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Le SÉnÉgal Doit Abandonner Les Centrales À Charbon

L’introduction des énergies renouvelables dans le mix électrique sènégalais est une nécessité et un choix pertinent malgré les difficultés techniques, et donc économiques, que cela pose, notamment pour le stockage de l’électricité d’origine renouvelable et la mise à niveau du réseau de transport et de distribution. Il nous apparaît cependant nécessaire, au regard du mix électrique attendu en 2022, d’interroger la stratégie de développement du charbon jusqu’ici menée par l’Etat du Sénégal. Le charbon doit en effet être éliminé du paysage de production électrique pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, et malgré une amélioration des techniques de combustion durant les années 2000, les centrales à charbon posent de sérieux problèmes dans leurs rejets de dioxyde de carbone (CO2), de dioxyde soufre (SO2), d’oxydes d’azote (NOx) et de cendres. De telles particules peuvent en effet être nocives pour les populations qui y sont exposées sur de longues durées, en raison de rejets atmosphériques ou dans la nature. La centrale à charbon CES de Sendou (Bargny) d’une capacité installée de 128 mégawatts (MW) respecte – de justesse – les limites de rejets de particules fixées par la Banque Mondiale selon un document de la Banque Africaine de Développement (BAD). Cette centrale devrait, en principe, faire l’objet d’un programme de conversion en centrale à gaz à l’horizon 2021-2022. A défaut, nous pensons qu’elle devrait être fermée. Le projet de centrale à charbon de 300 MW de Mboro dont le lancement est prévu en 2021, et ayant reçu, non sans mal, l’approbation des villages alentours en avril 2014, devrait lui aussi être requalifié en projet de centrale à gaz ou, option la plus radicale, ne jamais voir le jour.

L’énergie est certes indispensable à l’activité économique mais les risques climatique et sanitaire associés à l’utilisation longue durée du charbon ne sont pas négligeables, y compris d’un point de vue économique. Il serait en effet intéressant de calculer le coût d’un kilowattheure d’électricité produit par une centrale à charbon comme celle de Sendou, qui rejette environ 1 million de tonnes de CO2 par an, en y incluant une taxe carbone de 40 à 80 dollars par tonne de CO2. C’est une telle tarification que recommande le groupe de haut-niveau de la Banque Mondiale sur les prix du carbone dirigé par le prix Nobel d’Economie Joseph Stiglitz. Les risques climatiques et sanitaires liés au charbon exigent surtout d’un Sénégal qui se veut durable qu’il applique un principe strict de précaution.

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La recherche de l’efficacité économique immédiate a souvent été jalonnée de conséquences sanitaires graves à travers le monde, comme en France avec l’amiante dans le secteur du bâtiment, l’utilisation des pesticides Round-up aux USA ou la destruction de la couche d’ozone en raison de rejets d’aérosols de type CFC. L’adoption de tels choix techniques se justifiait, comme pour le charbon aujourd’hui, par leur rentabilité économique de l’époque. Plus spécifiquement, l’exploitation de centrales à charbon est estimée être à l’origine de 23 000 morts annuelles en Europe et 360 000 morts en Chine. La capitale chinoise, Pékin, a fermé en 2017 sa dernière centrale à charbon et son électricité est désormais fournie par des centrales à gaz. Le groupe Electricité de France (EDF) a bouclé en 2016 le programme de rénovation de son parc thermique en fermant 10 de ses 13 dernières centrales à charbon. Tous ces développements devraient inspirer le Sénégal à adopter une politique énergétique qui écarte les centrales à charbon, y compris celles de petite capacité (10 MW) exploitées par les auto-producteurs industriels locaux que sont Dangote Cement et les Industries chimiques du Sénégal (ICS). En effet, ces centrales peuvent afficher une bonne rentabilité économique mais uniquement lorsque l’on ne prend pas en compte leurs conséquences indirectes, ou « externalités », sanitaires et environnementales (climat, pollution). De plus, selon une étude du département américain de l’énergie, les techniques de séquestration de CO2, un des principaux arguments des détenteurs et défenseurs de centrales à charbon, n’ont pas forcément démontré leur rentabilité.

