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Le Sens D’un Serment

Le Sens D’un Serment

Le Sénégal, comme beaucoup de pays, est une république avec un Etat qui a la charge d’assurer un développement durable dans un environnement sécurisé permettant l’épanouissement des citoyens dans tous les domaines. Comme dans toute république, la marche du pays est rythmée et organisée autour de faits, d’actes et d’évènements qui surviennent ou se réalisent de manière séquentielle. C’est le cas pour les différentes élections organisées suivant un calendrier républicain et qui permettent aux citoyens de choisir leurs dirigeants tant au niveau local, communal que central. Et, parmi ces moments cruciaux de la vie d’une république figure l’élection présidentielle qui permettra à celui qui aura réuni le plus grand nombre de suffrages de ses compatriotes d’avoir l’insigne honneur et le redoutable privilège de présider aux destinées du pays.

Notre pays a organisé le 24 Février son élection présidentielle qui a vu la victoire, consacrée et officiellement annoncée par le Conseil constitutionnel, du Président Macky Sall. Il est toujours utile de rappeler les conditions dans lesquelles se sont déroulées ce scrutin qui n’était que l’aboutissement logique et prévisible d’un processus caractérisé par des vices, des dysfonctionnements ainsi que des pratiques condamnables et attentatoires à l’égalité des candidats. On peut aisément citer sans être exhaustif : la remise en cause unilatérale du code consensuel  de 1992, le parrainage imposé de manière cavalière avec un conseil constitutionnel décrié pour son absence de transparence et de rigueur méthodologique, et surtout pour le manque de maitrise de l’outil de travail par les magistrats préposés à la tâche. A cela il faut ajouter l’absence d’un sérieux audit contradictoire du fichier électoral par toutes les parties prenantes, le refus obstiné du ministre de l’Intérieur de remettre à temps le fichier aux partis politiques légalement constitués comme prévu par la loi, la perturbation résultant d’une mauvaise distribution des cartes et de déplacements de bureaux de vote sciemment planifiés ; toutes choses qui ont fortement contribué à renforcer une suspicion légitime quant à la volonté du pouvoir d’organiser un scrutin transparent , libre et démocratique. Des transports massifs d’électeurs ont également été constatés.

Toujours est-il que la victoire du candidat sortant a été actée par l’instance légale habilitée à le faire. Si l’on peut à bon droit mettre en cause la légitimité du Président Macky Sall, force est de constater qu’il est déclaré élu et qu’à cet effet il prêtera serment le 02 Avril. Aussi, persister obstinément à contester son statut ne me parait pas une bonne stratégie ; cela pourrait se révéler improductif voire contre-productif. Ainsi donc, il va prêter serment devant DIEU et les hommes, devant son peule et certainement devant un aréopage de personnalités étrangères, notamment des chefs d’Etat dont la présence conférera une dose supplémentaire de légitimité dont il a tant besoin. Le serment est l’affirmation solennelle en vue d’attester la vérité d’un fait, la sincérité d’une promesse, l’engagement de bien remplir les devoirs de sa profession ou de sa fonction. 

En plus de son caractère solennel, la cérémonie de prestation de serment sera marquée par la majesté des lieux où elle va se dérouler, par la présence massive de dignitaires et supporters rigoureusement sélectionnés. Les uns et les autres vont s’efforcer de donner à leurs visages une gravité feinte pour faire sérieux. Et c’est pourquoi, compte bien tenu de tout ce qui précède, il faut éviter de faire de la prestation de serment du Président de la république, un rituel superfétatoire et un cérémonial cosmétique. En prêtant serment, le Président s’engage à respecter scrupuleusement et rigoureusement la charte fondamentale de notre pays qu’est la Constitution. Les dispositions de celle-ci sont très claires et ne souffrent d’aucune ambiguïté pouvant conduire à des spéculations et autres débats conjoncturels et opportunistes.

