L’année 2019 est une année de consultations électorales en Afrique, ouverte par les élections générales au Nigeria, suivies par la présidentielle au Sénégal toutes deux tenues en février et remportées par les présidents sortants, malgré les contestations. En Algérie, Bouteflika malade a renoncé au cinquième mandat sous la pression de la rue (surtout des jeunes et des femmes). Mais le feuilleton est à suivre pour une transition démocratique. Au même moment au Bénin, on s’achemine vers les législatives sans la participation de l’opposition. Comme quoi la démocratie est malade en Afrique voire ailleurs (France avec le gilets jaunes qui rappellent le débat entre légitimité et légalité, au Venezuela où un chef de l’opposition s’auto proclame président avec l’appui d’une partie de la population et surtout de l’Union Européenne et des USA, face à un président élu et soutenu par une grande partie de la population et par des pays latino-américains, européens, asiatiques et africains. Comme quoi les exigences démocratiques se conjuguent autour du rapport entre corps civil et corps électoral et à l’aune des aspirations économiques, socio culturelles, sécuritaires, environnementales, sanitaires, etc.
D’où au niveau africain, l’insistance doit être mise sur les indicateurs pertinents.
Des intellectuels chercheurs experts et militants africains ont produit un rapport alternatif sur l’Afrique, un rapport produit pour l’Afrique et par l’Afrique (numéro zéro publié en juillet 2018) et ont délimité cinq axes :
- L’Afrique dans l’abstraction conceptuelle aux réalités diverses
- Pensées africaines : d’hier à aujourd’hui ;
- Pouvoirs et légitimité : quelles articulations alternatives en Afrique ?
- Souverainetés transformationnelles et facteurs souhaitables : quelle Afrique en devenir ?
- Mesures, indicateurs, indices : Quelles alternatives ?
L’indice de Mesure du Progrès Africain est à diffuser, à améliorer, à mettre en œuvre
L’éducation des adultes épine dorsale de la démocratie
La PAALAE (Pan African Association for Literacy and Adult Education en anglais et/ou Association Panafricaine d’Education des Adultes en français) s’est bien illustrée en participant à l’animation du jeu démocratique dans les médias et débats sur l’éducation à la citoyenneté et à la démocratie sous différents angles :
- de l’éducation, l’alphabétisation et la formation des adultes ;
- du genre ;
- des médias ;
- des institutions et acteurs politiques ;
- de l’économie ;
- les attentes et/ou demandes des couches socio professionnelles (jeunes, femmes, 3e âge et travailleurs en activité).
Les différentes contributions de la PAALAE sont accrochées à https://www.seneplus.com/opinions et ont permis des débats sur plusieurs plateaux de télévision et radio locales et nationales.
La démocratie qui est souvent définie par certains comme étant le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple est pour l’instant le système politique de référence dans beaucoup de pays dans le monde. Le Pr professeur et historien Babacar Diop Président de la PAALAE a insisté sur le fait que le démos est le peuple recensé au départ, il a fallu intégrer le laos qui intégre tous les habitants, les jeunes, les femmes, les météques, les étrangers de passage ou établis définitivement et qui contribuent au développement économique et socio culturel. La démocratie n’a été possible qu’avec l’invention de l’alphabet et de la monnaie. Sa consolidation passe par trois étapes :
- un état civil fiable qui recense tout le peuple, de la naissance à la mort, avec un archivage permanent et durable sur tout type de supports physique, numérique, digital, etc.
- un état civique multimédia, multiscript et pourquoi pas multilingue, qui accompagne, éduque, forme tout au long de la vie
- un état de citoyenneté légal, légitime, juste et équitable qui permet à tout citoyen de participer pleinement à la définition des enjeux politiques, économiques, socio culturelles, sécuritaires, bref à la vie de la Nation, sur tous les plans internes et externes
Diagnostics et impacts par le biais de l’éducation
Notre camarade Charles a insisté dans un article intitulé « Quand l’analphabétisme s’invite au processus électoral[1] », sur l’enjeu de l’alphabétisation. Dans un pays comme le Sénégal où près de 80 % des femmes sont analphabètes, la problématique liée à l’accès des femmes à l’éducation et à la formation se pose avec acuité et se traduit entre autres par une méconnaissance des textes juridiques qui régissent les femmes au quotidien.
C’est pourquoi Ousmane Ndongo Directeur Exécutif de l’Association Nationale pour l’Alphabétisation et la Formation des Adules (ANAFA) a attiré l’attention sur quelques enjeux et défis sur les TICs (Technologies de l’information et de la communication) en rapport avec la culture, l’exclusion linguistique, l’analphabétisme de l’image, la conquête des esprits, la mort des langues et le rôle des artistes.
Vue sous différents angles, l’éducation des adultes est indissociable de la gestion de la cité pour ne pas dire la politique, la PAALAE préconise une valorisation de l’éducation et la formation des adultes tout au long de vie et la création de passerelles entre le formel, le non formel et l’informel.
