« L’opposition cherche la crise du régime ! » Le pouvoir l’en accuse, l’opposition s’en défend.
Le pouvoir dit que tout va pour le mieux, l’opposition affirme le contraire. Qui a raison ? L’un des deux ment, c’est l’évidence. Aujourd’hui celui-ci, demain celui-là. Et le peuple sur les gradins assiste à l’empoignade dont on le persuade que dépend son avenir.
Cris et chuchotements, éclairs d’imprécations ! L’espace sénégalais en est zébré. C’est bientôt la campagne électorale. Effrayer le peuple pour obtenir ses suffrages, le séduire pour capter sa confiance, voilà à quoi, sans per ni reproche, s’emploient les hommes politiques. Demain on rase gratis ! Et les cous se renversent offerts au rasoir. Votez pour X, c’est la garantie de l’émergence ! Votez pour Y, c’est l’assurance de l’indépendance nationale ! Les politiciens s’égosilleront et les affiches couvriront les murs.
Bientôt soixante ans que des hommes et des femmes votent dans ce pays, on ne cesse de leur promettre la lune et c’est chaque fois, sous son masque narquois, le grand cimetière des illusions perdues.
Si certains sénégalais donnent la majorité sortante pour battue, ce n’est pas tant à cause de son bilan qui est bien défendable, c’est parce que son charme incarné par de proches collaborateurs est parfois éventé.
Les peuples sont incorrigibles. On les trompe dix fois, cent fois, ils marchent encore. Pourquoi ? Parce que la démagogie se nourrit de leurs aspirations. Et c’est en quoi elle est une gueuse : elle spécule sur le meilleur de l’homme, la liberté, le travail, l’éducation, et tire des traites sur son bonheur pour mieux asseoir l’ambition de quelques-uns.
Ils ne sont pas tous démagogues, mais c’est assez de quelques-uns pour gâter la pâte et pousser les meilleurs à la surenchère. Votez pour moi, vous aurez du travail et du pain ! Comment ne pas y croire, quand on manque de pain et de travail. La mémoire est courte quand il s’agit de faire place à l’espérance. Demain on rase gratis et le Sénégal va changer de base. Le Sénégal a changé, c’est vrai, et des progrès ont été accomplis. Il suffit d’une miette pour faire croire que demain le pain de la justice sortira tout cuit du four électoral.
La démagogie est-elle liée à la politique comme une fatalité ? L’histoire le montre. On ne gouverne pas innocemment. Tout pouvoir est une violence et le mensonge en est une. Viol des corps, viol des âmes, tous les coups sont pratiqués sinon permis. Et l’humanité n’a pas attendu Machiavel pour admettre que la fin justifie les moyens.
Même la morale fléchit devant les exploits du malin et tourne en vertus les entreprises de la ruse. Le plus beau mensonge de l’histoire du monde c’est le cheval de Troie. Un mensonge-monument, qui berne les Troyens et cause leur ruine. Malheur aux bernés et vive Ulysse ! Héros à la langue double, pipeur de dés, qui finit, à force de mentir, par ne plus savoir qui il est ! « Je ne suis personne ! » lance-t-il à Cyclope, c’est-à-dire un masque de rien du tout.
Mentir c’est cacher. Que cachent-ils donc ? Soit leur méchanceté, soit leur faiblesse.
Malignité, ignorance, ambition, tous les prétextes sont bons au mensonge politique. On ment dans le présent : pour le travestir ; dans le futur, pour l’orienter à sa guise, dans le passé, pour le justifier, car c’est encore avec des mensonges qu’on écrit l’histoire.
Maintenant faut-il s’indigner d’une pratique qui existe depuis que le monde est monde ? Le mensonge se perpétue comme un phénomène qui a son statut social. Tissu de l’histoire et composant du jeu politique, il est l’objet des discours politiques. Ce discours, c’est la rhétorique, l’art de persuader, donc de manipuler l’opinion. Cela s’apprend dans les écoles où l’on couronne les élèves qui auront le mieux persuadé, donc le mieux séduit. Platon dénonçait la rhétorique, comme une tricherie, comparable à la cosmétique, disait-il, l’art du soin qui cache la réalité des corps. Donnez-moi un levier, je vous soulève le monde ! Les Archimède de la politique disent : donnez-moi une tribune et je vous soulève le peuple.
Il faut relire dans Jules César de Shakespeare les discours successifs de Brutus et d’Antoine devant la plèbe romaine. L’un et l’autre ont la main sur le cœur et le cadavre de César à leurs pieds. « Je l’aimais, dit Brutus. Mais si je l’ai tué, c’est parce que j’aimais Rome plus encore que lui, donc vous-mêmes qui m’écoutez et que j’ai voulu délivrer de son ambition ! » Et l’assistance cria : « Vive Brutus ! » Après quoi vient Antoine. « Moi aussi j’aimais César, dit-il, et je l’aimais parce qu’il voulait votre bien. César ambitieux, peut-être, mais ambitieux pour vous et vos enfants dont il était le rempart et maintenant le voilà mort ! » Alors l’assistance crie : « Vengeance, assassin, à mort Brutus ! »
C’est le plus bel exemple d’une volte-face populaire provoquée par un discours politique. Des milliers d’années nous séparent de ces Romains. Sommes-nous aujourd’hui moins versatiles ? En Février 1944, tout Paris acclame Pétain au balcon de l’hôtel de ville. En Août de la même année, tout Paris acclame De Gaulle au même balcon, ce qui faisait dire à un humoriste qu’en six mois la population de la capitale avait doublé.
Lorsque la démagogie agit sur nos passions, elle est sûre de nous trouver. A la baguette du discours politique, nous marchons comme un seul homme.
Pour éviter cela, prenez tous du recul et soutenez le candidat que vous aurez choisi en âme et conscience. Chacun est libre et totalement libre de soutenir son rêve de changement ou de continuité. Que cela se fasse dans le respect de la différence et l’acceptation du choix de l’autre.
Une seule voix comptera mais seule ne fera pas les élections. Ce sera tout un peuple qui votera, même ceux-là qui choisiront de s’abstenir. Le mot est lâché, ils auront fait un choix.
Au décompte final, que seul le Sénégal en sorte victorieuse et que la construction de notre pays puisse continuer.
Que vive la Paix au Sénégal !
Souleymane Ly
Spécialiste en communication
julesly10@yahoo.fr
Share on: WhatsAppL’article Présidentielle de 2019: Attention aux démagogues ! .