Les Sénégalais se sont toujours enorgueillis d’avoir une influence dans le monde qui dépasse la taille du Sénégal. Ils citent comme exemple toutes ces personnalités sénégalaises qui ont eu à diriger des institutions prestigieuses ou l’étape incontournable qu’est Dakar quand les dirigeants des Etats les plus puissants du monde visitent l’Afrique. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de recevoir des hôtes de prestige ou de voir le Sénégal cité comme exemple, mais plutôt de hisser le Sénégal parmi les pays qui comptent dans le monde.
Joseph Nye a théorisé le concept de «Smart power» (Puissance intelligente), combinaison de «soft power» (puissance douce) et «hard power» (puissance dure). Il s’agit pour un Etat de combiner les attributs de la puissance douce : valeurs, culture, intelligentsia avec ceux de la puissance dure : armée puissante et économie florissante pour accroître son influence dans le monde. Le Sénégal possède des attributs de la première, il lui reste à développer ceux de la seconde.
Accroître son influence dans le monde d’aujourd’hui requiert d’avoir une économie florissante : c’est cette économie florissante qui permettra de développer les autres attributs de la puissance. Si l’Urss s’est effondrée en dépit de son armement moderne, c’est parce qu’elle avait négligé les secteurs civils de son économie en consacrant tous ses investissements à l’Armée. Cela entraîna un déséquilibre : les biens de consommation qu’elle produisait étaient soit de mauvaise qualité, soit rationnés.
Le Sénégal a une chance unique de développer son économie. L’exploitation prochaine de ses ressources pétrolières doit lui permettre de moderniser son économie. Il ne doit pas commettre les mêmes erreurs que les scandales géologiques – Congo, Guinée – en négligeant les autres secteurs de son économie. Certains pays – le Botswana et la Norvège par exemple – vertueux dans la gestion de leurs ressources naturelles, doivent lui servir d’exemple.
Les hydrocarbures doivent permettre au Sénégal de s’équiper en infrastructures. Un pays doté d’infrastructures de qualité est un pays plus compétitif. La durée du trajet Dakar-Tambacounda, par exemple, peut être fortement réduite si notre pays se dote d’infrastructures de qualité. En vendant l’image de notre pays auprès des investisseurs, la future qualité de nos infrastructures constituera un argument de poids pour les attirer et augmenter le flux des investissements directs étrangers qui sont plus efficaces que l’aide pour développer un pays.
Une bonne gestion de ses hydrocarbures suppose pour le Sénégal de raffiner le pétrole plutôt que de l’exporter d’une manière brute. Nos produits agricoles devrait nous servir d’exemple : transformer les produits avant de les exporter augmente leur valeur ajoutée – le concentré de tomate plutôt que le fruit de tomate, les vêtements plutôt que le coton – et permettra ainsi d’accroître les revenus que nous en tirerons. C’est le choix que doit faire le Sénégal : extraire, transformer, puis exporter.
Machiavel a écrit dans Le Prince : «Il y a de bonnes lois, là où il y a de bonnes armes.» Le problème de beaucoup de pays africains est l’absence d’une Armée digne de ce nom. Un pays stable requiert une Armée puissante et disciplinée. Assurer la sécurité de son Etat est une obligation pour attirer les investisseurs. Il est nécessaire pour le Sénégal de se doter d’une Armée puissante, bien équipée, qui pourra assurer la sécurité du pays et de ses habitants. Cette stabilité et cette sécurité du pays lui permettront d’attirer plus facilement les investisseurs, car lui donnant des avantages face à de potentiels concurrents.
Si le Sénégal développe son économie et donne les moyens à son Armée, son influence s’accroîtra dans le monde. Par extension, le Sénégal se donnera les moyens de développer sa puissance douce.
Le Sénégal doit créer les conditions pour que sa population soit fière de son pays et veuille y vivre. Le patriotisme se nourrit par un pays qui permet à sa population de s’épanouir. Une population qui dispose d’une éducation de qualité, d’un système de santé performant est encline à rester dans son pays. Ainsi, elle sera fière de représenter son pays dans le monde et participera à rehausser son prestige dans le monde. Les chanteurs, sportifs et hommes d’affaires américains ne participent-ils pas à donner une image flatteuse des Etats-Unis dans le monde ?
Aussi, le Sénégal doit permettre à sa population de développer ses talents. Ainsi, il donnera l’occasion aux Sénégalais de se faire connaître dans le monde. Le tourisme est une activité pourvoyeuse de devises, et le Sénégal dispose d’atouts pour attirer les touristes du monde. Pour cela, il doit donner la chance aux Sénégalais de briller dans le monde, et ainsi faire briller le Sénégal. Dans tous les domaines, les Sénégalais qui excellent doivent avoir la chance de développer leur talent et de pouvoir l’exprimer dans le monde entier.
Notre pays doit prendre sa place dans le monde. Il ne doit pas se contenter des places d’honneur. Toutes les conditions sont réunies pour cela : il est stable, a une population bien éduquée – même si des efforts doivent être faits dans ce domaine – et a la chance de disposer de ressources naturelles qui, bien gérées, lui faciliteront son développement. Il faut agir afin de profiter de ces atouts, cela constitue le défi du Sénégal des années prochaines.
Nous devons vouloir que notre pays soit une puissance dans le monde et faire les efforts pour que cela arrive. Le développement commence par une vision et se matérialise par l’action. Il n’est pas une utopie, et cela a été dit et répété, les pays asiatiques sont l’exemple de la non-fatalité du sous-développement. Développer son économie, se doter d’une Armée de qualité avec des armements modernes, permettre aux Sénégalais de s’accomplir et devenir les meilleurs dans leur domaine dans le monde, voici des moyens pour y parvenir. En agissant ainsi, le Sénégal comptera parmi les pays qui comptent dans le monde. Tout cela est à sa portée, pourvu qu’il travaille pour cela. Cela devrait être notre priorité pour les années à venir.
Moussa SYLLA