêmes. Il faut harmoniser nos actions pour être efficaces. Donc, il ne faut envoyer que des experts.»
Quant aux partisans de Khalifa Sall, ils ont disparu de la scène politique. Seul Barthélémy Dias, en proie encore des ennuis judiciaires, Idrissa Diallo et Moussa Tine animent le débat public de temps à autre et nous rappellent que l’ex-maire de Dakar est candidat à la présidentielle. Moussa Taye, Bamba Fall, Aminata Diallo ne sortent que quand une information compromettant leur leader incarcéré est livré au public par le gouvernement.
Une opposition aux abonnés absents
Voilà sept ans que le président Sall gouverne ce pays sans que n’aient été forgées les balises d’une véritable opposition. On a l’impression de vivre une démocratie orpheline car sans opposition étant donné que les hommes et femmes politiques qui devraient le faire semblent rechigner à s’opposer réellement. L’absence d’une opposition conséquente et crédible au pouvoir de Macky Sall est manifeste. Une opposition qui s’est malheureusement émiettée et affaiblie à cause de l’absence d’une unité d’action et d’un projet alternatif mis à la portée des populations. A trois mois de la présidentielle, on ne sent aucun engouement populaire par rapport à cette échéance électorale. Le Sénégal est orphelin d’une opposition version Abdoulaye Wade dont les retours populaires au pays à quelques mois de la présidentielle revitalisaient toujours l’ambiance pré-électorale et animaient une opposition résolue et déterminée au seul profit de l’avancée démocratique.
On est loin de la chaude atmosphère pré-électorale de 2011 où l’opposition, de concert avec la société civile, portait la revendication politique du peuple. Certes, on peut dire que les contextes diffèrent mais les enjeux restent les mêmes. Aujourd’hui, les mouvements citoyens ont abdiqué, et les partis politiques semblent avoir déposé les armes. Quant à la presse, elle est domestiquée dans sa majorité. Tout cela explique pourquoi le président Macky Sall, nimbé de ses réalisations et autres promesses, est en roue libre sur la scène politique. L’actuel président a de toute façon de beaux jours devant lui du fait de l’incapacité de ses rivaux potentiels à montrer aux Sénégalais une opposition crédible.
Heureusement que sur son chemin, se dresse le leader du Pastef qui est devenu par sa pugnacité, sa ténacité, son discours et sa vision son principal challenger. Aujourd’hui, en l’absence de Karim Wade et de Khalifa Sall, seul Ousmane Sonko a montré aux Sénégalais qu’il peut se poser comme le véritable challenger de Macky Sall… que les sondages créditent toujours de 34 % des intentions de votes en dépit de ses multiples réalisations. Sans doute parce que, aux yeux de la majorité de nos compatriotes, ces « réalisations » et ce »bilan » pèsent finalement de peu de poids face aux innombrables atteintes dudit Macky Sall à la bonne gouvernance, à la démocratie et au ressources de la Nation ! Par le biais notamment