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Éducation Nationale, Un Grand Corps Malade

#Enjeux2019 Notre système éducatif est malade et en dépit des nombreuses écoles de formation privées, le nombre de chômeurs ne cesse de croitre. Ainsi, cette entreprise déverse des milliers de chômeurs dont la plupart ont reçu une formation au rabais. L’Education nationale semble, depuis longtemps, s’être déformée plus qu’elle ne s’est réformée. On a constaté qu’aucun des régimes qui se sont succédé depuis 1960 n’a osé entreprendre et mettre en application des réformes profondes qui installeraient notre éducation sur une nouvelle voie. La première de ces réformes, c’est d’appliquer la loi n° 2004-37 du 15 décembre 2004 qui fait de la scolarisation une obligation pour tous les enfants des deux sexes âgés de 6 ans à 16 ans. Et c’est sur les réformes majeures que les Sénégalais attendent le président qui sera élu ou réélu le 24 février 2019.

Que dirait-on d’une entreprise qui, malgré le nombre pléthorique de ses agents ne parvient pas à fournir une bonne production ? Qu’elle n’est pas performante ! Que dirait-on d’une entreprise qui, en une décennie, a fortement accru le montant de ses investissements et voit ses résultats stagner pour ne pas dire régresser ?  Qu’elle est au bord du dépôt de bilan ! Que dirait-on d’une entreprise dont la direction ne parvient pas à créer avec ses employés, un cadre de concertation pour favoriser un climat serein de travail ? Qu’elle est fébrile ! Cette entreprise existe. Elle s’appelle l’Education nationale. Une entreprise de service public devenue un refuge ou un creuset social qui favorise l’inégalité, une fabrique énorme de chômeurs. Une entreprise qui déverse, chaque année dans la rue, des milliers d’enfants sans aucune qualification et qui ne valorise pas ses agents dont le métier devient de plus en plus précaire.

– Une école exclusive –

Selon le rapport national sur la situation de l’Education (RNSE) de 2014 produit par la Direction de la Planification et de la Réforme de l’Education (DPRE), en 2006, sur un effectif national de 1 487846 élèves de l’élémentaire, 136 882 ont abandonné l’école et 132 882 ont redoublé de classe ; en 2007, 171 367 élèves sur 1 572 178 ont abandonné l’école et 124 359 ont redoublé ; en 2008, 186 105 élèves sur 1 618 303 ont abandonné l’école et 124 609 ont redoublé ; en 2009, 170 216 élèves sur 1 682 155 ont abandonné l’école et 105 765 ont redoublé. Ce qui fait en quatre ans, un nombre impressionnant d’abandon (664 570 élèves) et de redoublement (491 615 élèves) à l’élémentaire. L’espérance de vie scolaire demeure faible. Selon le même rapport de la DPRE, en 2006, sur un échantillon de 103 élèves de CI, 9 ont atteint la terminale ; en 2007 sur 110 élèves de CI, 11 sont arrivés en terminale ; en 2008 sur 113 élèves de CI, 11 sont arrivés en terminale ; en 2009 sur 117 élèves de CI, 13 sont arrivés en terminale et 2010 sur 123 élèves du CI, 14 sont arrivés en terminale.

Toujours selon le RNSE 2014 de la DPRE, en 2013 sur 1 805 170 élèves 54 156 ont redoublé et 138 998 ont abandonné. Il faut comprendre par le terme « abandonné », « lorsque l’élève est exclu du système à cause d’une insuffisance de travail ou quand il décide d’interrompre volontairement ses études ». Aujourd’hui, la première équation à résoudre par les autorités est le taux de décrochage scolaire impressionnant entre le cycle élémentaire et le moyen-secondaire.