Le Sénégal a pris des engagements allant dans le sens d’une réduction de ses rejets de gaz à effet de serre à la COP 21 de Paris en 2015. Il serait louable, pour montrer la voie en Afrique et en considération de la planète qui sera laissée aux générations futures, qu’il puisse respecter ces engagements. La SENELEC dispose de toutes les compétences nécessaires pour relever le défi d’un Sénégal produisant de l’électricité sans recourir à des centrales à charbon. Celui-ci doit demeurer une brève parenthèse dans l’histoire énergétique du pays. Plus qu’une question purement économique, il s’agit là d’une mesure de précaution sur la santé publique et une nécessité absolue face aux changements climatiques. Ceux-ci menacent les écosystèmes fragiles du Saloum, mettent déjà en péril l’habitat de villes côtières comme Rufisque et Bargny et risquent d’amoindrir les rendements agricoles dans la vallée du fleuve Sénégal.

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Le gaz : alternative naturelle et incontournable

Les découvertes offshore de Tortue, dans le bloc Saint-Louis Offshore profond et celles de Teranga et Yakaar dans le bloc Cayar Offshore Profond ont mis à jour d’importantes quantités de gaz. Ainsi, grâce à son abondance et à son pouvoir calorifique, c’est-à-dire sa capacité à produire de la chaleur lorsqu’il est brûlé, le gaz s’impose naturellement comme le futur combustible leader du mix électrique sénégalais. Le gaz est en effet un combustible qui peut fournir, pour des volumes comparables, des quantités de chaleur équivalentes à celles fournies par le charbon et les dérivés du pétrole que sont le diesel et le fioul lourd.

De plus, pour obtenir un killowattheure (kWh) d’électricité dans une centrale, la combustion du gaz émet 2 et 2,5 fois moins de CO2 que le pétrole et le charbon. Son utilisation constitue donc un progrès supplémentaire dans la réduction des rejets de gaz à effet de serre du Sénégal. Enfin, la combustion du gaz naturel rejette moins de particules fines, de NOx et de soufre que celles du charbon et des dérivés du pétrole.

Ainsi, lorsqu’il est comparé aux autres combustibles fossiles que sont le charbon et les dérivés du pétrole, le gaz a de nombreux arguments plaidant en sa faveur : argument physique avec son pouvoir calorifique, argument climatique avec des rejets moindres de CO2, argument sanitaire avec des rejets inexistants de poussière, la faible concentration en NOx des fumées, et la part minime de particules fines et de soufre. Dans le cas du Sénégal, il existe même d’autres arguments, de nature économique et géopolitique, qui justifient un développement volontariste des centrales à gaz. En effet, le fioul lourd et le charbon sont des ressources dont le Sénégal ne dispose pas en quantité suffisante ou dans son sous-sol contrairement au gaz qui a été découvert en quantités importantes depuis 2015. Il sera donc moins cher de s’approvisionner en gaz qu’en fioul lourd ou en charbon (coûts de transport quasi nuls notamment). Le charbon utilisé comme combustible au Sénégal provient de l’Afrique du Sud. Dépendre de telles ressources pour produire son électricité, revient d’une part à continuellement alourdir sa facture pétrolière et d’autre part à s’exposer à une autre intermittence d’approvisionnement due à de possibles aléas géopolitiques indépendants de notre volonté. Un conflit social au Nigéria, une grève durable dans les mines de charbon en Afrique du Sud sont autant de situations imprévisibles. Le Sénégal n’aurait aucune influence si d’aventure elles survenaient et il devrait pourtant en subir les conséquences s’il continue à développer ses centrales à charbon et à fioul.

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Extrait du livre « L’or noir du Sénégal »

Chapitre 9 « Préparer le Sénégal au monde de demain »







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