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19 Ans D’enlisement DÉmocratique

19 Ans D’enlisement DÉmocratique

L’alternance de 2000, la première dans notre pays, qui a consacré la fin de quarante années de règne de l’UPS–P“S”, avait contribué à faire sauter le verrou, qui bloquait la vie politique de notre pays et le maintenait dans un immobilisme affligeant. Malheureusement, depuis lors, les régimes successifs de Me Abdoulaye Wade et du président Macky Sall, malgré la réalisation d’importantes infrastructures, peinent à rompre avec l’héritage désastreux en matière de déséquilibre institutionnel et de mal-gouvernance.

UNE CONTINUITÉ CONSTERNANTE

Dès son accession au pouvoir, le président Wade ayant clairement opté pour l’instrumentalisation des institutions à des fins de conservation du pouvoir, allait accentuer le caractère présidentialiste de notre régime politique, à travers son référendum du 7 janvier 2001. Cela se traduisit par un recul démocratique, l’atteinte aux droits et libertés et la multiplication de scandales financiers.

Pour y remédier, des partis de gauche alliés à la société civile, lancèrent, au lendemain de la mascarade électorale de février 2007, les Assises Nationales du Sénégal avec pour objectifs principaux la refondation institutionnelle, l’émergence citoyenne et la restauration de la souveraineté nationale. Cette initiative permit d’impulser les luttes politiques  et citoyennes, aboutissant à la défaite politique des libéraux aux élections locales de 2009, à la grandiose journée du 23 juin 2011 et enfin à la deuxième alternance, qui survint, le 25 mars  2012.

Tout le monde s’attendait, alors, à la mise en œuvre de réformes pour corriger le dérèglement institutionnel, qui datait de l’ère senghorienne, mais avait atteint son paroxysme sous le magistère du président Wade. Le nouvel homme fort, Macky Sall, avait certes toujours gardé une certaine distance, par rapport à cette dynamique citoyenne, mais il avait fini par rejoindre le peuple des Assises, quand il avait eu besoin de leur soutien électoral, dans l’entre-deux tours de la présidentielle de 2012. C’est ainsi qu’une fois élu, il mettra en place la CNRI présidée par le Président Amadou Mahtar MBOW et  un Comité de suivi de la mise en œuvre des conclusions des Assises Nationales.

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Malheureusement, force est de constater que la coalition Benno Bokk Yaakar va finir par faire comme la CAP21, la coalition du président Wade et qu’aucune des réformes-phares attendues pour un équilibre des institutions et la responsabilisation citoyenne n’a été retenue dans le projet de réforme constitutionnelle soumis au référendum du 20 mars 2016.

Élu pour corriger les tares de notre système politique que le précédent régime libéral avait accentuées jusqu’à la caricature, Macky Sall va placer son premier mandat sous le signe de la primauté de ses intérêts politiciens étroits. Refusant de faire preuve de hauteur, en se déchargeant de sa fonction de président de l’APR, il a instauré un leadership autoritaire et façonné les politiques publiques selon des critères politiciens et électoralistes, qui viennent de faire la preuve de leur redoutable efficacité, lors de la dernière présidentielle du 24 février dernier. Il a en effet, fait un mapping astucieux entre ses réalisations et la carte électorale, en veillant à ce que le maximum de communes rurales soient servies. Dans les grands centres urbains, par contre, il s’est évertué à débaucher les porteurs de voix, par le biais de la transhumance honnie, facilitée par la garantie d’impunité, les mallettes d’argent et surtout la neutralisation du maire de Dakar et celle du candidat du PDS.

UNE VICTOIRE ARTIFICIELLE

Nous voyons donc, que la victoire électorale du candidat Macky Sall, loin de traduire, le renouvellement d’un pacte de confiance avec le peuple est tout à fait artificielle, étant le fruit de manipulations politiciennes et ayant été obtenue au forceps, en s’adossant à l’appareil d’État et en actionnant divers leviers (promotion du vote affectif basé sur l’ethnie, la confrérie, la proximité géographique, stigmatisation des adversaires politiques, corruption électorale, mise en scène hollywoodienne de meetings électoraux,…)

C’est cela qui peut expliquer le fait que le président, réélu avec une majorité confortable de 58,27%, ait paradoxalement vite fait d’appeler au dialogue, adoptant une posture si humble, qu’elle en devient invraisemblable, voire inquiétante, comme si elle annonçait un nouveau coup fourré.