– Des réformes jamais appliquées –

L’école est le moteur de l’ascenseur social qui doit permettre à chaque enfant sénégalais de voir ses efforts récompensés par la réussite. Mais derrière cet idéal, la réalité est cruelle. L’école a pour mission d’accueillir des élèves dépouillés de leur appartenance sociale, postulant une égalité de départ favorable à la transmission d’un savoir pour tous. Toutes les statistiques montrent que la plupart de ces élèves qui ont abandonné ou qui redoublent en masse sont issus des milieux défavorisés. Les taux d’exclusion et d’achèvement montrent que l’école sénégalaise ne favorise pas l’égalitarisme scolaire. Et cela est contraire à l’article 5 de la loi d’orientation sur l’éducation n° 71-36 du 3 juin 1971 modifiée qui dit : « L’Education nationale est démocratique. Elle donne à tous des chances égales de réussite. Elle s’inspire du droit reconnu à tout être humain de recevoir l’instruction et la formation correspondant à ses aptitudes sans discrimination de sexe, d’origine sociale, de race, d’ethnie, de religion ou de nationalité. » Il s’y ajoute que l’article 3 bis, alinéa 2 de la Loi n° 2004-37 du 15 décembre 2004 affirme que « la scolarité est obligatoire pour tous les enfants des deux sexes âgés de 6 ans à 16 ans et que L’Etat a l’obligation de maintenir, au sein du système scolaire, les enfants âgés de 6 à 16 ans ». Ce qui est loin de la réalité puisque, chaque année, l’école déverse comme des déchets scolaires dans le dépotoir de la rue des milliers d’enfants dont le seul tort est d’être victimes d’un système éducatif trop élitiste et finalement non démocratique. Certes, des progrès importants ont été enregistrés au cours des vingt dernières années en matière d’accès grâce aux performances du Programme décennal de l’éducation et de la formation (PDEF) suivi du Programme pour l’Amélioration de la Qualité, de l’Equité et de la Transparence (PAQUET 2013-2025), mais les enjeux de scolarisation demeurent encore réels pour une partie non négligeable d’enfants au Sénégal. Des études du PAQUET révèlent que 37% des enfants en âge de scolarisation (6 à 16 ans) sont en dehors du système éducatif. Il faut signaler que le PAQUET, drivé par le ministre de l’Education nationale Serigne Mbaye Thiam et qui s’inscrit dans l’Axe 2 du Plan Sénégal émergent (PSE), répond au souci du gouvernement du Sénégal d’offrir à tous les enfants d’âge scolaire un accès équitable à une Education de qualité.

– Un enseignement trop littéraire – 

Il faut souligner que le système d’enseignement sénégalais ne prépare pas à une révolution technique et scientifique. Il ne produit que des littéraires en masse et non des techniciens ou des scientifiques. Et cette situation est indiquée dans l’exposé des motifs sur la loi d’orientation en ces termes : « la prééminence de la théorie sur la pratique dans les contenus et les méthodes empêche notre système éducatif de répondre pleinement aux exigences de notre développement ». Pourtant, cette même loi recommande que « l’Education nationale doit tendre à former des hommes et des femmes libres capables de contribuer au développement des sciences et de la technique et d’apporter des solutions efficaces aux problèmes du développement national ».

En 2010, 12 628 élèves ont obtenu le bac L là 6 002 ont obtenu le bac S, en 2011, 15 621 élèves ont obtenu le bac L alors que 5 967 ont obtenu le bac S. En 2012, 25 209 élèves ont obtenu le bac L là où 7 179 ont eu le bac S. Il faut souligner que dans la même année, sur 19 élèves qui se sont présentés pour le bac F, seul un élève a réussi. L’enseignement au Sénégal est trop généraliste et il ne favorise pas une bonne adéquation entre formation et emploi. C’est pourquoi, lors des Assises de 2014, la Commission « Formation professionnelle » a recommandé une orientation spécifique en renforçant les liens entre les écoles de formation professionnelle et technique avec le patronat, de promouvoir l’entreprenariat et de porter les apprenants dans ce sous-secteur de 30 à 40 % des élèves.

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Depuis le régime de Wade jusqu’à celui de Macky Sall, on parle d’émergence. Mais comment y parvenir avec des écoles mal équipées ou même non équipées et des programmes obsolètes. Comment y parvenir avec des régimes successifs qui ne font pas de l’enseignement professionnel leur cheval de bataille pour lutter contre le sous-développement ? Comment y parvenir avec des enseignants dont le moyen de grève est de déserter les salles de classe ? Comment y parvenir avec des autorités qui ne respectent jamais leurs engagements ?

D’année en année, le niveau des élèves suit dangereusement la même courbe baissière des enseignants. Des études statistiques confirment ce sentiment partagé par tous. De 2000 à 2018, les résultats au niveau du BFEM et du bac évoluent en dents de scie et jamais les taux de réussite n’ont respectivement atteint 50% et 60%. C’est seulement en 2006 qu’on a atteint 48,8% de réussite au bac et en 2012 49,6% au BFEM.

