On a connu le « Pape » du Sopi qui incarna la volonté du changement durant les décennies 80-90, voire 2000. Il professa alors la parole libératrice, unificatrice d’un changement devenu inévitable.
On a connu le quasi « Messie » qui annonça l’inévitabilité de l’alternance et la mise à la retraite du régime socialiste usé par le temps, les affaires : bref une fin de règne qui ne pouvait plus être différée.
On a connu le rusé « ndiombor » que Senghor vous affubla. En vérité, vous étiez juste un redoutable manœuvrier politique rompu aux coups de poker tordus, mais qui déstabilisaient vos adversaires.
Mais là, Maître, vous nous montrez un visage qu’on n‘aurait jamais voulu voir, connaître : celui d’un père aveuglé par un amour paternel et quasi maladif, revêtu des habits d’un gourou qui mène ses troupes dans un suicide collectif.
Qu’êtes-vous devenu pour montrer le chemin des enfers (de Dante) aux quelques milliers de partisans qui vous sont restés encore fidèles. Il s’agit de quelques caciques blanchis sous le harnais qui rêvent d’un retour aux affaires, mais qui ne se feront pas « hara-kiri » pour un projet plus patrimonial que politique. Ils font semblant de faire montre d’une fidélité de façade, alors qu’en réalité, ils ne rêvent que d’une retraite méritée et une fin de vie sans douleur. La majorité ne vous suivra pas dans ce baroud qui n’a rien d’honorable, parce que vêtu du manteau d’un règne héréditaire.
Les plus lucides ne vous suivront pas dans cette odyssée suicidaire et solitaire pour la gloire d’un fils qui se planque dans des lambris dorés de quelques palais paradisiaques du désert, refuge des nouveaux riches et des héritiers sans mérite. Ce fils qui n’a pas le courage de venir prendre la tête de troupes « pour défendre ses droits », « accomplir son rêve de président ».
Oui Maître, dites à ces fils de parents tout aussi amants et aimés que vous, dites leur pourquoi ils devraient brûler leurs cartes d’identité et d’électeurs, alors que le vôtre sera au frais, là-bas dans un désert domestiqué ? Pourquoi ils n’useraient pas de leur bulletin de vote pour choisir qui réalisera leurs rêves, ou juste, donner un léger mieux à leur vie de galère, que même vos douze ans de gouvernance n’avaient pas amélioré.
Maitre, ce jeudi soir-là, devant le siège de votre parti, face à vos milliers de fidèles, vous avez sabré le président sortant-candidat et ses proches collaborateurs. Vous avez dit du président sortant, Macky Sall, qu’il était « un voleur ». Il vous aurait dérobé quelques 7 milliards de nos CFA, que son frère s’est livré à des entourloupes financières avec notre pétrole etc. Mais Maître, pourquoi ce déballage aujourd’hui, en 2019 en pleine campagne électorale de laquelle votre fils est exclu ? Pourquoi vous n’avez pas fait ces « révélations » depuis sept ans que vous traversez le désert politique ? Que votre fils subit les coups du sabre tranchant de votre successeur ? Même au plus fort de ses déboires judiciaires et de son incarcération. Puis de son incroyable exfiltration vers Doha ?
Y aurait-il un deal non respecté ? Des négociations non abouties ? Bref, des protocoles auraient-ils été déchirés par l’une quelconque des parties ? On se posera ces questions et beaucoup d’autres. Parce que tout de même, pourquoi quelqu’un qui veut diriger un pays se planquerait-il et voudrait envoyer au casse-pipe ses troupes ? Quand les généraux désertent, la troupe a le droit de mettre bas le fusil.
Ce que je crois Maître, c’est que votre stratégie de la terre brûlée va accélérer la déconfiture du parti que vous avez créé et chéri ; aggraver le sauve qui peut des cadres et autres militants. Bref, ils choisiront en majorité la « realpolitik », autrement dit, voter « utile » pour les candidats issus de votre galaxie éclatée. Bien sûr, il y aura quelques rares « fédayins » et autres « bayfall » de votre obédience, pour tenter quelques actions désespérées pour honorer votre passé glorieux, mais ils n’iront pas loin. Ils ne réaliseront pas vos fous rêves de mettre par tous les moyens votre fils à la tête de ce pays. Quitte à brûler le pays. Parce que voyez-vous, quand on a le droit de choisir entre le pire et le moindre mal, on choisit rarement l’irréparable. C’est ce qu’on appelle l’instinct de survie. Ou tout simplement, l’instinct de vie. Qui choisira la mort quand il ou elle a toutes les raisons de vivre ?
Revenez-nous Maître avec le bon sens de votre planète en danger. Choisissez le moins mauvais des quatre candidats de l’opposition ou n’en choisissez aucun, mais retirez votre appel à l’autodafé du matériel de vote. Parce que j’ose espérer, que même à 90 ans passés, on n’est pas forcément atteint de la démence sénile.