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La Faillite Collective

La Faillite Collective

#Enjeux2019 – À la fois omniprésent et invisible, le problème des talibés est un sujet sensible, à cause des maisons confrériques qui prennent fait et cause pour les daaras (écoles coraniques), car les considérant comme partie intégrante de notre patrimoine religieux et culturel. Étymologiquement, un talibé est un disciple, un étudiant ou un élève apprenant le coran. Le nombre de talibés au Sénégal dépasse les 50 000 enfants, principalement dans le département de Dakar, celui de Pikine, de Rufisque et de Guédiawaye. Dans l’ensemble, ils sont très jeunes d’âge, entre 5 et 10 ans avec une forte densité de garçons. Ils sont pour la plupart originaires des régions du Sénégal et des pays limitrophes comme la Guinée-Bissau, la Guinée, le Mali, et la Gambie.

– Défaite de la société ou du gouvernement –

Le 1 juillet 2016, le président de la République du Sénégal, dans une série de tweets disait vouloir « ordonner le retrait d’urgence des enfants des rues pour la protection de leurs droits ». Il disait également que « pour sauver les talibés, l’Etat prévoit des amendes et des peines de prison pour ceux qui mettent leurs enfants dans la rue ». L’exécution de ces menaces a contraint les talibés à disparaitre des rues pendant quelques semaines. Mais faute de suivi, le problème est resté entier.

Durant la même période du programme de « retrait des enfants de la rue », un rapport des Etats-Unis sur la traite des personnes, menaçait la coopération bilatérale avec le Sénégal, si le gouvernement ne prenait pas de décisions pour réduire le phénomène. L’Etat avait publié un rapport dans ce sens pour annoncer l’initiation de plus de 60 opérations de retrait des talibés dont plus de 1.500 talibés retirés des rues et envoyés dans des centres d’accueil.

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Human Rights Watch révélait que « le ministère de la Famille et les centres d’accueil pour enfants avaient finalement renvoyé plus de 1 000 talibés à leurs maîtres coraniques, sans qu’aucune inspection officielle n’évalue les conditions de vie dans leurs daraas, et sans qu’aucune enquête officielle n’ait été ouverte concernant les maîtres coraniques qui les avaient forcés à mendier ». Selon ledit rapport, l’objectif du « retrait » était de « mettre fin au phénomène des enfants de la rue dans la région de Dakar afin de les protéger de toutes formes d’exploitation et de promouvoir leur bien-être social ». Le même rapport précisait qu’en mars 2017, le gouvernement a indiqué que 1 456 enfants avaient été « retournés ». Les médias en avaient d’ailleurs fait l’écho comme si ces enfants étaient « retournés à leur famille ». Or, selon Human Rights Watch, il s’agit d’une interprétation erronée, puisque les 1 006 enfants retirés des rues pendant les opérations, puis accueillis au Centre Ginddi, ont fini par être renvoyés auprès de leurs maîtres coraniques, qui les ont ensuite ramenés aux daaras. Selon le ministère de la Famille, seize daaras dont les talibés avaient été retirés des rues ont reçu des subventions totalisant environ 950.000 francs CFA chacune.

– Esquisse de solutions –

Malgré que le Sénégal soit la 29e économie africaine et la 4e de la sous-région après le Nigéria, la Côte d’Ivoire et le Ghana, il a une dette représentant 61,44 % du PIB, un taux de chômage de 47 %, un indice de développement très faible. Cela pèse sur les parents qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins primaires et qui se retrouvent de fait dans l’obligation d’envoyer leurs progénitures mendier. Il faut que le prochain gouvernement éradique ce problème dans un pays avec forte proportion de jeunes. Rappelons que 41,5 % de la population a entre 0 et 14 ans. Il faut aussi noter qu’en 2017 notre croissance démographique était de 2,39 %. Cette forte croissance a pour conséquence l’exode des populations des zones rurales. En outre, l’accroissement du trafic dans la capitale entraîne une augmentation de la pollution sonore et atmosphérique. Il faut également que les daaras aient un statut clair et que les parlementaires fassent du problème un débat afin qu’il soit réglé définitivement.

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La constitution donne à l’éducation une place très importante comme mentionnée dans les articles 21 et 22. Il faut faire de telle sorte que l’article 3 de la Loi 2005-06 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes, soit respecté. Il faut ouvrir des enquêtes et traduire en justice ceux qui forcent les enfants à mendier.

Dans la même lancée, il faut appliquer les dispositions de la même loi qui criminalise la traite des enfants. Il faut également faire de telle sorte que l’article 298 du code pénal relatif aux blessures volontairement faites aux enfants de moins de quinze ans, soit appliqué. Nous avons souvent tendance à essayer de guérir les symptômes et non la maladie. Si les parents sont obligés d’envoyer leurs enfants dans les daaras, c’est par faute de moyens. Il est impératif donc que le problème soit résolu à la base, en boostant l’économie pour créer une croissance forte, gage d’emplois décents. Cela permettrait aux parents de pouvoir prendre leurs enfants en charge et ne pas avoir à choisir, entre les garder ou les envoyer dans des daaras. De Plour disait que « la famille est une école de droiture, d’équilibre, de force et de progression, et de ceux qui s’y soustraient s’engagent infailliblement dans la voie du mal et de la perdition ». George W Bush avait proposé la loi « No child left behind » ou « aucun enfant laissé derrière » en français. Il s’agit d’une loi fédérale qui prévoit une aide financière supplémentaire pour les enfants pauvres, en contrepartie d’une amélioration de leurs progrès scolaires. Le Sénégal sera-t-il en mesure de faire passer une loi pour le retrait des talibés face à la pression des chefs religieux, celles des enseignants coraniques, de la société civile et des ONG ? Quelle est la place des talibés dans le programme des candidats à l’élection présidentielle et que proposent-ils pour éradiquer la mendicité infantile au Sénégal ?

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#Enjeux2019

Mohamed Dia est banquier de formation, spécialiste dans le management du risque et de l’immobilier. Responsable du portfolio immobilier à JP Morgan Chase Bank durant la crise financière financière de 2008, il gère à présent un cabinet de consultance chargé d’aider les petites et moyennes banques aux Etats-Unis, mais aussi les start-ups au Sénégal. 







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