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Une Honte Nationale

Une Honte Nationale

#Enjeux2019 En dépit des réalisations indéniables sur le plan social de l’Etat, allant par exemple de la CMU, à la mise en place de la bourse de sécurité familiale, il y a une tache sur le visage de notre pays qui doit enfin être éradiquée. Il s’agit du phénomène des talibés.

Des dizaines de milliers d’enfants errent dans les rues de nos villes, abandonnés à eux-mêmes et à tous les dangers que peuvent receler la rue, pour des petits êtres vulnérables et sans défense. Il y a une faillite de la société qui laisse ce phénomène prospérer sans qu’aucune initiative – malgré les changements de régime – ne vienne y apporter une solution. L’élite politique, les familles religieuses et la société de façon générale posent un regard sur un drame national en feignant de ne rien voir. Or, le phénomène des enfants de la rue doit faire l’objet d’une prise en charge politique pour devenir un enjeu sociétal.

Il faut tout de même reconnaître la prise de position forte du maire de la Médina visant à interdire la mendicité des enfants sur le territoire de sa commune. Mais quelque fut l’importance de cette prise de position, son application semble douteuse.

L’échéance électorale de 2019 sera-t-elle un prétexte pour poser enfin un débat là-dessus ? J’en doute, car même dans la confrontation, souvent vive et tranchée, les hommes politiques, du pouvoir comme de l’opposition, évitent d’aborder ce drame, faisant, comme l’ensemble de la société, l’impasse sur une honte nationale.

Il existe pourtant une loi au Sénégal interdisant la mendicité. Donc, il se pose une inadéquation entre les principes (lois et règlements) et la réalité sociale (près de 50 000 enfants de la rue au Sénégal). Souvent, les autorités sénégalaises se complaisent dans les discours stériles pour « calmer » les bailleurs sans un début de solution.

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– Où en est la législation ?  –

Malgré des mesures sévères constamment annoncées par les plus hautes autorités pour éradiquer le phénomène des enfants de la rue, le mal est toujours aussi persistant. A y voir de plus près, il semble que la rigueur dans l’application des textes a fait défaut.

Or, il existe de temps en temps une forme de regain de volonté pour mettre un terme à la mendicité des enfants. Souvent, ces poussées volontaristes font suite à des drames. Par exemple, en 2013, neuf enfants sont tués dans l’incendie de leur école à la Médina, l’émoi et le choc ont fait réagir le chef de l’Etat, qui promettait « des mesures très sévères » à l’endroit de tous ceux qui organisent la mendicité des enfants.

Ces paroles n’ont guère été suivies d’effet…jusqu’en juillet 2016, avec une nouvelle annonce du président de la République du « retrait en toute urgence des enfants des rues, tout en prévoyant des amendes et peines de prisons pour ceux qui les faisaient mendier ». Aucun effet significatif n’a suivi malgré l’espoir d’une partie de la population de voir enfin une mesure forte, définitive visant à mettre fin à cette traite humaine.

Deux ans plus tard, à la veille d’une échéance électorale cruciale où un bilan fait face à des multiples propositions, le mal est toujours prégnant, voire plus profond. Aujourd’hui, selon des chiffres de Human Right Watch, ils sont plus de 50 000 enfants rien qu’à Dakar.

Selon l’ONG, dans un rapport intitulé « Insuffisance du programme gouvernemental pour protéger les enfants Talibés au Sénégal : Réaction timide », de juillet, près de 60 opérations de rue ont été menées par la police et les travailleurs sociaux. Mais elles n’ont permis de recueillir « que » près de 1 500 enfants qui mendiaient dans les rues de Dakar.

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Malgré l’existence d’un dispositif réprimant la mendicité allant jusqu’à une peine de 5 ans d’emprisonnement ferme, aucune poursuite judiciaire n’a été notée contre les maîtres coraniques impliqués.

Cheville ouvrière de l’Etat dans l’accueil des enfants de la rue, le Centre Guindi constate que les résultats sont encore trop faibles au vu de l’ampleur du mal.

S’il est vrai que l’Etat a manifesté une certaine volonté, du moins dans les textes, la mise en pratique fait toujours défaut. « La menace d’arrêter tout enfant trouvé dans la rue n’a jamais été suivi d’effets. Dans les axes les plus fréquentés de la capitale, les enfants sont visibles et ne se cachent même plus », explique un ancien encadreur dans un centre d’accueil.

– Un business sans éthique mais florissant –

Pourquoi le Sénégal, pays démocratique, partie prenante à de nombreux instruments juridiques internationaux de promotion et de défense des droits de l’homme, pratique-il encore la traite humaine, notamment d’enfants ? Il s’agit d’une question souvent formulée et qui peut trouver de nombreuses réponses. Outre, l’incapacité de l’Etat à faire appliquer les lois existantes comme nous l’avons mentionné plus haut, il y a aussi l’existence d’un fort lobby maraboutique qui sape les rares volontés de l’Etat pour mettre fin à la mendicité des enfants. Pays à 95% musulman, avec une configuration sociale qui accorde une place particulière aux docteurs de la foi, une partie des marabouts ont imposé une sorte d’omerta sur ce qu’il est convenu de reconnaître comme un business sur le dos d’enfants.

Car il faut admettre que le drame des talibés nourrit bon nombre de « maîtres coraniques » à tel point que des familles, dont certaines viennent de la sous-région, s’y sont lancées rendant plus inextricable la difficulté de la question.

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Ce drame des talibés sera-t-il au cœur des débats relatifs à la prochaine présidentielle ? La classe politique aura-t-elle la maturité pour arriver à un consensus national visant à sortir tous les enfants du Sénégal de la rue, afin d’être à la hauteur de notre ambition de pays démocratique et soucieux du respect des droits de tous les humains ?

#Enjeux2019

Mamoudou Diop est journaliste spécialisé en Economie. Il est diplômé en anglais, en journalisme et en communication.







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