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Les Langues Nationales, Outil De DÉcolonisation

Les Langues Nationales, Outil De DÉcolonisation

#Enjeux2019Parler de l’introduction des langues nationales dans le système éducatif Sénégalais revient à poser encore une question qui ne cesse d’être agitée depuis des décennies.

Mais ma perspective est pragmatique, car introduire les langues nationales n’est pas synonyme de suppression, voire de remplacement du français qui est la langue officielle de l’administration, du système éducatif, du système socio-économico-politique. Cette langue se présente comme étant une nécessité pour le peuple sénégalais de faire des échanges sur le plan culturel, scientifique, économique et technique avec les autres peuples du monde. D’ailleurs, remplacer le français n’est ni souhaitable, ni possible. Il faut accepter le fait qu’on soit dans un rendez-vous du donner et du recevoir pour parler comme Léopold Sedar Senghor et comprendre que le loup est déjà dans la bergerie, donc il faut se tailler de nouveaux habits. Cela en réfléchissant à la possibilité d’introduire les langues maternelles dans le système éducatif.

– Un peu d’histoire –

Le président Senghor disait souvent avoir préconisé l’introduction des langues nationales dans l’enseignement public dès 1937. Il ajoutait : « le fait d’être devenu homme politique m’a pas fait changer d’idée… » Il a fallu néanmoins 1971 pour que soit mis définitivement au point le décret relatif à l’introduction des langues nationales. Ces langues nationales devraient être introduites dans l’enseignement sénégalais ; de l’école primaire à l’université étant donné qu’une bonne éducation doit commencer par se faire normalement dans, ou pour le moins, avec la langue natale. Concrètement, le président Senghor annonçait l’ouverture des classes expérimentales en wolof pour octobre 1977. Il faudra attendre octobre 1978 pour que l’expérimentation en Wolof soit lancée : dix classes télévisuelles pour les trois régions du Cap-Vert, du Fleuve et de Thiès sous la direction de la TSS (Télévision Scolaire Sénégalaise) et trois classes Traditionnelles expérimentales au Cap-Vert par le CLAD. L’ouverture des classes expérimentées en Séeréer était prévue en Octobre 1980.

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– L’importance des langues nationales dans le système éducatif –

Aujourd’hui, les autorités s’acheminent vers une harmonisation de la politique d’intégration des langues nationales dans le système éducatif et vers leur modélisation. Elles travaillent sur le document d’harmonisation de la politique d’introduction des langues nationales dans le système éducatif.

Cette introduction aura un double rôle :

  1. Faciliter l’apprentissage au primaire des mécanismes de base, tels que la lecture et l’écriture, afin de préparer la compréhension de la première langue étrangère qu’est le français ?
  2. Une alphabétisation faite dans les langues nationales est une économie pédagogique et matérielle parce que, en plus de l’effort d’apprendre à lire et à écrire, elle n’exige pas l’effort d’apprendre à penser dans une langue étrangère. 

Sur ce, le professeur Cheikh Anta Diop nous fait une démonstration implacable dans « Nations Nègres et Culture » : « le jour même où le jeune africain entre à l’école, il a suffisamment de sens logique pour saisir le brin de réalité contenu dans l’expression : un point qui se déplace engendre une ligne (tomb buy ratatu mooy jur ab rëdd). Cependant, puisqu’on a choisi de lui enseigner cette réalité dans une langue étrangère, il lui faudra atteindre un minimum de 4 à 6 ans, au bout desquels il aura appris assez de vocabulaire et de grammaire, reçu en un mot, un instrument d’acquisition de la connaissance, pour qu’on puisse lui enseigner cette parcelle de réalité »

L’exemple des pays de l’Asie n’a-t-il pas fini de convaincre tous les sceptiques de cette vérité élémentaire qui lie le développement économique, culturel et humain à l’usage des langues maternelles dans le système éducatif ? En Corée, en Chine, l’éducation se fait dans la langue maternelle des élèves, ce qui fait gagner du temps et de l’efficacité dans l’assimilation des savoirs et valeurs inculquées par l’école.

– Campagne électorale et introduction des langues nationales –

L’élection présidentielle prévue ce 24 février devait être un moment phare pour les hommes politiques de prendre en charge des questions relatives à l’introduction des langues nationales. Cela dans un contexte de montée en puissances des enjeux liés au souverainisme, au patriotisme, à la consommation locale. Mais les débats relatifs aux langues nationales dans le système éducatif demeurent timides, voire non pris en charge d’une façon sérieuse et profonde.

Nous aimerions savoir pourquoi les prétendants au fauteuil de président de la République n’abordent pas précisément la question en distillant une méthode et un échéancier de mise en œuvre.

Faisons-nous face à un manque de volonté politique ou à une absence de maitrise des enjeux liés à l’introduction des langues nationales dans le système éducatif ?

Les candidats à l’élection doivent s’emparer de cette question avec moins de légèreté qu’ils ne le font jusque-là. Il y a un contexte favorable au regard d’une montée de la revendication nationaliste et des enjeux d’un retour au souverainisme après des décennies de néocolonialisme. Aussi, le Sénégal est doté d’une masse de militants mais aussi d’experts, de chercheurs et de praticiens de la didactique des langues issus du courant politique et intellectuel de Cheikh Anta Diop, et de la gauche marxiste de façon générale.

Nous espérons d’ici la fin de la campagne électorale un vrai débat de société sur cette question afin de parachever la longue lutte pour l’indépendance qui ne peut être totale si nous n’enseignons pas nos langues à nos enfants dans les écoles de notre République.

Enseigner dans nos langues est une prise de conscience sur les notions d’identité, de citoyenneté et de développement national.

#Enjeux2019

Thierno Khayar Kane est diplômé de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis en art et communication. Il prépare actuellement un Master 2 Management de l’Innovation à l’université Lyon 2 Lumière, en partenariat avec l’École Supérieure de la Francophonie pour l’Administration et le Management de Sofia, en Bulgarie. Il s’intéresse particulièrement aux questions des industries culturelles et créatives en Afrique.







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