La question taraude l’esprit des initiés qui ne manquent pas d’arguments. Lors du dernier championnat d’Afrique disputé à Asaba, au Nigéria, en août 2018, notre pays n’a pu décrocher la moindre médaille.
Rayé depuis quelques années des tablettes des distinctions annuelles des sportifs sénégalais comme le grand rendez-vous annuel de l’Association nationale de la presse sportive (Anps) dont il était abonné, c’est un doux euphémisme de dire que l’athlétisme sénégalais va mal. Ces flops historiques sont révélateurs de l’état de délabrement de la première discipline olympique au pays d’Amadou Dia Bâ (médaillé d’argent sur 400 m haies aux Jeux olympiques de Séoul en 1988) et d’Ami Mbacké Thiam (championne du monde du 400 m en 2001 à Edmonton). L’histoire récente de l’athlétisme sénégalais empile les déceptions. Les fleurs n’ont jamais été à la hauteur des promesses. Juste avant les Jeux olympiques de Londres en 2012, les médailles glanées au championnat d’Afrique disputé à Porto Novo, au Bénin, avaient fait naître de réels espoirs.
La moisson était d’or. Le crash des Jeux olympiques de Londres et, surtout, l’échec de la tête de gondole Ndiss Kaba Badji (champion d’Afrique 2008 en triple saut et 2012 en longueur) ont semé les germes du déclin. Le changement de nationalité du très prometteur Mamadou Kassé Hanne (400 m haies) a sonné le glas d’une discipline jusqu’ici abonnée aux succès. Il est loin le temps où l’athlétisme trustait les podiums des différentes élections de la presse sénégalaise (Lion d’or du quotidien Le Soleil et meilleur sportif de l’année de l’Association nationale de la presse sportive (Anps). Jugez-en vous-même. Sportif sénégalais du siècle ? El Hadj Amadou Dia médaillé d’argent du 400 m haies aux Jeux olympiques de Séoul en 1988. Le Lion d’or a fait la part belle aux athlètes en 1986 (El Hadj Amadou Dia Bâ, 400 m haies), en 1989 (Moussa Fall), en 1995 Cheikh Tidiane Touré (longueur), en 1999 Tacko Diouf (400 m haies), en 2001 (Ami Mbacké Thiam, 400m, en 2003 (Kène Ndoye, triple saut), et en 2004 (Kène Ndoye, triple saut). Le Meilleur sportif de l’Anps a été aussi attribué en 2006 à Amy Mbacké Thiam, en 2008 à Ndiss Kaba Badji (triple saut et longueur), et en 2013 à Mamadou Kassé Hanne (400 m haies). Depuis 2013, l’athlétisme a disparu du palmarès des différentes distinctions sportives. Il faut dire que l’athlétisme sénégalais a connu deux âges d’or. Avant l’indépendance du Sénégal en 1960, ils étaient nombreux à s’être mis en évidence sur les pistes françaises.
Ainsi Pape Gallo Thiam, qui fut le premier Africain à dépasser la barre des 2 m en hauteur, a été champion de France en 1954 avec un saut de 1,91 m et en 1955 avec 1,95 m. Lamine Diack est aussi sacré champion de France du saut en longueur en 1958 avec un bond de 7,63 m. Il en est de même d’Abdou Sèye, double champion de France sur 100 m avec un chrono de 10’’5 et sur 200 m avec 21’’. Il fut le premier athlète d’Afrique occidentale à monter sur un podium olympique avec sa médaille de bronze sur 200 m avec un chrono de 21’’1 aux Jo de Rome en 1960. Le Sénégal indépendant a aussi connu de grands athlètes à l’image d’Amadou Gakou (quatrième du 400 m des Jeux olympiques de Mexico en 1968 avec un chrono de 45’’, record d’Afrique,). Il y a surtout les performances exceptionnelles de ces deux icônes fondamentales que sont El hadj Amadou Dia Bâ (médaillé d’argent aux 400m haies des Jeux olympiques de Séoul en 1988) et Ami Mbacké Thiam (championne du monde du 400 m avec un chrono de 49’’86 en 2001 à Edmonton).
Comment ne pas s’arrêter sur les excellents résultats de Kène Ndoye (médaillée de bronze au championnat du monde de Birmingham en 2003, médaillée d’or aux Jeux africains d’Abuja en 2003), de Tacko Diouf (championne et recordwoman du Sénégal du 400 m haies en 54’’75 en 1999, triple médaillée d’argent sur 400 m haies, 4×400 m et 100 m haies aux Jeux africains de Johannesburg en 1999) ou encore Ndiss Kaba Badji (champion d’Afrique au triple saut en 2008 avec un bond de 17,07 m, record du Sénégal et 2012 à Porto Novo à la longueur avec un saut de 8,04 m. Médaillé d’or des Jeux Africains d’Alger en 2007 et de Brazzaville en 2015). Habitué aux applaudissements, le championnat d’Afrique de Marrakech en 2014, avec une seule médaille dans la besace, était une véritable bérézina pour le Sénégal.
A Asaba, l’année dernière, le Sénégal a battu le record de… médiocrité sportive. Même s’il n’y a pas d’expérience humaine indépassable, comme dirait mon prof de sociologie à l’école de journalisme (Cesti), feu Oumar Diagne. Au rythme où courent, et sautent nos athlètes actuellement, l’inaccessibilité de certains records du Sénégal comme celui d’Amadou Gakou au 400 m, vieux de plus d’un demi-siècle (51 ans), risque de durer une éternité. Même si, en sport, l’espoir s’entretient par… l’effort.