Le taux de réussite au Certificat de Fin d’Études Élémentaires (CFEE) évolue de façon erratique. Entre 2004 et 2018, la courbe, partie de 45 %, n’a jamais atteint la barre des 75 %. Le seul pic atteint durant cette période, c’est en 2008 avec 70,7%.

C’est fort du constat de cette médiocrité montante que le ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam a fixé au PAQUET, l’objectif de réussite de 80%. Cet objectif nous renvoie à la loi « Jospin » sur l’éducation, du 10 juillet 1989 qui fixait l’objectif de conduire en dix ans 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. Il a fallu 14 ans, c’est-à-dire en 2003, pour y arriver puisque de 1989 jusqu’à 2002 le taux variait entre 71% et 79%. Mais au Sénégal, atteindre la barre des 80% avec un système d’enseignement obsolète, en total déphasage avec nos objectifs de développement, devient une simple utopie.

Aujourd’hui, malade, l’institution traverse une crise profonde, comme le constatent parents, élèves et enseignants. Et aucune solution, qu’elle ait été mise en œuvre ou simplement envisagée, n’est encore parvenue à améliorer la situation. Pourtant ce ne sont pas les moyens financiers qui manquent. De 2012 à 2018, si on se réfère aux lois de finances y afférentes, on se rend compte que 2 578 006 024 200 de francs CFA ont été consacrés à l’Education nationale. Et cela sans efficacité. L’essentiel des dépenses du ministère de l’Education nationale (MEN) est consacré prioritairement aux dépenses de personnel et de fonctionnement. On peut prendre l’exemple de la loi de finance 2018 : sur un budget de 413 042 396 140 francs CFA, les 387 509 651 140 francs CFA du budget 2019 sont consacrés aux salaires et indemnités du personnel et au fonctionnement. Il en est quasiment pour tous les budgets de l’éducation des années précédentes.

Seuls 25 532 745 000 francs ont été consacrés à l’investissement. Même cette somme consacrée aux investissements est rarement engagée au-delà des 50% à la fin de chaque exercice budgétaire. En 2011, sur les 66 082 149 544 francs CFA prévus pour l’investissement, seuls 32 338 444 984 (48,94%) ont été engagés. Malgré les sommes énormes dégagées pour l’éducation nationale, les abris provisoires font florès. Selon les données du MEN, l’élémentaire et le moyen secondaire comptaient 6 369 abris provisoires en 2017. Et seulement, 93 milliards de francs CFA suffisent pour résorber ces endroits faits paille et de bois. Et le taux d’abandon dans ces abris provisoires situés pour la plupart en zone rurale est plus élevé que dans les écoles construites en dur et bien équipées.

– Les conséquences des ajustements structurels –

Depuis les années 60, l’école sénégalaise est en crise. Le président Léopold Sédar Senghor, même s’il était enseignant de métier, n’a pas marqué, sous son magistère, d’une pierre blanche, le secteur éducatif. Programmes et manuels loin de nos réalités culturelles, personnel enseignant surtout dans le moyen-secondaire, composés majoritairement de Français. Ce qui est contradictoire pour un pays qui aspire à l’indépendance culturelle et intellectuelle. Et selon un article du professeur Abdou Sylla intitulé De la grève à la réforme : luttes enseignantes et crise sociale au Sénégal, « Sous le président Senghor, l’Etat ne construisait que peu de classes et se déchargeait sur les parents d’élèves et les collectivités locales pour les constructions scolaires et même l’achat des fournitures. On a observé des disparités non seulement dans la répartition géographique des écoles et des classes, mais également dans le taux de scolarisation. Ainsi, en 1975, il existait 2 O59 classes dans la région du Cap-Vert alors que, dans les régions de Diourbel et du Sénégal oriental, il n’y en avait que 478 et 266 respectivement. Le taux de scolarisation était de 63,5 % dans le Cap-Vert, mais de 12,5 % dans la région de Diourbel et de 19,1 % dans la région du Sénégal oriental ».

