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La Breche Sur La Langue De Barbarie (solutions Envisageables)

La Breche Sur La Langue De Barbarie (solutions Envisageables)

 Il s’agissait de répondre à l’appel des populations de Saint-Louis menacées par la montée des eaux. Malheureusement, tant du côté des populations que des responsables politiques ou de l’État, l’émotion a empêché une analyse objective de la situation.

C’est une réalité bien connue que les zones urbaines, situées dans les deltas des fleuves, sont périodiquement inondées et ce sévèrement tous les cinquante ou cent ans. Les plus âgés des habitants de la ville se souviennent de l’inondation de l’hivernage de 1950, retenue dans la mémoire populaire, comme “Mbeudoum Lakhlou”.

La zone de Saint-Louis est un endroit qui présente des spécificités écologiques géographiques et stratégiques particulières.

Le fleuve Sénégal a un statut international et ce jusqu’à quelques kilomètres de la ville à partir d’où il a un parcours national. Dans cette zone le Sénégal peut disposer des eaux, sans les contraintes d’une coordination, souvent paralysante.

Il est souvent dit que l’eau sera un enjeu stratégique du vingt-et-unième siècle. Elle pourrait même conduire à des affrontements, si de part et d’autre, la maturité, dans l’approche des questions bi ou multilatérales, faisait défaut.

Au niveau écologique, l’effet d’estuaire, particulièrement important pour certaines espèces de poissons, permet leur présence et leur abondance, dans la partie de la mer sous l’influence du fleuve. Dès lors plus l’embouchure se situera au sud, plus les conditions seront favorables à la pêche artisanale, dans la zone sous souveraineté sénégalaise.

Par ailleurs la construction de routes, avec une volonté de contenir leurs coûts financiers (et non environnementaux),  a supprimé ou réduit, considérablement, les passages naturels de l’eau lors des crues d’hivernage. Il s’en est suivi des effets dommageables aux terres cultivables et aux biotopes qui jadis étaient riches en poissons et crustacés notamment. La flore a aussi été atteinte avec une salinisation excessive qui a transformé ces zones en marais salants. D’ailleurs la production de sel dans ces zones atteint  des niveaux considérables. Sa récolte et sa commercialisation sont devenues des activités pérennes qui se sont substituées à l’agriculture et à la pêche.

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Il faut savoir que la brise de mer transporte d’importantes quantités de sel sur une bande de terre parallèle à la côte et dont la largeur atteint des kilomètres.

Cependant, pourvu que l’eau de ruissellement puisse rejoindre les dépressions dont les fonds sont imperméabilisés les sols restent fertiles.  À défaut le sel s’accumule et empêche vies végétales ou aquatiques sauf pour des espèces bien particulières. Par ailleurs et heureusement les inondations emportent une bonne quantité du sel déposé par le phénomène éolien rappelé ci-haut.

Au niveau de la ville de Saint-Louis le fleuve se divise en trois bras. Les deux sont bien connus. Le troisième est celui qui passe par Khor et sous le pont de Leybar.

La construction  des routes Dakar Saint-Louis et Saint-Louis Rosso a réduit la largeur de ce bras de quelques centaines de mètres à, à peine, une dizaine.  (Observons que ceux qui ont construit le chemin de fer ont agi avec plus de sagesse en bâtissant un véritable pont)  Les équipements qui empêchaient l’intrusion de l’eau salée dans la zone entre Khor et Leybar (Diouk) n’ont pas été entretenus. C’est ainsi  que cette réserve d’eau douce s’est salinisée, alors qu’elle a permis, au Jardin d’essais de Sor, de satisfaire  ses besoins d’irrigation qualitativement et quantitativement et ce, jusqu’au début des années soixante.

Malheureusement, lors de construction des diverses voies de communications, notamment des routes nationales, le fleuve a été séparé de ses défluents dans bien des cas, ou bien les aménagements étaient sous dimensionnés et ne permettaient guère, un passage sans dommages, des flux hydrauliques. Souvent lors des crues, des portions de routes étaient détruites et nombre de communautés se retrouvaient ainsi insolées.

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Ailleurs dans le monde, notamment en France, les inondations du bassin de la Seine et de la Marne ont été gérées très différemment.

Depuis bien longtemps, ce bassin a été aménagé avec une approche, dont la pertinence a été confirmée par le  contrôle efficace du niveau de la Seine.

Lors des crues les bassins d’expansion en nombre suffisant retiennent d’importantes quantités  de l’eau et celles-ci sont restituées pendant les étiages sévères ou utilisées à d’autres fins (agricoles notamment).

La situation actuelle expose la ville et les villages situés plus au sud à des inondations marines. Le niveau du fleuve sera celui de la mer durant les marées de fortes amplitudes. La disparition de la langue de Barbarie expose directement les villages riverains du fleuve à l’envahissement des vagues. C’est ce qu’ont vécu les habitants de Gandiol récemment. À terme et si rien n’est fait la rive du fleuve deviendra celle de l’océan!

Les propositions pour tirer parti des crues et protéger la ville des inondations sont les suivantes (à conditions que leurs faisabilités techniques soient confirmées).

  • La construction d’ouvrages (ponts barrages sur le troisième bras au niveau de Khor et Dogueba) de dimensions appropriées, avec des vannes, et un bon programme de désalinisation, mettraient à la disposition des populations, de vastes espaces aquacoles et agricoles. Ces équipements permettraient aussi la réduction des risques d’inondation en cas de crue du fleuve jusqu’à un certain niveau. Cet aménagement du troisième bras est certainement préférable à l’ouverture de la brèche.
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Des aménagements similaires sur les anciens passages du fleuve lors des crues permettraient de déverser une bonne partie de l’eau sur ses défluents situés du côté de la rive gauche.

– Fermer toutes les brèches  de l’hydrobase à Gniayème en reconstituant la bande de terre qui jadis protégeait les riverains du fleuve.

– Draguer l’ancien lit du fleuve (tout en déposant les matières extraites entre le fleuve et l’océan) et rouvrir l’ancienne embouchure  (ou l’une des anciennes) située bien au sud de Mboubaye.

– Aménager un petit port pour la pêche artisanale au niveau de Santhiaba et Guet Ndar avec une digue qui protégera ces quartiers et la rade ainsi créée.

Un tel port peut présenter un autre intérêt pour l’exploitation des gisements d’hydrocarbures, notamment, lors de transport multimodal des équipements spécialisés de ce domaine. À l’arrivée à l’aéroport de Saint-Louis, le fret  pourrait être acheminé à destination des plateformes d’exploitation, par des navires bien moins onéreux que les hélicoptères.

par Ababacar Sadikhe DIAGNE *

 Ingénieur diplômé de l’ENAC Toulouse France et du MIT Cambridge USA,

Ancien élèves des classes préparatoires aux Grandes Écoles.

Ressortissant de Mouit Gandiol

NB : Les mots en italiques sont des noms de lieudits ou de villages.







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