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La constitution impose au Président de la république de notre pays beaucoup de choses ; entre autres obligations, il doit assurer et garantir la protection de ses compatriotes, appliquer et faire appliquer la justice sans favoritisme, sans discrimination et sans parti pris en s’interdisant de mettre des dossiers sous le coude ; il doit toujours dire la vérité en toutes circonstances et s’abstenir de verser dans les contrevérités , il doit traiter les ethnies, les religions, les confréries, les terroirs de manière égalitaire. Le Président de la république a l’obligation constitutionnelle de respecter l’opposition dont la dignité est reconnue et consacrée par la charte fondamentale ; donc la traiter avec condescendance au point de souhaiter sa disparition est une forme de violation manifeste de la constitution. En prêtant serment de se conformer scrupuleusement à celle-ci, le Président accepte de se soumettre à toutes les contraintes juridiques, éthiques et morales qu’impliquent sa charge et ses fonctions. 

Pour compter du 02 Avril 2019 le Président Macky Sall va entamer son deuxième mandat de cinq ans ; et il est permis d’espérer qu’il mettra à profit son adresse au peuple pour confirmer solennellement que c’est son second et dernier mandat. Il est tout aussi utile et bon de rappeler, pour éviter tout optimisme béat ou toute surprise ultérieure, que le premier mandat du Président Macky Sall n’a pas totalement répondu aux attentes des Sénégalais. Ce serait faire montre d’un nihilisme de mauvais aloi que de ne pas lui reconnaitre quelques réalisations, notamment au niveau des filets sociaux. On peut citer les bourses familiales bien qu’elles ne représentent qu’une assistance équivalente à 27 francs par jour et per capita, ce que le plus paumé des mendiants peut gagner au détour d’une rue ; il y a la CMU qui a fini de mettre à genoux plusieurs structures de santé, aujourd’hui incapables d’assurer un service minimum aux populations à cause d’une trésorerie déficitaire ; et quant à la gratuité de certaines prestations sanitaires ce n’est que du vent. 

Dans le domaine des infrastructures des réalisations ont été faites en matière de forages et de pistes de productions ; mais l’essentiel des infrastructures dont le régime se vante ne sont que des éléphants blancs, c’est-à-dire des réalisations très onéreuses mais d’une très faible utilité par rapport aux besoins des populations qui ont d’autres urgences. A y voir de près, on se rend vite et facilement compte qu’il y a un véritable problème de rationalité dans les couts et la pertinence technique de certains projets.

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Par contre le bilan axiologique du Président Macky Sall est très loin d’être reluisant. Et, c’est ce qui peut amener certains Sénégalais à croire que le discours des officiels ne sera ni plus ni moins qu’un serment d’ivrogne. Le premier mandat a été fortement caractérisé par les promesses non tenues, le non-respect des engagements, des reniements spectaculaires, des renoncements injustifiés, des abjurations publiques et des contrevérités récurrentes. On nous avait chanté la patrie avant le parti, on se retrouve avec la fratrie avant le parti et le parti avant la patrie ; on nous avait promis un gouvernement de 25 ministres, on se retrouve avec 80  ministres ; on nous avait promis de ne protéger personne, le directeur du COUD est toujours en poste ; on avait juré de ne jamais nommé son frère par décret, il se retrouve à la tête de l’institution la plus juteuse du pays. Les contre valeurs et les antis valeurs ont été érigées en références paradigmatiques dans la conduite des affaires publiques.

Malheureusement, il faut le constater pour s’en désoler, s’en offusquer et s’en indigner, nos politiciens, notamment les plus hautes autorités de ce pays, s’adonnent au mensonge, cet exercice honteux et plus que déshonorant, avec une facilité et une banalité déconcertantes, sans vergogne avec la circonstance aggravante de le faire publiquement.  

Le serment est un acte majeur d’engagement d’une importance capitale, d’une grande valeur et d’une éminente portée éthique et morale. C’est un acte tout aussi contraignant et aliénant qui oblige son auteur à s’y conformer scrupuleusement. Aussi ne devrait-on pas pouvoir s’en délier impunément. Ne pas respecter son serment, quelle que soit la station occupée, est une forme de trahison. En effet, la trahison est définie comme un manquement à ses promesses, à ses engagements. Il serait bien indiqué d’élargir le spectre des personnalités assujetties à la prestation de serment aux membres du gouvernement qui, ès qualité, exercent des charges publiques et assument des responsabilités politiques susceptibles d’avoir des effets, des conséquences et des répercussions positifs ou négatifs sur le vécu de leurs concitoyens.  

