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Quid De La Casamance ?

#Enjeux2019 Réfléchir sur la prise en compte du développement de la Casamance[1] dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle de Février 2019 revient à montrer et à expliquer les potentialités socio-culturelles et naturelles dont dispose cette belle partie méridionale du pays, malgré le conflit armé[2] qui y règne depuis décembre 1982. En effet, la question du conflit armé en Casamance constitue non seulement une véritable problématique pour les pouvoirs publics, mais aussi pour les citoyens sénégalais. Ce qui a incité d’ailleurs d’aucuns à parler du « conflit sénégalais en Casamance » ; afin de mieux impliquer les différentes franges de la nation dans le règlement définitif dudit conflit.

Mieux, il est stipulé dans la Constitution que le territoire est indivisible et qu’il incombe en premier au Président de la République d’y veiller. C’est la raison pour laquelle les candidats à l’élection présidentielle ne peuvent et doivent occulter ce conflit dans leur programme. Quelles sont les offres programmatiques des candidats pour la Casamance à l’élection présidentielle de février 2019 ?  Il s’agit d’abord de rappeler brièvement  les interventions des différents régimes qui se sont succédé, du président Abdou Diouf à Macky Sall, avant d’inviter à la réflexion sur le développement de la Casamance.

– Sous Léopold Sédar Senghor (1960-1981) –

Sous son magistère, le premier Président du Sénégal indépendant, Léopold Sédar Senghor, a misé sur l’unité nationale du pays en passant par l’élargissement de son parti, l’Union Progressiste Sénégalais, devenu Parti Socialiste, dans les différentes localités du pays. C’est dans ce cadre que le Pr Assane Seck et Émile Badiane ont été invités à rejoindre le dispositif étatique de la jeune nation. Le président Senghor voulait promouvoir le leadership local à travers le territoire national même s’il ne faut pas occulter certains évènements douloureux comme la sècheresse des années 1970, la crise pétrolière de 1973 et l’assassinat du jeune lycéen Idrissa Sagna lors d’une grève d’élèves à Bignona mais aussi le choc frontal et brutal de la finale de la coupe du Sénégal entre l’équipe de la Jeanne d’Arc et celle du Casa Sport (club fanion du Sud), en 1979. Ces deux derniers événements sont, à certains égards, les éléments déclencheurs de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la « crise casamançaise » assimilée à la date du 26 décembre 1982. Il faut tout de même reconnaître que sous le régime de Senghor, des efforts ont été consentis pour le développement de la Casamance sur le plan agricole.

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– Abdou Diouf (1981-2000) et la crise casamançaise –

L’arrivée du Président Abdou Diouf coïncide avec le début de la crise opposant le Mouvement des Forces Démocratique de Casamance[3] (MFDC), sous la houlette du leader charismatique Abbé Diamacoune Sénghor, et l’Etat. Héritant de cette crise, le Président Diouf va non seulement rester intransigeant par rapport à la défense de l’intégrité territoriale et nationale, mais il va aussi utiliser la méthode du «tout sécuritaire». C’est-à-dire, l’armée pour réprimer violemment les indépendantistes. Près d’une dizaine d’année, la seule véritable réponse fut militaire et Diouf finit par se rendre compte des limites de l’option de l’armée pour mettre fin au conflit. Ce sera le début des négociations aboutissant aux accords des années 1990. Il s’agit des accords de CACHEU (Guinée Bissau) et de BANJUL (Gambie). De même, le Président Diouf va essayer de réorienter sa politique de développement dans cette partie méridionale du Sénégal en s’appuyant sur la décentralisation (avec la régionalisation) de 1996, consistant à donner davantage de pouvoirs aux régions et orienter ainsi la politique vers le développement de l’agriculture et de l’élevage en Casamance.

– Wade (2000-2012) et sa promesse de régler la crise en 100 jours

Une fois élu, il promit de régler le conflit en Casamance en 100 jours en se fondant sur une proximité supposé ou réel avec l’Abbé Diamacoune qu’il a rencontré en prison. La gestion de la crise casamançaise par le Président Abdoulaye Wade sera particulière. Après sa prise de fonction, il se détourna de tout ce qui a été fait en termes de recherche de paix et de développement pour enfin proposer son option d’orientation pour la Casamance. Selon Wade, la question fondamentale qui mérite d’être posée était la suivante : « Faut-il développer la Casamance sans la paix ou bien faut-il chercher dabord la paix pour enfin penser au développement de la Casamance ? ». En voulant répondre à cette question complexe, le Président Wade va finalement opter pour les deux (02) : développer la Casamance tout en recherchant la paix. C’est dans cette optique d’ailleurs qu’il a créé l’Agence Nationale pour la Relance des Activités Sociales et Économiques en Casamance (ANRAC) en juillet 2004 qui avait pour mission d’identifier les indicateurs du développement de la Casamance et de réfléchir sur les stratégies pour le règlement définitif de la crise. Pour ce faire, le tableau de bord de cette Agence était le Programme pour la Relance des Activités Sociales et Économiques en Casamance. Un vaste chantier de reconstruction, de réhabilitation et de réinsertion sera enclenché en rapport avec les bailleurs de fonds. En ce qui concerne la gestion de la crise, il faut signaler que le Président Wade a eu des acquis avec la signature de quelques accords de paix et l’invitation du leader charismatique du MFDC au palais présidentiel. Toutefois, il faut noter aussi que la gestion de la crise casamançaise sous le régime de Wade n’était pas trop appréciée par les différents acteurs et observateurs de la scène politique sénégalaise.

