Les déclarations du souverain pontife sont toujours scrutées sur le continent africain qui, statistiques à l’appui, représente l’avenir de la chrétienté. Tantôt Jean-Paul II invoque la mémoire d’Abraham devant des musulmans marocains, tantôt Benoît XVI s’oublie, sur le préservatif, dans un avion qui le conduit au Cameroun. Et voilà François qui s’est adressé, ce lundi au Vatican, aux artistes capillaires du Comité Saint Martin de Porrès – du nom du moine dominicain considéré comme le saint patron des coiffeurs, métis né d’une ancienne esclave péruvienne noire.
Moins anodins qu’il n’y paraît, les conseils pontificaux ne pouvaient que résonner dans des contrées africaines où les salons de capilliculture sont de véritables temples et où les enseignes constituent des œuvres d’art esthétiquement parentées aux icônes chrétiennes.
« Évitez la tentation des potins qui arrive facilement dans votre milieu » : voilà la substance de l’adresse du pape François aux coiffeurs et esthéticiens, à qui il conseille une pratique de leur profession « avec un style chrétien ».
Des salons de coiffure transformés en plateaux TV
Nul ne conteste que les prouesses des capilliculteurs et autres perruquiers relèvent parfois du miracle christique. Et tout le monde sait combien les salons sont des carrefours sociaux incontournables, sur un continent noir où fleurit l’expression « chacun son tour chez le coiffeur ». Dans ces espaces de détente chevelue et de souffrance capillaire s’affirment les identités à grand renfort de tissage, de tressage, de perruques ou de revendication « nappy ».
Les salons de coiffure ressemblent à ce point à des scènes théâtrales qu’ils deviennent même des plateaux de télévision. En 2015, une société de production de République démocratique du Congo et la chaîne A+ élaboraient l’émission de télé-réalité « Koiffure Kitoko ». Côté fiction, la web-série humoristique « Barber Show », de Hugues Lawson-Body, plonge l’internaute au cœur d’un salon afro du quartier parisien de Strasbourg-Saint-Denis. Quant au « barbershop » télévisuel du quartier voisin de Château d’eau, fief de la diaspora africaine, il est géré par un personnage au surnom qui plairait sans doute au Pape : « Grand Prêtre ». Mauvais coiffeur mais grand… bavard.
Le pape François devrait donc se méfier des lieux communs sur les commérages des artistes capillaires. À moins qu’il ne tienne le même discours aux taximen…