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Wade, Le Sens Et La PortÉe D’une DÉcision

Wade, Le Sens Et La PortÉe D’une DÉcision

En faisant la distinction entre « expliquer » et « comprendre » (« La nature, on l’explique ; la vie de l’âme, on la comprend »), Wilhelm Dilthey nous rappelait la complexité de l’homme et sa résistance naturelle à toute forme de simplification. La démarche analytique semble, en effet, plus appropriée à l’étude des phénomènes physiques qu’à celle de la réalité humaine. En tant qu’esprit, l’homme n’agit pas par des causes, il agit pour des raisons et celles-ci sont toujours très complexes, pour ne pas dire mystérieuses. Faire l’effort de comprendre, c’est saisir intuitivement un tout qui va des intentions aux résultats en passant par les actes. Comprendre, c’est « prendre avec » : dès qu’on prétend départir des causes et des effets dans les comportements humains, on les appauvrit, on les dénature. Il faut rapporter les actes à aux contextes ou aux structures dans lesquelles ils prennent naissance, il faut les insérer dans un tout.

La décision de Wade de ne pas soutenir un candidat reste tout aussi cohérente et stratégique sur le plan politique. Mais pour la comprendre, il nous semble nécessaire de la mettre en rapport avec le contexte pré-électoral, la configuration des forces politiques présentes dans la bataille de 2019 et les prochaines élections municipales et législatives. Ce serait suicidaire et, à la limité, incohérent pour le PDS, après tout ce qu’ils ont vécu comme humiliations, diabolisations et brimades d’accepter de se « supprimer » ou de se dissoudre en tant force politique dans l’une des forces en présence pour ces présidentielles. Car si le candidat qu’ils soutiendraient remportait les élections, ce n’est pas sûr que ce dernier eût voulu fortifier le PDS comme parti d’opposition. Et s’il les invite à l’exercice du pouvoir, le sort du PDS pourrait être pire que celui du PS et de l’AFP.

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Wade prépare l’après élection, car au cas où Macky gagnerait le vieux ferait du PDS le parti d’opposition le plus crédible quand il s’agira de contester la légitimité de Macky. En plus Wade est bien placé pour savoir que la pression et la menace de crise pré et post-électorale sont toujours défavorables au régime en place. Il est en train de nous rendre un service éminemment politique et stratégiquement précieux, car dans tous les cas son irruption dans la campagne et ses discours ont déjà pesé sur la balance. Il faut aussi comprendre que Wade veut que la communauté internationale prête une oreille plus attentive à la situation politique chaotique du Sénégal. Les manipulations du processus électoral sont, en effet, nombreuses et très dangereuses pour la survie de la démocratie. N’oublions surtout pas qu’il a dit « ne venez pas vous plaindre si vous vous laissez avoir par cette simulacre d’élection » : cette phrase est très importante rapportée au fait qu’il n’avait guère critiqué ses alliés qui ont presque simultanément rallié Idy2019.

Ceux qui ont lu la dernière déclaration de Wade devraient lire entre les lignes, car « nommer, c’est classer », or classer, c’est choisir. D’abord Wade dit « comprendre » les militants du PDS qui décideraient de voter pour Idrissa Seck, Sonko, Issa Sall. Il a royalement ignoré Macky Sall et Madické dans les choix qui devraient (et non pourraient) s’offrir aux militants du PDS. Si j’étais militant du PDS, je comprendrais par cet appel une injonction tacite ou habile à voter contre les deux candidats précités. Ensuite, ce n’est pas un hasard que Wade commence l’énumération par Idrissa Seck : c’est évident que dans l’ordre des préférences de Wade, Idy vient en tête, ce qui est du reste naturel. Pour moi l’acceptation de la médiation de Condé et des chefs religieux n’était qu’une manœuvre ou astuce pour valider son calcul et sa stratégie politique. C’est évident que pour des raisons de géopolitique nationale, Wade ne peut pas dire comme tout citoyen ordinaire « je renonce au sabotage et au boycott des élections de 2019 et je demande aux militants de soutenir tel candidat ».

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C’est méconnaitre la complexité de la logique politique que d’exiger un choix aussi net de la part de Wade. La politique n’est pas une science exacte, ce n’est d’ailleurs pas une science, c’est plutôt un art ou plus exactement un métier : c’est dans le « faire » que naît le « savoir-faire » ; et le savoir théorique vient bien après. On dit souvent que la politique est un art en ceci qu’elle exige de la créativité, de l’imagination, de la spontanéité et de la promptitude à réagir face à l’imprévu. Dans chaque situation, c’est le génie qui permet à l’homme politique de s’en sortir : en tant qu’art la politique ne réside pas sur des règles immuables prédéfinies. Dans l’art politique de Wade, l’imprévu est une inspiration comme pour Thione Seck sur la scène : il est toujours capable de « créer ».







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