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Émotions, Rumeur, Danse Et Mythe Fondateur

De la manipulation du pathos des « foutancobé » à la rumeur de Gossas, en passant par les effets de cadrage, la danse stressée du président sortant et le choix de l’ancrage, on peut dire que les candidats à la présidentielle du 24 février 2019, prennent petit à petit leurs marques. Ils sont bien entrés en scène.

Madické dénonce les actes de violence

L’étape du Fouta, au troisième jour de campagne, a été l’occasion pour le candidat Madické Niang, de condamner les actes violents perpétrés à Saint-Louis par les « marrons du feu » sur les militants d’Ousmane Sonko. Pour lui, «ceux qui usent de la violence sont des faibles, des incompétents». Aux populations de Kanel où il s’était rendu, le candidat lance : « Kanel, on vous a oublié !» Madické Niang se fait plus clair : «Il n’a rien fait pour le Fouta, d’où il est originaire». L’allusion ici au président Macky Sall coule de source.

La manipulation du pathos

Le procédé en politique est récurrent : le candidat Madické 2019 s’adresse au pathos des « foutankobé », de manière à jouer sur leurs émotions en recherchant un effet de rejet massif des populations d’un fils présenté comme un « ingrat » et qui n’a pas su renvoyer l’ascenseur à la terre qui a accueilli ses premiers soupirs au monde.

Après avoir mis en mal Macky Sall et ses «parents» du Fouta, le second volet de la démarche communicationnelle de Madické est de se présenter devant les «foutakobé» en «redresseur de torts» venu réparer une «injustice». Il dit s’engager à régler les problèmes du Fouta, en se targuant même « d’avoir toutes les solutions ». Le remède pour lui, consiste à mettre en place une dotation spéciale qui va accompagner les communes de cette localité, en assainissement, santé, création d’emplois des jeunes et des femmes.

Il force la dose

Le candidat Madické Niang, en disant qu’il a « toutes les solutions » aux problèmes des « foutakobé », force un peu la dose. Mais il sait que ça va passer, parce que l’anesthésie du pathos a bien fonctionné. En manipulant les émotions, l’orateur sait que le récepteur  est incapable de cultiver la distance par rapport à un discours à l’odeur de soufre démagogique.

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Sonko, le « magicien »

A Malem Hodar où il s’est rendu, au troisième jour de campagne, le candidat de la coalition SonkoPrésident, a repris à son compte les critiques que ses adversaires font à son parti Pastef Les patriotes, en l’assimilant à une formation de jeunes, de la diaspora, de l’élite et des réseaux sociaux. Non pas dans la perspective destructrice de ses adversaires, mais constructive. Le procédé consiste à voir dans le «négatif»,  le positif. Et pour parvenir à pareil résultat, il suffit de retourner l’objet et de changer de lunette. La technique a un nom : effets de cadrage. Elle consiste, pour le communicateur, d’agir sur la définition d’un problème, d’une situation ou d’un enjeu politique afin d’orienter l’interlocuteur vers une interprétation particulière de l’objet. Le candidat SonkoPrésident dit : «Nous acceptons qu’on taxe Pastef de parti de jeunes, car un pays est construit par ceux qui ont l’énergie, la force  physique et intellectuelle. Et ce sont les jeunes qui constituent 65% de notre population.

Ils disent que Pastef est un parti de la diaspora, oui, nos compatriotes qui travaillent et vivent à l’étranger constituent un précieux soutien pour les populations, les autochtones. Ils se sont substitués à un Etat défaillant pour construire des infrastructures dans leur village ou ville.

Ils disent que nous sommes un parti d’élite, oui, parce que ces hommes et ces femmes utilisent leur matière grise pour le développement du pays.

Enfin, ils disent que Pastef est un parti des Réseaux sociaux. Oui, ce sont des Sénégalais que l’on retrouve sur la toile. Et Macky Sall qui formule cette critique, passe son temps à demander à ses militants de le défendre sur les réseaux sociaux. Moi, Sonko, de nombreux compatriotes m’ont connu à travers la toile. Et j’ajoute que Pastef est le parti des paysans, des ouvriers, des enseignants, des élèves, des étudiants, etc. C’est le peuple qui nous a choisis, grâce à un discours qui dévoile nos convictions et nos ambitions pour ce pays. »

Effets de cadrage

La technique d’effets de cadrage, dans le cas que nous sommes en train d’étudier, permet de susciter chez des cibles bien identifiées, le sentiment d’appartenance à une entité qu’on appelle ici le Pastef. Car ce qui est à l’œuvre dans la critique des détracteurs du Pastef, c’est la stigmatisation et la dévalorisation d’un groupe de Sénégalais qui a eu «tort» de choisir le Pastef comme parti politique.

