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Hommage à Oumar Ndiaye

Hommage à Oumar Ndiaye

Oumar. Toi et moi, c’était, il y a 31 ans. Bleus et frais, nous étions. Insouciants et lucides pourtant. Banlieusards, les yeux en l’air, la tête sur les épaules, nous avions en bandoulière, la même vocation et la même ambition : travailler dur et longuement pour réussir. Et nul autre chemin n’était mieux indiqué pour nous que celui de l’école, ascenseur social par excellence ! Nous travaillâmes, durement et longuement. Ce fut d’abord au collège devenu lycée, Banque Islamique. Ensuite au mythique Limamoulaye. Toi et moi, en série scientifique. Toi, par vocation, moi, par malchance. Car dans mes veines ne coulaient que littérature, philosophie et art. Tu réussis le pari d’être bachelier es science. Moi je parvins, après moult négociations, à faire accepter au proviseur de me laisser retrouver mes amours littéraires en pleine année. Tu devins informaticien, moi littéraire. Mais nous devions nous retrouver. Toi ingénieur informaticien, moi  expert en com’, puis… ingénieur qualiticien. Nos retrouvailles indirectes et filiformes furent multiples : toi chargé de la communication de Bby, moi conseiller en communication du Pr. Nous travaillâmes ensemble, avec d’autres devant nous et avec nous, dans le Pôle communication du candidat Macky Sall. Tu fus le premier à m’offrir d’être sur un plateau radio lors de cette campagne. C’était sur I-Radio. Tu m’aimais bien Oumar. Je le sais. 31 ans. Ça pèse. Enormément. Comme moi, en dépit de ta situation, tu as préféré rester dans cette banlieue qui nous a vus grandir et réussir. On habitait à quelques centaines de mètres l’un de l’autre. Pas loin de notre collège devenu lycée. Tu m’avais promis, Oumar, de me connecter à certains de nos vieux amis perdus de vue. Tu n’as pas tenu ta promesse mon cher. Non, que dis-je ? Si. Ta mort, a recréé, hélas ce lien ! Pendant la campagne, il t’est arrivé de venir me chercher à la maison. Me disant qu’il valait mieux pour moi de faire co-voiturage avec toi plutôt que de «confisquer» la voiture de ma femme. La mienne étant souvent en panne. Te souviens-tu de la première fois ? Tu es arrivé, pile à l’heure ; tu as appelé et tu t’es garé devant la porte. Comme à mes habitudes, je t’ai crié dessus. Pas par colère, mais par passion : «Oumar, tu n’es pas mon chauffeur. Descends de cette voiture, entres, et viens partager avec moi le petit déjeuner.» Ce fut un beau moment.

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Le jour du meeting de clôture, à Dakar, nous y sommes allés ensemble. Mais avant, tu as tenu à m’inviter à déjeuner. Dans «ton» resto, au point E. Tu m’as taquiné, lorsque je t’ai dit que je ne mangerai que du poisson. Pas de viande, surtout celle rouge ; car nous commençons à prendre de l’âge et devrions veiller à manger moins ce que nous aimons et plus ce qui nous protège. Je retournerai à ce restaurant pour encore penser à toi.

Désormais, à chaque fois que je prendrais mon petit-déjeuner, je songerais aussi à toi.

Il paraît que tu étais hier à l’investiture du Pr à Diamniadio. Comme si tu tenais à t’assurer de la plénitude et de l’accomplissement de ta mission. Jusqu’au bout. Avant que de partir.

Tu aimais tellement ta fille aînée. Sa photo avec toi, toujours sur ton profil Whatsapp. Je te taquinais en te disant: «Fais gaffe, on pourrait croire que c’est ta copine.» Je peux dire sans me tromper, que tu étais le meilleur, sinon l’un des meilleurs parmi nous. Et c’est toi qui es parti.

J’ai pris la nouvelle de ton départ comme un mauvais poisson d’avril. Je n’y ai point cru. Je m’excuse même auprès de Kounta, notre collègue, que j’ai appelé au téléphone. Je l’ai acculé et accusé de jouer au vieux fou qui s’amuse à verser dans des blagues malvenues via le fameux poisson d’avril. Calmement, sereinement et plein de pédagogie, Kounta me dit : «Mamadou, je suis là, à la mosquée de Fith-Mith. Avec d’autres collègues. Oumar est réellement décédé.» En arrière-plan, j’entendais effectivement les murmures et les bribes de prières via une sonorisation plutôt typique de nos mosquées.

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Je m’effondrai!

Par la suite je me suis traîné jusqu’à ma voiture souvent en panne, qui me fit à nouveau penser à toi. Je me rendis vite fait à la mosquée. Je te vis par la suite étendu, avec juste quelques bouts de tissus qui recouvraient ton corps couché sur une planche en bois.

Après la prière mortuaire, je me résolus à ne point t’accompagner jusqu’à ta dernière demeure. Je ne pouvais pas. Je ne voulais pas. Je décidai de rentrer. Mais je ne pus, non plus. Alors je pris ma voiture, qui encore refusa de démarrer. Et je pensai immédiatement à toi!

Mais facilement, dans cette banlieue généreuse, je bénéficiai de l’aide de plusieurs jeunes et, après quelques poussées, elle démarra. Je ne rentrais point. Je partis alors sur les routes de notre enfance et de notre jeunesse. Limamoulaye, ensuite Banque Islamique. Puis la plage. Désormais sans filaos ni dunes de sable. Je me garais enfin. Regardant l’infini de la mer et imaginant le fini de nos vies. Le téléphone sonna. C’est ma mère. Ma vieille et bienveillante mère. Elle m’appelait depuis la Mecque pour me dire qu’elle reviendrait demain. Je pensais à ton père, qui tout à l’heure peinait à prendre la parole devant son fils étendu, inerte, sous ses yeux. Et je me dis : que serait la peine de ma pauvre mère, si c’était moi qui étais parti ? Je lui demandai de prier pour toi depuis ce lieu saint. Elle acquiesça.

Bon voyage mon frère. A Dieu Oumar.

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Nous avons tous à apprendre de ta mort. Nous devons apprendre de ta vie !

Mamadou THIAM

Spécialiste en communication politique et publique 

Conseiller spécial du Président de la République

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