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L’État Des Grognes !

Que ce pays est…merveilleusement paradoxal, et ses citoyens maladivement caractériels. Ils ont, y a un mois, élu un président au premier tour avec la bagatelle de 58% et des poussières, par un mystérieux « coup ko » et, chloroformés par une victoire à laquelle tout compte fait ils ne croyaient pas, ils ont eu la décence de ne pas fêter. A la joie des vainqueurs, s’est substituée une hypnose collective, une anesthésie générale inoculée aux vaincus comme aux vainqueurs.

C’est cette victoire des mystères qui donne cette ambiance d’un collapsus collectif au pays depuis le 24 février dernier. Brumeux comme le temps envahi du sable venu du désert, apparu lui aussi après cette victoire mystérieuse, et qui inonde de ses particules mortelles nos bronches et autres paupières gonflées de détritus charriés par des vents venus de nos contrées désertiques. Il ne s’agira pas de l’état de grâce que le peuple généreux et magnanime accorde généralement aux nouveaux élus, il s’agit de bien moins glorieux que ça : un apnée, non, un coma collectif et profond consécutif à une violente attaque contre nos cellules grises. La raison a peur de ce qu’elle ne comprend pas, ce qu’elle ne peut pas expliquer.

Alors, ce peuple merveilleusement paradoxal a fermé la parenthèse présidentielle pour revenir à son ADN fondateur : la grogne ! Les grognes plus précisément. C’est d’abord les responsables du parti présidentiel, par militants interposés, qui réclament le « retour de l’ascenseur » ( si si, c’est ainsi qu’ils parlent), pour avoir pulvérisé les records dans leurs bleds ; des compagnons de route qui estiment devoir avoir plus de postes ministériels et autres que la mandature passée ; des très intéressés alliés de la dernière heure qui nous tympanisent avec des histoires de législatives anticipées, de couplage et découplage des élections, d’un rajout de deux ans supplémentaires aux députés pour qu’ils « épaulent mieux » le président…Ces grognards, on les connaît bien : ce sont les parasites qui grenouillent autour de tous les régimes. Ils réclament leurs pitances, les restes des festins.

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Il y a ceux qui pendant trois semaines, avaient mis sous le boisseau leur difficile quotidien : manque d’eau, manque de routes, voire de pistes, manque d’électricité… Bref, retour à leur cauchemar quotidien qui fait leur vie : un état de manque permanent. Alors que leur champion fait durer le calvaire de tous ceux qui se pensent nécessairement ministrables, les autres qui ont des rêves très terre à terre (manger plus qu’une fois par jour, retrouver le luxe de douches quotidiennes, un éclairage autre que les lumières vacillantes des lampes à pétrole,…), tous ces gens là se remettent à entonner leurs mélodies de rage : ils veulent vivre mieux bordel ! Est-ce trop demander à ses gouvernants qui nous chantent tous les jours les refrains de l’émergence ? D’accord, ils disent en 2035, pas maintenant. Aujourd’hui, c’est villes nouvelles et TER, une arène flambant neuve, où il n’y a ni lutte, ni lutteurs et autres « bakks » !

Et puis, il y a bien sûr nos grognons rogneurs traditionnels : syndicalistes, étudiants entassés comme des sardines…Leur dilemme à tous ces râleurs devant l’Eternel : la fermer et attendre le traditionnel 1er Mai, après la traditionnelle fête du 4 Avril, ou dire à l’Elu, que ce quinquennat sera social, ou anti-socialement « a-social ». Parce que voyez-vous, pas besoin d’être un grand économiste pour savoir que tous les prix gelés pour cause électorale vont être très bientôt libres parce que libérés. Il faudra bien remplir les caisses de l’Etat vidées pour les besoins du « coup ko au premier tour ». Même les surveillants bienveillants que sont les institutions financières qui avaient fermé les yeux, grognent et piaffent d’inquiétude. 

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Oui, on vous l’annonce, ce quinquennat sera très peu social mais remplis des grognements de tous les éclopés de la vie. Un ami notoirement sceptique et qui a très peu d’estime pour nos gouvernants, m’a dit ce dimanche avec une conviction qui m’a fait froid dans le dos : « ce régime sera le premier à partir non pas par les élections, mais par la rue, tant ils vont décevoir et le peuple n’attendra pas cinq ans pour les virer avec leurs cartes d’électeurs ». Trop pessimiste, et l’histoire même du pays ne va pas dans ce sens. Parce que, depuis Mai 68, il n’y a pas eu un autre Mai 68. Et même en Mai 68, le mouvement social n’a pas viré Senghor par la rue, juste secoué ses fondations. C’est même lui qui a eu le dernier mot : emprisonné des dizaines d’étudiants, enrôlés de force les autres et tué au moins un, dans sa prison à Gorée.

Post-scriptum : À propos de mort. Un ami vient de partir sans dire adieu. Un grand, très grand saxophoniste. Il a juste posé son saxophone et s’est endormi. Du sommeil dont on ne se réveille pas. Adieu Issa Cissokho. Adieu mon ami. Que la terre te soit légère. La symphonie de ton saxe nous tiendra compagnie. Comme si tu étais avec nous. Repose en paix ! Amen !

dndiaye@







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