Nos gouvernants exercent leurs différentes fonctions sur la base de deux références, de deux substrats sociologiques qui sont en superposition. D’une part, ils agissent dans le cadre d’une république, au sein d’un Etat dont le fonctionnement et les attributs sont régis par un ensemble de principes, de textes et de procédures avec comme élément principal et incontournable la consignation écrite. D’autre part, nos dirigeants doivent exercer leurs responsabilités en tenant beaucoup compte de nos valeurs sociales et sociétales dont certaines sont séculaires et fortement cristallisées dans notre imaginaire ; s’y ajoute un complément religieux tout aussi important. Et parmi ces valeurs cardinales, il y a le respect accordé à la parole donnée qui s’explique par le fait que nos sociétés africaines sont fondées sur l’oralité. Une oralité qui régit et organise non seulement les rapports entre le sommet et la base mais aussi les relations interpersonnelles des membres de la communauté. A cet égard, la problématique du respect des promesses et des engagements, de la parole donnée constitue un véritable sujet de préoccupation dans notre société. Et s’il faut rapporter cela au niveau le plus élevé, il y a de quoi s’interroger, voire s’inquiéter.  

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Les Sénégalais attendent beaucoup du second mandat du Président de la république. Ce mandat doit impérativement et nécessairement être celui de la rédemption, du rachat, du rattrapage, de la rectification, de la réhabilitation des valeurs de l’éthique, de la morale, de la justice, de la vérité, de l’égalité, de l’équité. Ce mandat ci doit être celui de la reconsidération de nos pratiques politiques malsaines, de nos tares et de notre rapport malsain avec l’argent. Ce mandat ci doit être celui du respect pour le peuple, celui de la restauration de la dignité de l’opposition, du bannissement du népotisme, du favoritisme, de l’égalité de tous les citoyens devant la loi, du renforcement de l’Etat de droit, du rejet de la transhumance et du retour vers une administration neutre et non politisée. Ce mandat ci doit être celui du respect scrupuleux de la parole donnée.

La priorité du second mandat, en espérant qu’il en sera ainsi, devra porter non sur les infrastructures bien qu’elles soient nécessaires, mais sur l’homme, sur le Sénégalais. En effet, les nombreux immeubles que le Président construira s’effondreront, les autoroutes, routes et ponts qu’il réalisera disparaitront, les résidences dans les foyers religieux ainsi que les mosquées tomberont en poussière ; les belles écritures portant son nom sur les marbres lors des inaugurations, le temps implacable les effacera. C’est pourquoi il est demandé au Président de la république de travailler et d’investir sur les Sénégalais qui sont des hommes, c’est-à-dire des créatures divines dont les âmes sont immortelles ; en leur inculquant la juste peur d’ALLAH, l’amour de son prochain et les bons principes de la justice, de l’équité, de l’éthique, de la morale et de la vérité. Ainsi son œuvre illuminera son peuple jusqu’à la fin de tous les temps.  

C’est l’occasion pour moi de me féliciter de la constance de mon ami Khalifa Sall qui respecte, quoique cela puisse lui couter, son serment de rester digne et fier dans la très douloureuse épreuve qu’il vit présentement et injustement. En homme d’honneur, digne, honnête, sincère et loyal convaincu de son innocence, jamais il ne se rabaissera à quémander une grâce. Il a été trahi par de très proches collaborateurs, notamment des maires dont certains ont transhumé directement alors que d’autres l’ont fait par contournement et ce, sans d’autres motivations que leurs propres intérêts égoïstes. Du fond de sa cellule il doit se dire qu’il faut vraiment être masochiste pour accepter de retourner vers son bourreau et venir à résipiscence. Tous ces félons doivent savoir que la rançon de la traitrise c’est la déchéance.

Le pouvoir au peuple, les servitudes aux gouvernants.

Boubacar Sadio est commissaire divisionnaire de police de classe exceptionnelle à la retraite







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