Jamais une élection n’a été aussi pleine d’inquiétudes et lourde de menaces. Il faut en chercher les causes et les coupables au sein de la classe politique, pouvoir et opposition confondus. Avec la complicité d’une frange de la population, elle a tracé à grands traits des lignes de fracture ethnique et religieuse qui, si elles ne sont pas vite effacées, risquent de mettre les Sénégalais face à face et d’attiser la haine entre eux. Par leur maladresse dans le discours et dans la recherche d’électeurs, les opposants et certains de leurs partisans ont présenté le Président sortant comme le candidat de communauté pulaar qu’ils ont mise à l’index. Sans s’en rendre compte, ils ont ainsi poussé des membres de cette communauté, jusque-là indécis, à se mobiliser pour la réélection du Président en pensant que sa défaite leur serait fatale. Ils ont fait de la réélection de Macky Sall un point d’honneur. Contrairement ce qu’ils ont fait croire, le vote était loin d’être ethnique puisque très rarissime seraient les bureaux de vote où le candidat Sall a engrangé les 100% des voix. Même pas dans son village d’origine ! Il est à regretter que les candidats de l’opposition n’aient pas retenu la leçon de la campagne du second tour de mars 2012 en oubliant ce qui était arrivé au Président Wade quand il avait publiquement déclaré qu’il ne ferait rien pour le Fouta s’il était réélu. Il avait ainsi subi une déroute dans cette zone qui avait pourtant largement voté pour lui au premier tour. Comme quoi, une erreur de communication peut coûter une élection.
Pour expliquer leur déroute au Fouta, certains responsables politiques sont allés jusqu’à sous-estimer la population de la région, affirmer que le nombre de votants était supérieur au nombre d’inscrits et qu’on a fait voter des enfants de 12 ans. Quand même ! Je ne pensais pas que des personnes de la trempe du Pr Amsatou Sow Sidibé pouvaient descendre aussi bas. Ce genre de déclaration montre que leurs auteurs qui aspirent à diriger le pays fonctionnent sur la base de préjugés et des clichés en parlant de l’intérieur du pays. C’est comme ça que naissent les germes d’un génocide. On commence par stigmatiser une communauté, puis on la marginalise, ensuite on en fait une tête de turc responsable de tous les maux et péchés. N’exagérons pas.
Que dire du responsable politique de l’Apr, qui a déclaré que le Président ne devait pas construire l’autoroute «Ilaa Touba» par qu’il a été battu dans la capitale du Mouridisme ? C’est comme s’il ignorait que c’est une infrastructure nationale qui profite à tout le pays. Le pouvoir doit-il conditionner ses réalisations aux votes en sa faveur ? Ce raisonnement nous sort de la République et sape les fondements de Nation que nous voulons construire. La défaite de Macky Sall à Touba n’a rien d’un «vote mouride» et les explications sont à chercher ailleurs.
En toutes circonstances, nous devons savoir raison garder et agir en citoyens soucieux de la République, de notre avenir et intérêts communs. Le cloisonnement communautaire, ethnique, religieux, confrérique ou régional du pays ne peut nous mener qu’à la catastrophe. Nous devons, à commencer par la classe politique, nous ressaisir et revenir à de meilleurs sentiments vis-à-vis de nous-mêmes et de nos autres concitoyens. Nous devons le faire pendant qu’il est temps.
Amadou Abdoul SAKHO
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