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Au-dela Des Milliards Du Pse 2

Au-dela Des Milliards Du Pse 2

Dans la plupart des pays africains, à la veille des élections, les investisseurs qui sont sur place «gèlent» leurs activités en attendant de voir, ceux qui veulent investir préfèrent attendre sagement après les élections pour le faire parce qu’il y a rien de plus aléatoire pour les investissements en Afrique que les élections. Pourquoi les partenaires financiers du Sénégal (Banque mondiale, le Fmi, la Bad …), la France et les investisseurs privés ont répondu massivement à l’appel du Sénégal à moins de 70 jours de la Présidentielle ? La réponse se trouve dans deux mots qui sont le plus revenus dans tous les discours, aussi bien dans ceux des banquiers que des acteurs publics ou politiques : stabilité politique. Ces deux mots sont plus à l’origine de la pluie de milliards que l’attractivité économique ou fiscale. C’est notre bien le plus précieux. Plus précieux que le pétrole et le gaz. 

Toutes les institutions publiques comme privées qui se bousculent pour investir au Sénégal savent que le risque politique est quasi nul au Sénégal. Cette stabilité politique n’est pas un avantage comparatif, mais absolu. Le ministre français de l’Economie et des finances y a particulièrement insisté. Sur ce plan, nous pouvons apprendre des choses à la France. Au Sénégal, il y a une tradition de réformes politiques ou de négociations politiques pour éviter les révolutions, alors que «la France ne fait des réformes qu’après la révolution», comme disait De Gaulle. En matière de réformes politiques, nous faisons comme les gentlemen britanniques, mais nos hommes politiques se comportent plus en Chaka Zoulou qu’en gentlemen.

Le Président Abdou Diouf a initié des réformes politiques courageuses dans les années 90 (le fameux Code consensuel de 1993) pour desserrer et ouvrir le système politique. Ce desserrement aura été à l’origine de l’alternance en 2000. Wade, après les manifestations du 23 juin, a renoncé à son coup de force politique pour sauvegarder la stabilité politique du pays. Les investisseurs et les partenaires du Sénégal ne fuient pas le pays à la veille des élections, parce qu’ils savent que «l’alternance est devenue la respiration naturelle de notre démocratie» et que même en cas d’alternance politique, la «technostructure administrative» continuera de tenir le pays. En réalité, dans notre système, le président de la République, malgré l’immensité de ses pouvoirs, est devenu une variable face à la «technostructure administrative». C’est ce qui nous différencie de beaucoup de pays africains. L’alternance de 2000 a été un tournant dans notre histoire. En 2000, l’acteur Diouf était presque autant plus puissant que le système, et donc qu’un coup de force était envisageable. Heureusement pour le Sénégal, que Diouf a eu le sens de l’Etat et surtout de l’histoire. Les Sénégalais sont convaincus que Senghor était le choix de la France et Diouf celui de Senghor. Mais pour Wade et pour Macky Sall, point de doute possible. Ils savent que c’est leur choix. C’est pourquoi depuis 2000, le système est devenu beaucoup plus fort que les acteurs. Ce qui renforce chaque jour davantage notre stabilité politique, car chaque jour nous faisons de petits pas vers le règne impersonnel de l’Etat de droit. Mais pour l’instant, nous vivons dans l’étape transitoire de l’Etat légal.

Diouf (suppression de la limitation du mandat), Wade (tentative de suppression du quart bloquant) et Macky Sall (liquidation légale de Khalifa Sall) s’en sont tous servis pour des raisons politiques. La stabilité politique, notre bien le plus précieux, sera inaltérable quand il y aura un consensus sur les règles du jeu que le pouvoir en place ne puisse recourir à l’Etat légal pour des raisons politiques. Ce consensus sur les règles est le chaînon manquant de notre démocratie.

Les investisseurs mettent des milliards parce qu’ils sont convaincus que contrairement à la Côte d’Ivoire, au Congo Brazzaville ou au Kenya, le lendemain de la Présidentielle ne sera pas le début de la guerre civile, mais on irait plus vite à l’émergence si 95% du cerveau des acteurs de l’opposition et de la majorité n’étaient pas piratés par la question électorale. Nous avons une opposition d’une très grande qualité intellectuelle, avec des anciens Premiers ministres et des ministres d’Etat. Ce qui devait nous garantir des débats de haute facture, mais malheureusement le défaut de consensus sur les règles fait que tout le débat est cannibalisé par la question électorale. L’accélération vers l’émergence est liée au règlement de cette question, sinon notre démocratie s’enfermerait dans une sorte de mythe de Sisyphe, avec la question électorale, malgré les alternances. Les investisseurs nous font confiance dans les salons feutrés de la Banque mondiale et dans les lambris dorés de l’hôtel Salomon de Rothschild. C’est une très bonne nouvelle. L’autre bonne nouvelle est ma rencontre et une discussion intéressante avec quelques manifestants sur la place Georges Guillaumin, à quelques encablures de l’hôtel Salamon de Rothschild, qui ont bravé le froid glacial pour dénoncer «Macky Sall qui vend le pays». Ces manifestants de la place Georges Guillaumin, avec leur drapeau et leur sono, contribuent aussi à la stabilité politique et à la démocratie, car il faut le rappeler, en démocratie tout est relatif. Et c’est parce que tout est relatif que le débat est inhérent à la démocratie.

Entre Macky Sall qui se réjouit de la pluie de milliards sur le Sénégal et le déterminé Babacar Sall qui affronte le froid glacial (2 degrés) pour dénoncer le «pillage» du Sénégal et se dit tellement choqué qu’il veut changer son nom Sall pour prendre le Sow de sa femme, nous avons les deux faces ou les deux poumons de la démocratie. Et le système, comme tout être humain normal, a besoin de ses deux poumons pour bien respirer. Macky Sall a eu beaucoup de mérite en convainquant les partenaires financiers du Sénégal dans des salons bien chauffés. Babacar Sall aussi en a beaucoup en bravant le froid pour défendre son opinion. La différence de température, de conviction et d’opinion rappelle que tout est relatif, mais la confiance que le monde a pour le Sénégal confirme une constante que je défends depuis longtemps : notre pays n’a pas un problème politique, mais un vrai problème économique. Et c’est du gâchis que 95% du cerveau des acteurs politiques soient piratés par la question électorale. Il est vital d’inverser la courbe du débat. 







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