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Les Promesses Des Candidats Seront-elles DÉcisives ?

Les Promesses Des Candidats Seront-elles DÉcisives ?

Mon observation des évolutions politiques de nombreux pays africains m’a conduit depuis des années à me ranger du côté de ceux qui ont des doutes profonds sur la pertinence des processus électoraux comme indicateurs de bonne santé politique. Quel sens donner aux élections présidentielles dans des contextes de clientélisme politique généralisé, d’hyperpuissance de ceux qui sont déjà au pouvoir, d’absence de contrôle des sources de financement des compétitions électorales ?

Quel sens donner au suffrage universel direct lorsqu’une grande masse des électeurs vit dans la grande pauvreté, est privée d’accès à l’éducation, et d’une information de qualité sur les véritables enjeux, sur les offres politiques existantes et lorsqu’elle est convaincue que les promesses électorales ne seront point suivies d’effets ?

Quel sens donner aux élections lorsque l’on a l’impression que l’essentiel des alliances victorieuses se joue dans la distribution discrète de liasses de billets, d’avantages et de promesses de marchés publics aux grands, moyens et petits politiciens (et entrepreneurs) locaux, apporteurs de voix, qui incluent aussi des chefs religieux, coutumiers, et que le reste se joue dans la masse d’argent et de ressources humaines expertes investies dans la communication politique ?

L’exemple du Sénégal

Mes doutes sur la capacité des démocraties électorales du continent, à quelques exceptions près, à produire une « bonne gouvernance » à la hauteur des immenses défis de nos sociétés sont intacts. Mais il vaut quand même mieux vivre dans un pays comme le Sénégal, à la veille d’une élection présidentielle plus tendue que d’habitude, que dans un pays comme le Cameroun où l’opposant principal au pouvoir, candidat à une élection présidentielle il y a quelques mois,est incarcéré et encourt la peine de mort pour « hostilité à la patrie ».

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Il est plus facile de vivre et de s’engager dans des initiatives citoyennes au Sénégal, au Ghana et au Cap-Vert, par exemple, que dans cet autre pays d’Afrique centrale où la nouvelle règle biblique est que les deuxièmes seront les premiers. Ou encore dans celui où l’engagement du chef dans la lutte contre le terrorisme est une garantie absolue de prolongement ad vitam eternam de l’autoritarisme. Ou dans le seul pays d’Afrique de l’Ouest gouverné par un fils de président, où un jeune activiste est condamné à la prison ferme pour trouble à l’ordre public pendant que des membres des forces de sécurité responsables de violences mortelles contre des adolescents, vivent libres et heureux, protégés par le pouvoir qu’ils servent avec zèle et brutalité.

À Dakar, le think tank citoyen Wathi organisait le 12 février une table ronde sur les enjeux de l’élection présidentielle du 24 février au Sénégal, avec une focalisation sur les profils des candidats et leurs programmes. Malgré l’absence de deux figures politiques importantes du pays de la compétition présidentielle, Khalifa Sall et Karim Wade, neutralisés par leurs condamnations par la justice, malgré le retour tonitruant de l’ancien président Abdoulaye Wade, appelant à un boycott agressif du scrutin, l’on peut discuter sereinement des programmes politiques des candidats.

L’importance des promesses de campagne

Une question est bien sûr revenue : les programmes servent-ils à quelque chose ? Les électeurs s’intéressent-ils aux propositions des candidats en matière de réforme des institutions, de réformes économiques, de politiques pour l’emploi ou sur l’éducation ? Ne sait-on pas qu’en Afrique, les critères déterminants du vote sont l’appartenance ethnique et régionale, les préférences politiques discrètement exprimées par les chefs religieux et autres autorités morales, et éventuellement les bénéfices financiers immédiats des affiliations partisanes volatiles ?

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Les participants à la table ronde ont répondu oui et non. Les citoyens sénégalais se décident, comme partout dans le monde, en fonction d’une variété de considérations relevant autant de l’affectif que du calcul rationnel. Et parmi les critères de choix, les promesses des candidats – et la perception de leur crédibilité – jouent aussi. On a tort de penser que des femmes et des hommes, parce qu’ils sont analphabètes en français, sont incapables de comprendre les offres politiques alternatives.

Ce n’est pas parce qu’on ne lit pas les pages très austères d’un projet de société qu’on ne peut pas en saisir les grandes lignes, si les équipes de campagne prennent la peine de les vulgariser dans les langues les plus parlées dans chacune des régions du pays. La différence entre le programme du président sortant Macky Sall et ceux de ses principaux adversaires comme Idrissa Seck, Ousmane Sonko et Issa Sall, est ainsi marquée : poursuite de chantiers économiques et sociaux, assortis de promesses de nouveaux milliards investis du côté du pouvoir, versus réformes profondes, voire de rupture, dans la gouvernance politique et institutionnelle, du côté des challengers. Les électeurs sénégalais ont bel et bien un choix à faire et l’élection n’est pas gagnée d’avance par le président sortant.

Dans un contexte mondial où les rituels électoraux démocratiques semblent produire de plus en plus d’élus populistes, égocentriques, incompétents, parfois racistes et sexistes, dans un contexte où les régimes non ou peu démocratiques mais relativement efficaces sur le plan économique et social séduisent de plus en plus les jeunes Africains, il est vital de continuer à travailler à donner du sens et de la consistance à la démocratie. Pousser les citoyens à s’intéresser aux programmes des candidats fait partie de cet effort. C’est aussi sur cette base qu’ils sauront exiger, une fois les élections passées, le respect des engagements pris. Changer le rapport entre gouvernants et gouvernés. Telle est l’exigence fondamentale.

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