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Les Enjeux Du Nouveau Quinquennat : Pour Une Gouvernabilité Du Pays

La cause est maintenant entendue, le Conseil constitutionnel ayant confirmé les résultats provisoires publiés par la Commission nationale de recensement des votes, alors même que les candidats malheureux de l’opposition avaient déjà tourné la page, convaincus qu’il ne servait à rien de déposer un quelconque recours.

Le Président sortant ayant été réélu, il est temps de nous remettre tous au travail, pour promouvoir le développement économique et social endogène de notre pays et trouver des réponses appropriées aux attentes des populations.

Avec ou sans dialogue politique, ce second mandat, qui porte les germes d’une instabilité politique, devrait pouvoir être placé sous le signe d’un aggiornamento qui puisse rendre le pays gouvernable et, à cet égard, l’absence d’une concertation formalisée avec l’opposition ne devrait pas constituer un frein à la mise en œuvre de réformes hardies. Elle ne devrait pas empêcher, d’une part, de procéder à la relecture des recommandations de la Cnri et à l’exploitation de celles d’entre elles qui sont les plus essentielles au progrès démocratique et à la bonne gouvernance et, d’autre part, de faire de la demande sociale une super priorité afin de s’attaquer de manière effective et efficace aux questions du bien-être des populations, du chômage et du sous-emploi et de la modernisation des secteurs de production.

A cette fin, même s’il n’est pas aisé d’effacer en quelques mois cinq à sept années de criticisme, voire de défiances, il faudra bien améliorer et renforcer la gouvernance du pays en s’ouvrant à des compatriotes compétents ayant un certain sens patriotique. Cet «appel d’air» est d’autant plus nécessaire que les appétits présidentialistes de bon nombre de compagnons de sa méga-coalition, ainsi que de certains res­ponsables de son propre parti, ne manqueront pas, à coup sûr, de mettre à mal les marges de ma­nœuvre d’un Président dont c’est, en principe et jusqu’à plus ample informé, le dernier mandat.

En adoptant les principales recommandations de la Cnri et en faisant ainsi preuve de volontarisme, le Président Sall a la possibilité d’obtenir, ne serait-ce que de facto, un consensus national sur certaines questions électorales et institutionnelles, telles que la révision consensuelle du Code électoral, l’abandon du dualisme chef de l’Etat/chef de parti et le renforcement de l’indépendance de l’appareil judiciaire à travers la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Au nom de tels enjeux, l’opposition devrait pouvoir répondre favorablement à une invitation au dialogue du chef de l’Etat, même si la prudence est de mise en raison des atermoiements et erreurs du passé. Elle serait, en effet, mal inspirée de ne pas contribuer à des consultations sur des questions aussi fondamentales que celles relatives à la sauvegarde de notre démocratie, à la lutte contre le chômage et le sous-emploi, à la satisfaction des besoins essentiels des populations et à la restauration de notre souveraineté.

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A cet égard, quel que soit l’impact de programmes tels que les bourses de sécurité familiale, la Cmu, le Pudc ou le Puma, il faudrait reconnaître que la pauvreté est encore prégnante dans nos banlieues et nos villages et qu’elle est telle dans les zones périphériques, que, sans la solidarité familiale, notamment des pa­rents de la diaspora, la situation des ménages serait dramatique.

C’est pourquoi, en étant à l’écoute des citoyens, le Président élu devrait inscrire en priorité à son agenda la question de la résolution du chômage et du sous-emploi, grâce à des stratégies sectorielles bien conçues, notamment en matière de développement agricole et d’industrialisation et faire en sorte que le million d’emplois statistiquement annoncé soit constitué d’emplois réels et durables ayant un impact social véritable sur la précarité. Il devrait également mettre en œuvre une politique de soutien au secteur privé national, en particulier aux Pme/Pmi et aux artisans, par la promotion d’un véritable patriotisme économique. Il devrait enfin s’attaquer à la moralisation de la vie publique et à la réforme de l’Etat et de l’Administration, par une normalisation du fonctionnement des institutions et un assainissement des mœurs politiques, par la rationalisation de l’organisation administrative, par la réduction des dépenses publi­ques, notamment de prestige et de fonctionnement et par l’amélioration de la qualité des services publics rendus aux citoyens.

Cependant, pour que ces actions indispensables puissent susciter un momentum ou, à défaut, une dynamique à même de minimiser d’éventuelles résistances, les deux conditions préalables suivantes devraient être satisfaites :

la libération et l’amnistie des détenus et exilés dont les emprisonnements ou condamnations sont perçus comme ayant une connotation politique ;

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et l’apaisement des incertitudes liées à la question du 3ème mandat, en introduisant à cet égard dans la Constitution, au-delà de l’article 27, une disposition transitoire explicite, pour des raisons sociopolitiques évidentes plutôt que par juridisme.

Un leader de l’opposition a affirmé qu’il convenait «que l’opposition et toutes les forces démocratiques de notre pays s’attèlent, dans l’urgence, à exiger et obtenir les réformes indispensables pour consolider la démocratie, dans l’intérêt exclusif du Sénégal». Le degré d’urgence n’étant pas le même pour toutes les réformes souhaitables, nous sommes enclins à penser qu’une certaine priorisation s’impose, reposant sur une programmation orientée vers les élections locales de décembre prochain. Sous ce rapport, les trois premières réformes à entreprendre devraient concerner la matière électorale, à savoir : la relecture du Code électoral, in­cluant une révision du mode de scrutin des élections législatives, le fameux «raw gaddu» ; l’audit du fichier électoral ; et la remise à plat de la carte électorale.

Par ailleurs, des analystes politiques, relayés par certains acteurs, pensent qu’il faudrait procéder à une dissolution de l’Assemblée nationale afin d’aligner le temps législatif sur celui présidentiel, en harmonisant les deux calendriers et en couplant, au besoin, les élections législatives avec les locales. A nos yeux cependant, le respect du calendrier républicain, tel quel, devrait constituer une préoccupation majeure dans l’atmosphère délétère actuelle, afin d’éviter, non seulement d’installer le pays dans une campagne électorale permanente, mais aussi d’ajouter à la confusion ambiante, l’ingouvernabilité prévisible risquant de commencer trois ans plus tôt que dans le cas d’un maintien des Législatives pour 2022, d’autant qu’a priori, rien ne peut garantir au pouvoir qu’il disposera d’une nouvelle majorité parlementaire.

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En définitive, après les différentes péripéties de cette Présidentielle, l’heure n’est plus aux jeux et calculs de politique politicienne. Le débat entre l’opposition et le pouvoir devrait se focaliser aujourd’hui sur les questions concernant le processus électoral, afin de pouvoir revoir et consolider les règles du jeu démocratique, avant de s’atteler à relever les défis du développement.

Mohamed SALL SAO

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