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Le Roman Noir De La Chute Du Chef En Afrique

Le Roman Noir De La Chute Du Chef En Afrique

Coups d’Etat, emprisonnements, assassinats ont été le lot de nombre de présidents déchus, obligeant certains à s’y accrocher comme à une bouée de sauvetage. Mais la donne change et, presque partout en Afrique, les anciens chefs d’Etat ont, de plus en plus, un statut enviable.

La trame est romanesque, mais l’histoire de cet ancien président africain racontée par l’hebdomadaire parisien Jeune Afrique est bien réelle. Dans son lointain exil, des années après sa chute, cet ancien chef d’un Etat d’Afrique centrale continua de parapher lois et décrets, promotions et limogeages, sur son papier à entête. En désespoir de cause, après avoir nommé son chauffeur et son cuisinier au sein de son cabinet fantôme, notre homme finit par signer sa propre destitution. Le fond de cette histoire est, sans doute, pathétique, mais ce personnage décrit par l’hebdomadaire comme un grand amateur de nœuds papillons, était passé directement de l’ivresse du palais présidentiel à la cellule de dégrisement après avoir été renversé par un coup d’Etat. Sans le moindre sevrage assisté. L’après pouvoir est un véritable casse-tête pour nombre de chefs d’Etat. En Afrique, le saut depuis l’Himalaya de la toute-puissance qui s’attache à l’exercice du pouvoir est une vraie dramaturgie tant il ouvre la porte à un atterrissage dans l’inconnu.

De plus en plus, grâce à un statut taillé sur mesure dans de magnanimes Constitutions, le président déchu fait le saut bien sanglé dans un douillet parachute. Malheureusement, la chute est parfois mortelle pour ces anciens chefs d’Etat rattrapés par les turpitudes de leur passage au pouvoir. L’équation n’est pas simple : comment encourager les dirigeants en place à abandonner démocratiquement leurs fonctions au terme de leur mandat ? Comment les dissuader de tripatouiller la Constitution de leur pays pour s’ouvrir des boulevards d’éternité aux commandes ? Le constat est sans appel. L’éviction de Robert Mugabe (94 ans), qui a quitté le pouvoir après près de trente ans, a été un message fort, sans être encore un déclic. Emmerson Mnangagwa, son tombeur, est, pour l’instant, le seul à avoir réussi à faire chuter de son fauteuil un des vieux leaders du continent. Ils sont encore nombreux à être solidement accrochés à leur rocher national. On peut citer le Camerounais Paul Biya (86 ans, depuis 37 ans au pouvoir), l’Equato-guinéen Teodoro Obiang Nguema (77 ans, depuis 40 ans au pouvoir), le Djiboutien Ismaïl Omar Guelleh (né en novembre 1946, au pouvoir depuis 1999), Denis SassouNguesso au pouvoir depuis plus de vingt ans au Congo-Brazzaville, Paul Kagame au Rwanda ou encore Idriss Déby Itno qui se sont arrangés avec leur Constitution pour se représenter autant qu’ils le désirent. La Constitution de beaucoup de pays africains interdit normalement aux présidents de se présenter pour un troisième mandat consécutif. Mais, pour pouvoir rester au pouvoir, plusieurs d’entre eux ont fait voter une révision constitutionnelle.

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MORT, EXIL, PRISON

Nombre de dirigeants ne veulent se résoudre à envisager une vie post-présidentielle. L’actualité rebondit aujourd’hui sur le cas du président algérien Abdelaziz Bouteflika qui vient de fêter ses vingt ans de règne, avant d’être contraint par la rue à ne pas briguer un « dernier » mandat. Ivresse du pouvoir ? Peur du jour d’après ? L’histoire rend compte de lendemains troubles pour certains chefs d’Etat tombés de Charybde en Scylla le temps d’une élection ou d’un… coup d’Etat. En effet, l’utilisation de la violence au moment du transfert du pouvoir est sans conteste un des symptômes de l’Etat en Afrique. Un phénomène dû, le plus souvent, au contrôle de l’Etat et de ses ressources par un seul homme et son clan. Les coups d’Etat sont ainsi le mode d’alternance le plus utilisé en Afrique depuis l’indépendance. Près de 200 coups d’Etat, réussis ou ratés, ont été dénombrés sur le continent. Cette abrupte interruption du pouvoir n’assure pas des lendemains meilleurs aux déchus. La mort, la prison, l’exil et l’errance sont le lot de ces « damnés du pouvoir ». Huit anciens présidents ont été exécutés par leur successeur.