Toujours selon le professeur Sylla, la fin de règne de Senghor est entachée par une vive tension entre lui et le Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (Sudes), porté sur les fonts baptismaux le 26 avril 1976. « Les sanctions contre les grévistes se résument à la suspension de 38 militants en juin 1980, la rétention de l’intégralité du salaire frappant 35 enseignants en juillet 1980 et 75 en août 1980, la révocation de vingt-huit enseignants et la suspension de trente-huit autres en septembre 1980, l’affectation d’office de 500 instituteurs, le licenciement de 31 instituteurs en octobre ; la mutation d’office de 200 professeurs en novembre et décembre 1980 ».

Le secteur éducatif n’a jamais été une des grandes priorités des gouvernements successifs socialistes de Senghor et d’Abdou Diouf. Ce dernier ne fera pas mieux que son devancier. Sous le régime d’Abdou Diouf, jamais l’enseignement ne s’est porté aussi mal. En attestent les Etats généraux de l’éducation et de la formation (Egef) tenus en 1981 dont les conclusions restent, à ce jour, inexploitées. Diouf a réussi la triste prouesse de réaliser en 1987/1988 une année blanche (dans le moyen secondaire et supérieur) et en 1993/1994 une année invalide (au niveau du supérieur). Il faut tout de même rappeler qu’en 1984, l’université a failli enregistrer sa première année blanche lorsqu’Ibrahima Fall était ministre de l’Enseignement supérieur.

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Ployé sous le joug de l’ajustement structurel imposé par les Institutions bailleresses de Brettons Wood pour des raisons d’austérité budgétaire, le gouvernement de Diouf, pendant vingt ans, n’a pas mis l’accent sur la construction d’infrastructures scolaires alors que symétriquement la population élève et étudiante croissait. D’ailleurs le professeur Iba Der Thiam qui fut ministre de l’Education sous le magistère de Diouf de 1983 à 1987 avait imaginé comme succédané, devant le déficit d’infrastructures et d’enseignants, l’instauration des classes à double flux, la prolifération des classes multigrades. Une classe multigrade, c’est une classe à niveaux multiples dans laquelle on regroupe des élèves provenant de deux niveaux ou plus, dans un même local, avec le même enseignant ou la même enseignante. La revue documentaire de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep) dirigée par Cheikh Mbow, indique qu’en 2016, sur l’ensemble du territoire national, le Sénégal comptait 12 980 classes multigrades contre 6394 en 2006 et 2894 classes à double flux.

Cette façon de conduire ruineusement la politique éducative s’accordait bien avec le programme d’austérité de la Banque mondiale. On construisait peu de salles de classe et on recrutait à compte-goutte. Paradoxalement, on a dégraissé le mammouth avec l’encouragement ou la suscitation de départs volontaires massifs d’enseignants. Cette politique de dégraissage de la fonction politique ne sera pas stoppée par la conférence de Jomtien en Thaïlande en 1990, qui faisait de l’éducation pour tous (EPT) une priorité. En 1995, le Sénégal avec ses 56% de taux brut de scolarisation (TBS) restait loin des objectifs de Jomtien. Mamadou Ndoye, ministre de l’Alphabétisation et des Langues nationales, puis ministre de l’Education de Base et de la Promotion des Langues nationales entre 1993 et 1998, eut l’ingéniosité de mettre alors en place un programme de recrutement hyper-massif d’enseignants non fonctionnaires (plus de 1 000 volontaires) payés au smic sans pour autant augmenter la masse salariale. Ajustement structurel oblige. André Sonko, l’alors ministre de l’Education, en faisait de même en recrutant les diplômés chômeurs de l’UCAD et de l’UGB payés à l’heure (1960 francs CFA). Certes le déficit des enseignants était réglé, le TBS augmenté, le budget de l’éducation réajusté, mais pour la plupart, la qualité de la formation des apprenants en a pris un sacré coup. Mais cette politique de recrutement d’enseignants sans formation date respectivement de 1983 et 1990 avec feux les ministres de l’Education Kader Fall et de Djibo Ka. Ce dernier est connu avec ses fameuses « ailes de dindes ».