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Car, à quoi peuvent donc avoir servi, ces élections, parmi les plus chères de notre histoire politique, si elles n’ont pas réussi à dégager une majorité claire, forte et stable pour aborder la délicate phase de transition de notre Nation vers son nouveau statut de pays pétrolier ?

Il est vrai qu’au bout du compte, le candidat sortant, pour avoir royalement ignoré, voire piétiné les règles de bienséance démocratique, pour avoir usé et abusé de pratiques déloyales et corruptrices, a lui-même semé les germes d’un contentieux plus politique qu’électoral. Parce qu’en réalité et comme l’a reconnu un éminent homme politique, peu écouté et souvent mal compris, il ne s’agit pas seulement de décompte arithmétique des voix.

En quoi, la coalition au pouvoir a-t-elle accru le niveau d’adhésion des masses populaires à son projet politique, qui exhale de forts relents de soumission à l’étranger ? Ce Plan Sénégal Émergent n’est-il pas simplement un condensé des recettes éculées des officines financières internationales, dont on trouve des duplicata dans plusieurs autres pays africains ? Comment expliquer le peu d’impact électoral des grands projets dits structurants ? Cela ne confirme-t-il pas cette accusation de gaspillage d’importantes ressources financières dans des projets non prioritaires ? En dehors du PUDC, qui fait presque l’unanimité, ce sont plutôt les programmes clientélistes dédiés à la distribution d’espèces sonnantes et trébuchantes (bourses de sécurité familiale) ou de crédits à remboursement hypothétique (Direction à l’Entreprenariat Rapide), qui auront fait la différence.

DES LENDEMAINS INCERTAINS

Nous nous trouvons, donc, à l’orée d’un second mandat plein d’incertitudes.

Les officines financières internationales piaffent d’impatience et réclament l’application des programmes d’austérité gelés à cause des élections. La cohésion de la coalition au pouvoir va forcément pâtir des ambitions politiques aussi bien des partis alliés, qui se font déjà entendre, que de membres d’un parti présidentiel, dont la structuration a été délibérément gelée, pour préserver la suprématie de certains clans et leur garantir une totale liberté de manœuvre.

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Il est vrai, qu’entretemps, notre vie politique a changé de paradigme, caractérisée par la découverte des gisements pétroliers et gaziers, convoités par les puissances économiques mondiales. Cela a considérablement augmenté la marge de manœuvre de notre président, dont les frasques antidémocratiques sont passées par pertes et profits et donnent de plus en plus à notre pays l’image d’une autocratie électorale.

Au-delà de l’hyper-présidentialisme doublé de l’instrumentalisation des institutions législative et judiciaire, nous assistons à un remaniement profond de notre système politique, illustré par la loi sur le parrainage citoyen, qui a fini de défigurer nos pratiques électorales, mais aussi par la tentative de mise au pas des contre-pouvoirs (Presse, société civile…). À travers ces mesures, qui comprennent la corruption et la transhumance politiques, on cherche à sécuriser la mainmise sur nos nouvelles richesses, au prix d’alternances superficielles et inoffensives en lieu et place de véritables alternatives sociopolitiques.

Il est clair que cette plateforme politique, qui occulte les intérêts des masses populaires, peut parfaitement convenir à plusieurs composantes de notre système politique, qui font table rase des enjeux d’indépendance nationale, de souveraineté économique et de justice sociale.

Nous voyons donc, que les alternances survenues en 2000 et 2012, loin de se traduire par un approfondissement de la démocratie et une gestion plus vertueuse des affaires publiques, n’ont fait qu’aggraver les tares observées durant le long règne de l’UPS–P“S”. Il s’y ajoute que certaines organisations, qui, dans le passé, avaient toujours symbolisé la lutte contre l’injustice et pour le progrès social, se sont laissées piéger par les artifices de la démocratie bourgeoise, se disputant des strapontins ou des prébendes, prêts à justifier toutes les forfaitures de l’État bourgeois.

Il n’est pas trop tard pour se ressaisir et imposer un dialogue politique, qui restaure le libre jeu de la démocratie, comme préalable aux changements sociopolitiques venus à maturité.  







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