Enfin Ousmane Diadhiou Secrétaire Administratif de la PAALAE et de l’ANAFA a apporté une contribution sur la gestion des processus électoraux sur les institutions. Il faut attendre les années 2000 pour voir l’internationalisation de l’observation. Suite aux lendemains électoraux désastreux dans plusieurs pays, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) ancêtre de l’Union Africaine (UA), a décidé de s’impliquer dans les processus électoraux des pays membres et de manière formelle. Cette approche verra la conception d’un document juridique de référence à savoir la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance. Au plan sous régional, le continent est divisé en cinq zones :
- La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) regroupant dix-sept pays
- La The Southern African Development Community (SADC)
- La Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) La Commission de l’océan Indien (COI)
- L’Union du Maghreb Arabe (UMA)
Le processus de l’observation électorale prendra plus d’ampleur avec l’implication d’organisations non africaines, telles l’Union Européenne qui travaillera de manière très approfondie sur la méthodologie avec le recrutement d’experts électoraux pour faire le monitoring des élections. Elle a intégré les élections dans la coopération multilatérale, pour l’Union Africaine et la CEDEAO. Cela s’est traduit par l’érection en leur sein de divisions électorales spécialisées en matière électorale. Ainsi ils déploient des observateurs pour le monitoring du processus électoral afin d’alerter sur les éventuelles fraudes et/ou irrégularités ou manquements, surtout d’accompagner les Etats pour des élections apaisées.
Il existe plusieurs organismes presque dédiés aux élections comme :
- The International Foundation for Electoral Systems (IFES)
- European Centre for Electoral Support (ECES)
- The National Democratic Institute (NDI)
- Carter Center
Les divisions électorales des organisations sous régionales (CEDEAO, SADEC, CEMAC) et continentale (Union Africaine) sont centrales et bien fournies en ressources humaines, financières et logistiques. Ce qui fait que toutes les élections africaines sont couvertes par des observateurs sous régionaux, africains et internationaux (européens, système des Nations Unies).
Les observateurs sont sélectionnés selon des critères préétablis surtout pour la maitrise des langues de travail (français, anglais, portugais, arabe). Ils sont déployés en deux phases. Les différents types d’observation sont les suivantes :
L’observation internationale (court et long-terme)
Missions d’observation organisées par les organismes régionaux, sous régionaux et internationaux. Elles proviennent de l’étranger.
Avantages
Les observateurs sont des témoins impartiaux. L’observation réduit la fraude et dans certains cas, agit comme un outil de prévention des conflits. Les observateurs rédigent avec une méthodologie assez pertinente, le rapport qui retrace la conduite du processus dans toutes les régions et dont le contenu sera rendu public par les médias internationaux.
Inconvénients
Faible maitrise de la culture du pays hôte et ignorance des langues locales. Donc certaines pratiques frauduleuses ou d’intimidation échappent à leur vigilance. Pour des raisons de communication ou de sécurité, les observateurs ne voyagent pas toujours dans les zones reculées ou dangereuses du pays. Nombre réduit (100 ou un peu plus, divisés en équipes de 2.) Ils couvrent en outre un faible pourcentage de la totalité des bureaux de vote. Leur séjour est court et ils ne sont pas présents au moment des inscriptions sur les listes électorales. D’ailleurs, certains reprochent aux missions internationales d’être trop diplomatiques et incapables de dénoncer la fraude réelle).
L’observation locale ou citoyenne (court et long terme) –
Elle est mise en œuvre par des groupes citoyens communément appelés organisations de la société civile. Des citoyens d’un pays donné légalement constitués en associations s’organisent pour s’impliquer dans le processus électoral.
Avantages
Excellente maitrise du pays, notamment la culture, les langues, les subtilités de l’environnement politique. Ils voient ce que les observateurs internationaux ne peuvent pas voir et comprennent tout ce qui se dit autour d’eux, notamment dans les médias. En plus, ils connaissent les perceptions qu’on se fait des amis, de la famille, des voisins. Connaissance parfaite des enjeux des éventuelles réformes, l’amélioration de l’environnement démocratique et la place faite aux droits humains en général dans leur pays. Le plan de déploiement opère un parfait maillage du territoire national et surtout, dans des zones où les missions internationales ne s’aventurent pas.
Inconvénients : Les observateurs locaux manquent souvent de ressources, de formation, de méthode et de communication. Leur impartialité est souvent remise en question par les gouvernements locaux qui les taxent d’activistes. Ils ne bénéficient pas souvent de traitements respectables par les partis politiques et les OGE. Ils n’intéressent pas forcément les médias. D’ailleurs dans certains cas, ils sont recrutés à la dernière minute et ne connaissent donc pas les lois et règlements qui président à l’organisation du processus électoral. C’est souvent un moyen facile de se faire de l’argent. Beaucoup de missions locales apparaissent quelques jours avant les élections du fait des opportunités de financement dont elles disposent auprès des bailleurs. Ceci crée un problème de crédibilité, du manque d’expertise et de la coordination défaillante minée par des querelles de leadership. Dès fois, certaines missions locales ne répondent pas de l’usage qu’elles font des fonds. Dans beaucoup de cas donc, il est difficile d’apprécier la qualité de leur travail.
Conclusion
Il faut :
- une modernisation du jeu politique
- une éducation permanente des citoyens et citoyennes, des jeunes et des adultes et surtout des leaders politiques, sociaux, économiques, culturels.
[1] Article paru dans Sen plus le, 26 /07/2017, à la veille du scrutin des dernières élections législatives