Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Esclavages…

Tous les ingrédients du fait-divers sont réunis. Un site web de ce qu’il y a de plus, disons crédible, dans la webosphère sénégalaise met en ligne « l’info », des individus forcément louches qui creusent nuitamment des… tombes sur le terre-plein du rond-point « Abdoul Aziz Sy Dabakh », carrefour du Point-E à Dakar, « un colonel qui serait le maître d’œuvre » de la funeste besogne (que ne ferait-on pas pour étrenner des étoiles de général, se demandèrent, « africainement » des internautes), des échanges musclés avec quelques témoins, le maire qui s’en va naturellement quérir la police du quatrième arrondissement.

Reprise sur les réseaux sociaux, la mèche de la « dynamite » avait commencé à faire pschiittt… Vérification faite, c’est justement la sûreté nationale qui installait ses caméras de surveillance, comme on l’a constaté sur plusieurs axes routiers et autres avenues passantes de la capitale depuis quelques temps. Le bug social qu’engendre le mauvaise usage du numérique, ce ne sont pas seulement les fausses nouvelles et des sites d’information banals qui les entretiennent, c’est aussi la chaleur perdue des relations humaines, l’individualisme qu’engendre le téléphone portable et le rabaissement qu’il engendre. On ne se regarde plus. Les gens ont les yeux rivés sur leur appareil. Dans les foyers, dans la rue, les transports en commun, des sortes de mutants vivent dans leur bulle, comme des ermites, de plus en plus éloignés de toute sociabilité. Un peu partout à travers le monde (disons là où il y a assez de richesse et de technologie pour utiliser un téléphone de nouvelle génération), les sociologues retournent la question dans tous les sens : que sommes-nous devenus ?

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Le nouveau code linguistique des branchés désigne par « smombies » (association entre smartphone et zombies), ces accros du téléphone qui vivent entre Facebook et WhatsApp, oubliant de travailler, de réfléchir, de regarder leur entourage ; oubliant jusqu’à leur situation géographique ou les dangers qui peuvent les menacer. Si les hommes ne se regardent plus, pour espérer se voir, comment pourraient-ils en plus se parler par la seule interface d’un bidule et prétendre communiquer en « humains » ? L’homme a maintenant les yeux baissés. Or, il n’a été grand et vraiment porteur d’humanité que quand il a jeté son regard au loin. Il n’a été inventif que quand il a levé les yeux pour observer la Nature ; n’a été ambitieux que quand il a levé les yeux pour se comparer à Autrui, pour établir des standings lui permettant d’apprécier sa propre condition pour mieux l’améliorer ; il n’a été conquérant que quand il a levé les yeux vers l’horizon et pressenti qu’il y avait bien quelque chose de l’autre côté de la grande bleue ; il n’a été artiste que quand il a levé les yeux pour observer la régularité des traits, pouvoir saisir le beau, et ouvrir ses sens pour saisir les harmonies des sons. Et son insatiable désir de conquête de l’espace, là-haut, très haut, n’est que la conséquence de son regard vers les étoiles. Et pour tout dire, il n’est devenu vraiment Homme, à en croire les paléontologues, que quand il s’est redressé, contrairement à son lointain et innommable cousin…

Le téléphone portable est devenu une continuation du corps, donc de soi. Utile, voire incontournable, est-il pour autant obligatoire dans tous les instants de notre séquence terrestre ? Si les bienfaits de la révolution numérique sont attestés par les opportunités qu’elle offre en communication interpersonnelle, en partage de connaissances, en santé, en éducation ou en agriculture, sans parler de son pendant entrepreneurial, il n’en demeure pas moins vrai qu’un paradoxe patent ressort de la déshumanisation qu’elle entraîne.

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Paradoxe, car elle « tue » la communication originelle, la parole fondatrice. Paradoxe, car censée rehausser l’Homme, elle le plonge dans le déni de réalité. Pire, elle le rabaisse, toutes choses égales ailleurs, à l’état d’agent marketing sous l’influence de créateurs de « besoins inutiles ». Récemment, la logique capitaliste qui sous-tendait le formidable réseau de Mark Zuckerberg est apparue avec le scandale de Cambridge Analytica qui a acheté les données de 87 millions d’usagers pour les revendre aux fins d’influencer le vote d’électeurs. Nous-mêmes, nos idées, nos opinions, sommes devenus un package de marchandises. Vendus à des inconnus on ne sait à quel prix et vers quelle destination. Pourquoi pensez-vous à un certain commerce triangulaire ?







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