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La Menopause Du ModÈle MÉdiatique SÉnÉgalais

Les médias jouent un rôle très efficace dans la conduite des élections et la proclamation des résultats. En sus de fournir des informations nécessaires aux électeurs pour leur permettre d’opérer un choix rationnel entre candidats en lice et de fournir une tribune permettant aux candidats d’atteindre le public, les médias doivent jouer un rôle de guide, d’alerte et d’informer les citoyens sur les questions électorales. Si les médias mainstream ont été les vedettes des élections présidentielles de 2000, 2007 voire 2012, tel n’a pas été le cas en 2019 où ils ont été cloués au pilori par ceux-là qui les portaient naguère au pinacle.

En 2000, au moment où l’on doutait encore de la fiabilité de la proclamation des résultats électoraux comme cela l’avait été aux différentes élections précédant ladite année, les dispositions réglementaires de l’Organisation nationales des élections (Onel), – structure indépendante, chargée, conformément à la loi n° 97-15 du 8 septembre 1997, qui l’a créée, de la supervision et du contrôle des opérations électorales et référendaires – permettaient aux médias surtout radiophoniques de donner en temps réel les scores des candidats en lice. Ce travail de la presse accompagnait la transparence électorale, pierre angulaire du processus démocratique enclenché depuis 1997. La nouveauté dans la transmission des informations électorales, notamment des résultats des deux tours de scrutin, a été le fait des téléphones cellulaires. Jamais au cours des précédentes élections, ces résultats n’ont été diffusés, comme ils l’ont été le 27 février et surtout le 19 mars 2000, à partir de 19-20h et toute la nuit du dimanche à lundi, à l’occasion de ces deux tours. Ainsi par la magie du téléphone portable, il n’est plus possible de modifier les procès-verbaux contenant les résultats électoraux.

En vertu de l’article L81 du code électoral qui autorise l’affichage des résultats électoraux, les médias sont libres de les diffuser comme des éléments d’actualité. Et si à la présidentielle de 2000, l’alternance a pu être une réalité à laquelle n’a jamais cru, au préalable, Abdoulaye Wade, le grand vainqueur de ladite élection, c’est grâce l’apport inestimable des médias Sud et Walf dans la transparence électorale. Mais ce rôle de la presse, quand bien même il serait primordial dans la transparence électorale, ne devrait pas pousser certains observateurs, analystes, journalistes doctes à soutenir prétentieusement que sans la presse, l’alternance en 2000 ne serait encore qu’illusion. Une telle perception parcellaire et réductrice détonne avec la réalité politique de l’époque puisque la presse, nonobstant le rôle moteur qu’elle a joué dans la transparence électorale, n’a été qu’un maillon dans la chaine de l’alternance démocratique en 2000 comme l’a été la combinaison du bouillonnement intellectuel, de l’effervescence politique et de l’engagement citoyen. L’utilisation de ces médias de façon responsable et appropriée a permis de renforcer le processus démocratique et de contribuer à des élections plus crédibles que celles vécues depuis 1963. Ainsi comme en 2000, le citoyen, dans l’expectative de la délibération démocratique, a pu se faire une opinion au soir de la proclamation des résultats des présidentielles de 2007 et 2012 sur les tendances avec la diffusion équidistante des suffrages exprimés sur l’ensemble du territoire national.

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Mais depuis lors, il y a eu le développement des NTIC avec l’émergence des réseaux sociaux qui peuvent jouer le même rôle que les médias mainstream dans la diffusion en temps réel des résultats électoraux. L’adoption de ces outils technologiques révolutionnaires a aidé à rendre plus fiable et transparent le processus électoral de 2000 dans notre pays. Aujourd’hui, les utilisateurs des réseaux sociaux, les états-majors des différents candidats avec leurs arsenaux technologiques devancent même la presse, bousculent et souvent relèguent au second plan les médias classiques dans leur rôle de diffuseurs des résultats à chaud. Ainsi au soir 24 février 2019, la méthode plus ou moins tendancieuse et tendancielle des médias diffuseurs de l’information électorale a été décriée fortement par certains candidats et partisans de l’opposition. Ainsi, la presse qui était adorée en 2000, 2007 et 2012 est abhorrée en 2019 dans sa façon sclérosée de transmettre les résultats issus des urnes. C’est la ménopause du modèle médiatique en matière de diffusion électorale. Ousmane Sonko et Idrissa Seck, challengers du candidat Macky Sall lors de la dernière présidentielle, par le canal de WalFadjri ont fustigé à tort ou à raison la manière avec laquelle des médias privés comme, la RFM, la TFM, la 2 STV, RFI et France 24 ont annoncé et prononcé les résultats issus du scrutin.

