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Les Brics Existent-ils Encore ?

Nom de scène de cinq pays émergents, l’acronyme anglais Brics désigne le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud ; des nations à forte croissance économique et dont le poids dans l’économie mondiale a commencé à augmenter à partir de 2000. Ensemble, ils représentent plus de 25 % du Pib mondial pour 45 % de la population de la planète (3 milliards de personnes). Même si ces pays au niveau de développement et caractéristiques économiques différents ne constituent pas une entité homogène, ils militent pour un monde multipolaire et contestent « le monopole occidental sur la puissance et le rôle du dollar comme monnaie d’échange internationale ».

Tenant un sommet annuel depuis 2011, les Brics ont lancé, en 2014, à Fortaleza, au Brésil, la création d’une banque de développement au capital de 50 milliards de dollars basée à Shanghaï et d’un fonds de réserve de 100 milliards de dollars pour intervenir en cas de crise de balance des paiements. Se positionnant donc comme une sorte de « contre G7 », cette alliance économique, et de plus en plus politique, est devenue un cadre alternatif attrayant pour beaucoup de pays à travers le monde. Dès lors, elle sera perçue comme un objectif géopolitique prioritaire à neutraliser pour les Etats-Unis et le camp occidental. Ainsi, ces derniers ont poursuivi, par divers moyens (sanctions, déploiement de forces aux frontières…), leurs tentatives d’affaiblir leurs deux rivaux géopolitiques majeurs au sein des Brics que sont la Russie et la Chine.

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Cherchant à exploiter les vulnérabilités des Brics (et il en existe), Washington a lancé une « attaque » en jouant sur la vieille rivalité sino-indienne pour créer, en novembre 2017, le Quad (Quadrilateral security dialogue) groupe qui regroupait les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie. Son objectif : contenir la Chine sur le théâtre indopacifique avec les dommages collatéraux attendus sur les Brics en cas de détérioration des relations entre l’Inde et la Chine.

Toutefois, les résultats obtenus furent mitigés à cause d’un manque d’emballement de l’Inde et même d’une stabilisation prometteuse des relations entre New Delhi et Beijing grâce à l’intermédiation de la Russie Mais, la fenêtre de tir idéale contre les Brics s’ouvrira pour les Etats-Unis avec l’élection, au Brésil, d’un président de droite, Jair Bolsonaro, dont les idées sont très proches de celles de Trump. Ayant pris fonction à partir du 1er janvier 2019, le nouveau président brésilien avait déclaré, pendant sa campagne électorale, vouloir contrer l’influence croissante de la Chine dans son pays. Ceci coïncide avec la volonté de Trump de bloquer l’initiative chinoise « Une ceinture, une route » (Bri).

S’étant prononcé pour le réalignement du « Brésil sur d’autres économies plus avancées plutôt qu’avec des alliés régionaux », Bolsonaro avait aussi promis « d’établir des liens étroits avec Washington après une décennie de distance marquée par les présidents de gauche, Luis Inacio Lula da Silva (2003-2010), puis Dilma Rousseff (2011-2016) ». Ce faisant, il laisse donc entendre qu’il serait plus intéressé par le renforcement des relations de son pays avec les Etats-Unis et l’Ue qu’avec les Brics. Pourtant un tiers des exportations brésiliennes va vers la Chine, sans parler du projet de chemin de fer transocéanique initié par l’Empire du milieu. Il lui sera ainsi difficile de réorienter sans dommages ces relations économiques vers d’autres pays surtout que la Chine et l’Inde sont des marchés en pleine croissance. Bolsonaro ne cache pas son admiration pour Trump et a déclaré, lors de sa visite officielle aux Etats-Unis, en mars dernier, espérer « articuler une position pro-étasunienne et renforcer les relations commerciales et la coopération diplomatique ».

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Quant à son homologue américain, il dit envisager l’adhésion du Brésil à l’Otan ou à une autre alliance officielle. Toutefois, un bémol a été apporté à cet enthousiasme avec la levée de boucliers au sein de l’armée brésilienne lorsque Bolsonaro a évoqué l’éventualité d’une base militaire américaine au Brésil. Cette volonté de réorienter les relations du Brésil a été dénoncée par Celso Amorim, ancien ministre brésilien des Affaires étrangères sous Lula et de la Défense sous Dilma Rousseff, qui parle de « déconstruction du multilatéralisme ».

Concernant l’Afrique du Sud, depuis l’arrivée au pouvoir de Cyril Ramaphosa, le 14 février 2018, et la réorientation néolibérale du pays, on craint un certain décrochage d’avec les Brics qui risquent de devenir les Ric (Russie, Inde, Chine). Et ce sera là un beau coup géopolitique pour les Etats-Unis. Mais, attendons de voir la posture du Brésil et de l’Afrique du Sud lors des prochaines rencontres des Brics.







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