– L’intensification de la lutte syndicale Wade et Macky-

Mais la donne sera changée avec l’avènement de l’alternance. La politique de recrutement des volontaires et des vacataires s’est poursuivie mais la lutte syndicale des enseignants pour l’amélioration de leur traitement salarial s’est intensifiée. Il faut dire que sous le magistère de Wade, les programmes de construction scolaire ont repris massivement et des enseignants volontaires et vacataires ont fait leur intégration dans la fonction publique après avoir bénéficié d’une formation diplômante. Si le gouvernement d’Abdou Diouf a péché dans l’édification des infrastructures scolaires, il n’en est pas pour son successeur Abdoulaye Wade qui en a fait une priorité. En douze ans, il a construit 692 nouveaux collèges, 108 nouveaux lycées modernes, 7 nouvelles écoles de formation des instituteurs, plus de 184 cases des tout-petits. Mais l’inégalité de traitement salarial criant des agents de la fonction publique verra l’émergence d’un syndicalisme fort et neutre idéologiquement avec le Syndicat national de l’enseignement moyen secondaire (Snems dirigé par Mamadou Mbodj) et le Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire du Sénégal (Saemss dirigé par Mbaye Fall Lèye) regroupé dans un premier temps dans le Cadre unitaire syndical de l’enseignement moyen et secondaire (Cusems) avant l’éclatement qui donnera le Cusems (syndicat dirigé jusqu’à récemment par Mamadou Mbodj) et le Saemss-Cusems (dirigé par Mamadou Lamine Dianté).

Dans l’élémentaire, le Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sels), dirigé par Souleymane Diallo qui a vu le jour après la mise en place de la politique de recrutement des volontaires, deviendra le syndicat le plus représentatif malgré quelques factions dissidentes. En même temps, on assiste au déclin des syndicats inféodés à des partis d’obédience communiste ; il s’agit de l’Union démocratique des enseignants du Sénégal (l’Uden) et du Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (Sudes). Les syndicats pro-pouvoir comme le Syndicat des professeurs du Sénégal (Sypros) et le Syndicat national de l’enseignement élémentaire (Sneel) ont connu presque le même sort avec la chute du Parti socialiste auquel ils étaient affiliés.

Le président Macky Sall suivra les pas d’Abdoulaye Wade dans la construction scolaire. Si on se réfère à son discours du 31 décembre 2018, 10 mille salles de classe, 340 écoles élémentaires, 203 collèges, 36 lycées, 185 daaras et 20 blocs scientifiques et technologiques ont été construits entre 2012 et 2018. Mais un tel chiffre est contesté par bon nombre de syndicalistes qui crient à la manipulation. Sous le régime de Macky Sall, l’Education nationale aura été le secteur le plus perturbé avec des grèves répétitives qui frôlent des années blanches. Même si une journée de l’enseignant a été instituée pour célébrer les soldats du savoir, les rapports entre les enseignants et le président Sall ne sont pas des meilleurs.

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– Parents d’élèves spectateurs –

Dans la crise que traverse l’Education, les parents d’élèves ont une grande part de responsabilité. Si les rapports entre syndicalistes et autorités politiques demeurent conflictuels, c’est parce qu’en grande partie, les parents d’élèves qui doivent servir de médiateurs, catalyseurs ne jouent plus leurs rôles. Ils sont plus spectateurs, qu’acteurs. Les parents sont de moins en moins impliqués dans l’encadrement domestique des apprenants. Plusieurs parents d’élèves, aujourd’hui, ne prennent plus l’enseignant comme un transmetteur de savoir, un réveilleur de talents, mais comme un bon-à-rien qu’ils n’hésitent pas humilier dans son propre lieu de travail. Aujourd’hui les menaces, rixes entre parents d’élèves et enseignants sont devenues fréquentes surtout en banlieue. Ce qui dévalorise la fonction et jette le discrédit sur l’enseignant.

– Ministres incompétents et syndicalistes inconscients –

Sous le gouvernement de Wade, si l’Education nationale a connu des difficultés en dépit des efforts constatés dans la construction des infrastructures et de l’accroissement du budget, c’est dû essentiellement à la palanquée de ministres dudit département qui n’ont jamais été à la hauteur de leur tâche. De l’éphémère ministre Marie Tissa Mbengue en passant par Kansoubaly Ndiaye, Moustapha Sourang jusqu’à Kalidou Diallo, l’école sénégalaise est allée de mal en pis parce que n’étant bâtie sur aucune vision, aucun projet réformateur. Il n’y a que la politique éducative de Diouf (PDEF) qui a été perpétuée sous une autre forme. Le programme de recrutement des volontaires initié pour faire face au déficit d’enseignants a fini par prendre les allures d’un grenier électoraliste ou népotiste dans lequel il faut puiser pour satisfaire une clientèle politique ou sa famille. Des sans-diplômes ont été recrutés avec l’institution d’un quota sécuritaire enveloppé dans une nébulosité totale. Des hommes et femmes qui avaient quitté l’école depuis plusieurs années ont bénéficié de ce recrutement grâce à l’appui d’autorités ayant une mainmise dans le recrutement de ces enseignants d’un nouveau genre. Et la qualité de l’enseignement en a souffert. Ce qui n’a pas manqué de déteindre sur beaucoup de jeunes apprenants.