C’est ainsi le 25 février, qu’un communiqué signé conjointement par le Syndicat des Professionnels de l’Information et de la Communication du Sénégal (SYNPICS), le Conseil des Diffuseurs et Editeurs de Presse du Sénégal (CDEPS), l’Association des Editeurs et Professionnels de la Presse en Ligne (APPEL), l’Association de la Presse étrangère au Sénégal (APES) et la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS) a dénoncé que « reprocher à des médias, sur la base de remontées des résultats issus des urnes et d’un travail statistique, de donner les tendances du moment, alors qu’en même temps on s’arroge le droit d’orienter l’opinion vers une issue de l’élection, c’est vouloir nier à la presse son rôle de sentinelle de la démocratie et mettre à la poubelle son habituel rôle de témoin des faits électoraux ». Et c’est là où nos doctes confrères commettent tous la même erreur : scruter et gloser statistiquement sur les résultats électoraux n’est pas du ressort des journalistes. Les rédactions ne sont pas des agences de statistiques électorales. Il ne leur incombe point de produire des statistiques qui classent les différents candidats en fonction de la diffusion de résultats dont la moitié n’était même pas accessible au moment de la sortie vespérale critique des leaders de l’opposition. La statistique électorale est une science tellement complexe et sérieuse qu’elle ne peut pas être gérée et élaborée par une seule personne en l’espace de quelques heures.

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On ne peut pas conclure sans évoquer l’appartenance ou la proximité politique de certains patrons de presse au parti au pouvoir qui a été fortement conçue ou perçue à tort ou à raison par certains opposants comme un moyen d’influer sur le travail de leurs journalistes. L’appartenance à un parti politique est un droit fondamental pour tout citoyen, donc y compris les journalistes et autres proprios d’organes de presse. Si des journalistes et propriétaires de médias ont des postures politiques ou sont membres de partis politiques, ce sont leurs droits les plus absolus. Toutefois, si un journaliste, ayant des responsabilités éditoriales pendant une campagne électorale, s’active dans son parti politique, il devrait s’abstenir de confondre mission médiatique et engagement politique.

Pendant la période électorale, il est important que les journalistes soient perçus par les citoyens comme étant équidistants et impartiaux dans le traitement de l’actualité politique. Aussi est-il nécessaire de faire une nette distinction entre la propriété médiatique et l’indépendance éditoriale. Les propriétaires ou journalistes partisans ne doivent pas porter atteinte aux dispositions d’impartialité et d’équidistance en interférant dans le travail objectif des employés ou reporters. Ce qui n’a pas été le cas des médias d’Etat tels – le Soleil et la RTS – dont la posture partisane de leurs directeurs a fortement déteint pendant le processus électoral sur l’orientation éditoriale des organes qu’ils dirigent. L’examen de l’espace faitier des organes de la presse d’Etat que sont le Soleil et la RTS, a montré comment, pendant le processus électoral, Yakham Mbaye et Racine Talla, ont mené indéfectiblement une politique éditoriale loyale au président Macky Sall tout en anéantissant les discours de l’opposition. L’essentiel des Une du Soleil a été consacré au candidat Macky Sall au grand dam de ses concurrents, et la RTS a eu le toupet de donner en direct le micro et la caméra au coordonnateur du pôle programme du candidat Macky Sall, Boun Abdallah Dionne, pour qu’il proclame les résultats de son mentor à travers la télévision qui appartient à tous les Sénégalais. Curieusement ces regroupements, groupements ou groupes de journalistes cités supra, qui se sont hâtés pour s’indigner sélectivement de la sortie du duo Sonko-Idy au soir du 24 février, se sont abstenus d’en faire autant devant cette iniquité constatée dans l’utilisation des médias d’Etat. 

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sgueye@







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