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Trop Repressif, Le SystÈme CarcÉral SÉnÉgalais ?

Commençons par la dernière affaire en date. Celle concernant l’élève Saer Kébé. Libéré il y a une semaine, celui-ci a regretté d’avoir menacé les ambassades des Etats-Unis et d’Israël de ses « foudres » en 2015.

Pour cette foucade sur les réseaux sociaux requalifiée en « apologie du terrorisme », le jeune homme a été condamné à trois mois avec sursis après avoir passé quatre ans en détention provisoire. Il y a aussi l’affaire Ousseynou Diop. Tout aussi similaire, celle-ci a connu exactement le même dénouement : inculpation pour apologie du terrorisme suite à une publication sur les attentats de Paris, mandat de dépôt, quatre ans de détention provisoire, condamnation à trois mois avec sursis.

Poursuivi également pour « association de malfaiteurs et atteinte à la sûreté de l’Etat en relation avec une entreprise terroriste » et dans les liens de la détention depuis 2013, l’imam Boubacar Dianko n’a finalement « pris » qu’une peine de trois mois avec sursis. En juillet 2018, après trois ans passés en prison et un procès fleuve, l’imam Alioune Ndao, accusé de terrorisme, s’en sort avec une peine d’un mois avec sursis. On le voit donc, au-delà des chefs d’inculpation qu’elles ont en commun, ces quatre affaires ont eu bizarrement le même aboutissement : des peines légères. Au regard de la gravité des faits qui leur étaient reprochés, autant dire qu’ils s’en sont tirés à bon compte. Et s’il en est ainsi, on peut légitimement penser que c’est parce que les accusations pour lesquelles ils avaient été inculpés n’étaient pas assez solides.

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Et pourtant, Saer Kébé, Ousseynou Diop, imam Alioune et imam Boubacar Dianko auront passé plusieurs années en prison avant que le tribunal ne se rende compte qu’en réalité, les charges n’étaient pas assez lourdes. Ce qui laisse croire que s’ils avaient été jugés vite, ils n’auraient pas perdu entre trois, quatre et six ans de leur vie en prison. Comme Saer Kébé, Ousseynou Diop, imam Alioune Ndao et imam Boubacar Dianko, ils sont nombreux ces Sénégalais qui croupissent en prison depuis des années dans l’attente d’un procès qui, s’il se tenait, les aurait peut-être disculpés ou condamnés à une peine moins longue. Encore la question des lourdeurs administratives et surtout des longues détentions provisoires. C’est devenu tellement préoccupant que lorsqu’une radio l’a questionné sur ses priorités à la tête du département de la Justice, le nouveau ministre Malick Sall a martelé : « le problème des longues détentions provisoires ».

Tout est dit. Il faut le dire, les longues détentions provisoires sont à la limite de la violation des droits de l’Homme. Le Sénégal ayant été l’un des premiers pays africains, notamment francophone, à ratifier le protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations unies contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Opcat) en octobre 2006, et à mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture, appelé Observateur national des lieux de privation de liberté, les autorités ne doivent pas laisser cette situation perdurer. Ce n’est pas pour rien que la justice est symbolisée par une balance. La justice est fondée sur la recherche du juste équilibre, du juste milieu. Hélas, au Sénégal, on a l’impression que cette balance penche, le plus souvent, du côté de la répression. En principe, tout suspect est présumé innocent, mais sous nos cieux, on semble vivre le contraire : tout suspect est présumé coupable.

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Le mandat de dépôt devenant ainsi la règle. Faut-il alors s’étonner de la surpopulation de nos prisons ? L’emprisonnement doit être considéré comme une sanction de dernier recours. En effet, il existe de nombreuses mesures pour éviter l’incarcération, et ce, à tous les stades de la procédure pénale. Mais, apparemment, ces mesures restent insuffisamment utilisées comme réelle alternative à la prison, qui reste la peine de référence. Contrôle judiciaire, assignation à résidence, travail d’intérêt général, aménagement de peine qui se déclinent en libération conditionnelle, placement à l’extérieur, semi-liberté sont autant d’alternatives à la « prisonnalisation » à outrance… Ces sanctions alternatives auraient deux mérites : désengorger les prisons et diminuer la charge de travail des juges d’instruction.







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