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La technique d’effets de cadrage utilisée par le candidat SonkoPrésident permet, alors, de les valoriser, en renforçant leur sentiment d’appartenance. 

Ce qui est intéressant de souligner, c’est que Sonko a utilisé cette critique comme prétexte pour s’adresser à des cibles d’électeurs (diaspora, élèves, étudiants, paysans, ouvriers, enseignants). Il a compris une chose : l’efficacité de la communication politique pendant une campagne se mesure à son degré d’opportunisme.

Et quand Sonko déclare : « c’est le peuple qui a choisi Pastef », c’est une façon de dire qu’il assume les choix de Pastef qui fait corps avec les préoccupations des populations.

La manipulation consiste à présenter Pastef comme le bien du peuple. Or, tout le monde sait qu’une formation politique est une association privée dont l’adhésion est libre.  

Idy, le candidat des paysans

Le candidat Idy 2019, dans le bassin arachidier, a montré une posture d’écoute dans l’offre faite aux populations, à travers sa formule « J’ai parlé aux paysans et aux apprentis et chauffeurs ». Dans son programme, Idy a promis de donner aux paysans du matériel agricole, de bonnes semences et de supprimer les bons impayés. Il s’est engagé à remédier aux difficultés liées au transport et compte dès son accession au pouvoir mener des discussions pour un consensus profitable à la région.

La posture d’écoute permet à Idy d’afficher une image d’humilité, et surtout de réunir les conditions d’efficacité de son offre qu’il imprime sur la demande formulée par les populations.

Recherche d’une cohérence

On peut noter aussi la cohérence des thèmes de campagne développés et la demande spécifique des localités. Le choix du candidat Idy2019 de décliner son programme agricole dans le bassin arachidier, participe de cette logique. Dans une ville où les accidents de motos Jakarta  sont légion, la promesse de trouver des solutions aux problèmes de transport, peut avoir un écho favorable.

Il joue la rumeur pour tacler Boun

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Par ailleurs, dans l’étape de Gossas, Idy a recouru à son humour habituel pour « tacler » le Premier ministre, Boun Abdalah Dionne. La stratégie utilisée par le natif de Thiès, est celle de la rumeur : « Il paraît que l’hôpital de Gossas n’a pas de gynécologue. Je compati à votre douleur. On m’a aussi dit que le PM est originaire de Gossas, je suis tombé des nues !»

La rumeur répand un parfum de confidentialité qui donne plus de résonance à ce fait pour le moins incongru.

Macky, le souci de ciblage

Le candidat de BBY, a choisi Saint-Louis pour s’adresser aux pêcheurs de tout le pays. Le choix est cohérent, puisque Saint-Louis est une ville de pêcheurs dont les enfants disparaissent dans les eaux mauritaniennes. Il n’y a pas meilleur endroit pour parler de cette activité et décliner son programme en matière de pêche

La danse stressée du président sortant

Macky Sall a encore dansé sa fameuse danse, au rythme du mbalax de Youssou Ndour. Il s’est même permis de pivoter.

Le souci de casser l’image du président sortant au visage toujours renfrogné ou fermé, celui qui ne sourit pas, est bien affiché. Il veut être vu avec un autre regard.

Seulement, cette danse qui manque de feeling et de punch, cache derrière les rideaux de l’apparence, un candidat stressé. Ce qui le montre, c’est le pincement des lèvres et les poings fermés. Le candidat n’est pas bien dans son personnage. 

Issa Sall et le mythe fondateur

C’est à Tataguine, sa ville natale, que le candidat du Pur, El Hadji Issa Sall, a dévoilé sa profession de foi. Il parle de séparation des pouvoirs, de la lutte contre la corruption, de même que de l’application des conclusions des assises nationales.

Le choix de Tataguine symbolise le serment inviolable, lié à la sacralité d’une terre qui ne sera pas souillée par un revirement à 190°, synonyme de reniement ou du « wax waxeet » (dire et se dédire), du candidat du Pur, en cas d’élection à la tête du pays. C’est pourquoi, il n’a choisi d’autre lieu que son royaume d’enfance.

dmane@







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