De fait, nombre d’anciens présidents sont perçus comme des menaces par le nouveau chef d’Etat à cause de leur popularité, de leur fortune ou de leur influence politique. Joseph-Désiré Mobutu qui accède au pouvoir le 24 novembre 1965 à la suite d’un coup d’Etat contre Joseph Kasa-Vubu, le premier président de l’ancien Congo Belge, est à son tour renversé par Laurent-Désiré Kabila le 17 mai 1997 avant de mourir en exil à Rabat d’un cancer de la prostate quatre mois après sa chute. Samuel Doe (Libéria), Sylvanus Olympio (Togo), François Tombalbaye (Tchad), Thomas Sankara (Burkina Faso) n’ont pas été plus heureux au moment de la perte du pouvoir, avec des lieux de sépulture clandestine choisis par les nouveaux gouvernements. Il faut noter, pour adoucir le tableau, qu’une douzaine de présidents africains ont quitté le pouvoir de leur propre gré et, parfois, avant terme. C’est le cas de Joseph Ankrah (Ghana), et John B. Vorster (Afrique du sud) à la suite d’un scandale.

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Léopold Senghor, Julius Nyerere (Tanzanie), Ahmadou Ahidjo (Cameroun), Ibrahim Babangida (Nigéria), Pieter Botha (Afrique du sud), Siaka Stevens (Sierra Léone), etc. Huit militaires ont rendu le pouvoir aux civils dont Jerry Rawlings (Ghana) et Olesegun Obasanjo (Nigéria). Il s’y ajoute que le nombre de présidents qui ont quitté le pouvoir après une défaite électorale a considérablement grossi ces dernières années. Fin décembre 2016, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (Mpla), dirigé par José Eduardo dos Santos, choisit João Lourenço, ministre de la Défense, comme candidat à la présidence lors des élections générales d’août 2017. En février 2017, dos Santos déclare officiellement qu’il n’est pas candidat à la présidence.

L’ancien président a fait, le 8 septembre 2018, ses adieux à la vie politique en Angola qu’il a gouverné pendant près de quarante ans. Goodluck Jonathan, président du Nigeria de 2010 à 2015, a reconnu sa défaite au cours des élections de 2015 et a cédé son fauteuil pour une transition pacifique. Joyce Banda est arrivée au pouvoir après la mort soudaine du président Bingu Wa Mutharika en 2012. Quatrième président du Malawi et première femme présidente, elle a été largement battue à l’élection présidentielle en mai 2014. On peut ajouter à cette liste Abdou Diouf et Abdoulaye Wade au Sénégal, Nicéphore Soglo au Bénin, Pierre Buyoya au Burundi, Mathieu Kérékou au Bénin et André Kolingba en République centrafricaine. On ne le dit pas assez, mais de la Centrafrique à la Mauritanie, en passant par la Guinée-Bissau, Madagascar et la Guinée-Conakry, la plupart des putschs survenus après la déclaration d’Alger sont moins l’expression nue d’une ambition personnelle que le point d’orgue d’une crise politique et institutionnelle aiguë, dont le dénouement, extra-électoral et donc en violation de la Constitution, est le plus souvent conforme aux espérances de la population.

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RESPIRATION DÉMOCRATIQUE

Les penchants despotiques de certains chefs pourtant démocratiquement élus et la mal-gouvernance rendent parfois insupportables l’exercice de leur pouvoir. Certains parmi les plus sérieux d’entre eux vont jusqu’à modifier les Constitutions pour bénéficier d’un « bail » à vie. Or, la présence indéterminée du même homme au pouvoir, sous couvert de volonté populaire minutieusement orchestrée, finit toujours par devenir un facteur d’instabilité aussi fort qu’un tripatouillage électoral. Koffi Annan, ancien secrétaire général de l’Onu, ne se lassait pas de chercher à convaincre les détenteurs de pouvoir qu’« il n’existe pas de sagesse plus vraie » et que « rien n’est plus clairement la marque d’un homme d’État que de savoir quand passer le flambeau à une nouvelle génération ». L’alternance est, en effet, une respiration démocratique







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