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Sous le magistère du président Sall (2000-2012) –

Avec le président Macky Sall, nous constaterons une autre façon de gérer la crise. Car avant même son élection, le candidat Macky Sall avait accepté d’être auditionné par la Plateforme des Femmes pour la Paix en Casamance. De même, le candidat en question a eu à sillonner toute l’étendue du territoire national, ce qui lui a permis  d’ailleurs  d’élaborer son programme « Yonnu Yokuté[4] ». Une fois arrivée au pouvoir, le Président Sall a effectué plusieurs visites dans cette région pour, dit-il, s’enquérir des préoccupations des différentes franges de la localité. Ce faisant, il a opté aussi, comme son prédécesseur, pour le développement de la région et le gestion pacifique de la crise en utilisant le termes « La paix des braves ». C’est parti alors pour le lancement d’une série de programmes et de chantiers avec les partenaires au développement. Nous pouvons citer : le Programme Pôle Economique de la Casamance (PPDC), avec le Millenium Challenge Account (MCA).  Il a été noté une valorisation de la Boucle du Boudjé, du Blouffe, de la RN 6 (Route Nationale 06), la dotation de la région de deux (02) nouveaux bateaux AGUENE ET DIAMBOGNE, etc. De 2012 à 2024, la gestion du dossier casamançais en termes de crise ou de développement sera–il une continuité si le Président sortant et candidat à sa propre succession est réélu ou bien l’opinion nationale assistera à une nouvelle donne ou orientation de ce dossier, si un autre candidat gagne l’élection présidentielle de février 2019 ?

En tant que citoyen nous ne pouvons pas dire exactement ce qui va se passer concernant le traitement du dossier casamançais. Toutefois, en tant qu’observateur de la scène politique sénégalaise, nous pouvons dégager des pistes de réflexions afin d’inciter les citoyens et les potentiels candidats à mieux considérer la question de la Casamance comme une priorité nationale. A cet effet, nous pensons que le développement de la Casamance doit se faire en utilisant une démarche participative à la base et privilégiant les normes endogènes pour éviter les impasses dans lesquelles, on se fourvoie :

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  • l’impasse de son développement économique dont les effets contrastés sont de plus en plus explosifs : chômage, pauvreté, insécurité alimentaire, pollution du tissu économique comme la forêt et les mines, stagnation agricole, déforestation, etc. ;

  • l’impasse sociale et culturelle avec un tissu social en déliquescence avec  la déscolarisation,  la délation, les fractures sociale et culturelle, etc. ;

  • l’impasse politique avec le conflit ou la crise qui secoue ou du moins ampute son développement dans tous les secteurs d’activités.

En faisant ce rappel historique, nous voulons inciter les candidats à l’élection présidentielle à prendre en charge les véritables problèmes et priorités de notre nation, inciter les différents candidats à les intégrer dans leurs programmes respectifs, mais aussi les citoyens à faire un choix éclairé.

#Enjeux2019

Titulaire d’une thèse de doctorat portant sur le rôle des politiques publiques dans la reconstruction de la Casamance, Ousmane Ba est Sociologue, Enseignant-chercheur l’INSEPS (Ucad). Chercheur au Laboratoire Sociologie, Anthropologie et Psychologie sociale de l’UCAD, il est auteur de plusieurs articles sur les questions de genre. Actuellement, Dr. Ba est membre du Réseau de Recherche Comparative (RRC)/Sénégal du CODESRIA.

[1] Aujourd’hui la Casamance est divisée en 03 régions principales : la Région de Ziguinchor (Basse Casamance) ; la Région de Sédhiou (Moyenne Casamance) et la Région de Kolda (Haute Casamance).

[2] Le conflit casamançais est perçu par certains observateurs comme étant « un conflit de basse intensité » c’est à dire « ni guère, ni paix ».

[3] Il faut noter qu’il y avait eu 02 types de MFDC : le Premier MFDC, créé en 1947, était un MFDC politique avec les Émile Badiane, Assane Seck, Ibou Diallo, Yoro Mballo ; le Deuxième MFDC, quant à lui, est un MFDC révolutionnaire puisque son objectif est l’indépendance de la Casamance.

[4] Le chemin du développement.







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