Avec Moustapha Sourang, les enseignants du secondaire, sous la houlette du syndicat le Cusems, ont remporté la bataille cruciale des IRD (Indemnités de recherches documentaires). Kalidou Diallo, quant à lui, a surtout entretenu des relations plutôt conflictuelles avec les enseignants. Champion de la démagogie, il a toujours voulu jouer sur les divisions syndicales et l’atermoiement pour diriger son ministère. Il s’est même permis de créer la structure politicienne des enseignants de la Génération du concret pour mieux briser les mouvements de grève. Mais cela a été toujours un coup d’épée dans l’eau, puisque le Cusems même éclaté (Cusems/ Saemss-Cusems) a continué d’étaler son hégémonie syndicale dans le moyen secondaire. Il a contribué par populisme et par radinerie budgétaire à rabaisser le niveau de l’enseignement moyen secondaire en favorisant pendant trois ans l’admission à 100% des candidats à l’entrée en 6e. Sous son ministère, le sureffectif des classes de 6e (plus de 100 par classe) a accru le nombre de d’élèves redoublants et exclus surtout en banlieue dans le Moyen/Secondaire. L’irresponsabilité du ministre Kalidou Diallo devant la plateforme revendicative des syndicalistes et l’inflexibilité de ces derniers ont conduit l’année scolaire 2011/2012 perturbée pendant cinq longs mois, au bord de la catastrophe.

Sous le régime de Macky Sall, les années scolaires n’ont pas été non plus un long fleuve tranquille. Malgré les Assises de l’éducation tenues, les 28 au 30 août 2014, on a frôlé des années blanches avec le ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam. Nonobstant l’instauration d’un « pacte de stabilité » entre acteurs, l’école sénégalaise est perturbée depuis 2015 par des grèves récurrentes portant sur le respect des accords réalistes et réalisables signés lors des Assises. En 2016, le bras de fer entre enseignants et ministre de l’Education était arrivé à un point tel que l’autorité de tutelle s’était adossée sur l’article 7 de la loi 61-33 du 15 juin 1061 portant statut général des fonctionnaires pour servir des réquisitions aux enseignants grévistes. Malgré la contrainte exercée et la menace de radiation brandie par le ministre, les enseignants grévistes récalcitrants n’ont pas démordu dans leur mouvement. N’eût été l’intervention de feu Abdoul Aziz Sy Al Amine, le ministre aurait maintenu la décision de radiation. L’année scolaire a été sauvée après cinq mois de grève. Il en a été de même pour les années suivantes. Depuis longtemps, le quantum horaire n’est plus atteint dans nos écoles surtout pour le moyen-secondaire. Et cela déteint sur la qualité de la formation des apprenants.

Le système éducatif sénégalais se délite depuis les années 60 et cela va en s’accélérant. Tous les niveaux d’enseignement du système éducatif sont malades. Cela est le résultat de toutes les politiques d’éducation menées sous tous les gouvernements depuis six décennies. Il faut repenser la thérapie idoine afin de refonder l’école dans le cadre de l’élaboration d’une nouvelle vision qui trace une nouvelle voie pour l’éducation nationale. Et refonder l’école, c’est commencer par réécrire les programmes et les manuels et les adapter à nos réalités et objectifs de développement car ceux qui sont actuellement en vigueur sont désastreux ; c’est aussi revaloriser la fonction enseignante car il ne peut y avoir de transformation qualitative du système éducatif sans l’amélioration des conditions de travail et vie de l’enseignant.

Et tout cela doit aboutir à l’Ecole de la République c’est-à-dire une véritable école égalitaire et inclusive qui met en place les dispositifs nécessaires à la scolarisation et à la réussite de tous les enfants. 

#Enjeux2019

Serigne Saliou Gueye est éditorialiste à SenePlus depuis plus de 6 ans. Il est également journaliste chroniqueur au quotidien Le Témoin.







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