Que peut-on négocier avec celui qui réclame en 2019 l’indépendance, veut « libérer la Casamance des envahisseurs sénégalais… » et qui « ne veut autre chose que de précipiter le départ du Sénégal de la Casamance… »? Rien ! Absolument rien !
A y regarder de près, il apparaît que depuis 2001-2002, les régimes dits d’alternance ont mené des politiques catastrophiques de gestion de la « crise » casamançaise. C’est d’abord l’échec de la promesse électorale de Me Wade de « ramener la paix en Casamance en 100 jours » s’il était élu. En effet, après un état de grâce de quelques mois, la région sud connut des moments des plus tragiques depuis les années de braises de 90, avec des attaques répétées et mortelles sur les routes, des militaires enlevés puis libérés, etc.
La « colombe » Wade devint un fervent va-en-guerre avec des conseillers qui lui soufflent dans l’oreille que ces « gens-là ne connaissent que la méthode forte » ; qu’il faut déverser sur eux des déluges de feu pour les éradiquer, et patati et patata ! La chose apparaît plus facile à théoriser dans les salons dakarois que dans le maquis. Devant la résistance inattendue du MFDC, le gouvernement du Sénégal va même (suprême honte !) « sous-traiter » avec la Guinée Bissau la guerre contre le maquis. Feu le général Tag Na Ma We lance ses troupes du côté guinéen contre les positions et camps de l’Etat major du MFDC et choisissent le camp de César Atoute Badiatte contre la tête de turc Salif Sadio. Ce dernier, pour échapper à la mort quitte le sud pour sa zone originelle, le nord avec ses fidèles. Ainsi sont nées les différentes factions du maquis que l’on connaît aujourd’hui.
Ainsi, on n’a pas « éradiqué » les maquisards mais on a réussi à multiplier les « fronts » et les adversaires. Et depuis, on court derrière une chimère: « réunifier le maquis pour qu’il parle d’une seule voix » à la table de négociations avec le gouvernement. C’est une douce utopie que véhiculent les différents intermédiaires et autres facilitateurs. Parce que voyez-vous, entre Salif Sadio et le reste du maquis, c’est un « mortal kombat ». Salif Sadio se vengera à la première occasion contre ses frères ennemis qui l’ont chassé du Front sud et failli le tuer avec la complicité de la Guinée Bissau qui a fait la sale besogne. Par ailleurs, aucun des autres héros n’acceptera plus d’être sous les ordres de Salif Sadio, et ce dernier, n’acceptera que la reddition totale des autres. Voilà pourquoi c’est une utopie que de lier les négociations à la réunification du maquis.
Pour notre part, pour avoir échangé très souvent avec certains d’entre eux, je soutiens depuis 2002 que faire dépendre les négociations à la réunification, c’est repousser la paix aux calendes …sénégalaises. On ne négocie avec ceux qui acceptent de négocier, on signe des accords avec eux. Accords qu’on respecte et qu’on met en œuvre pour attester de sa sincérité et de sa bonne volonté à rendre effective la paix. Et servir d’exemple aux récalcitrants.
Trente sept ans de guerre haute et basse intensité selon les circonstances, montrent au moins une chose : on peut vivre dans la forêt, de la forêt et survivre aux assauts des forces militaires au gré des régimes politiques. Vivre de la forêt, dans la forêt, c’est vivre avec ses ressources naturelles : des cours d’eau pour pêcher et cultiver, des arbres fruitiers pour commercer, et autres activités illicites mais oh combien rentables. Et puis, c’est connu, la guerre secrète toutes sortes de trafics et autres activités en marge de la légalité : trafic d’armes, culture et trafic de drogue, trafic de bois… Bref toutes les saloperies qui vont si bien avec les guerres et les nourrit.
Alors, la lucidité voudrait qu’on sorte d’un schéma qui échoue depuis dix sept ans. Cela signifie négocier avec ceux qui acceptent de négocier ici et maintenant, isoler, continuer à discuter, voire à combattre les résidus de va-en-guerre.
Bref, il faut accélérer la cadence de la paix. Ou comme on dit maintenant pour son dernier quinquennat : « fast traker » la paix. Quel bilan, quelle victoire ce serait pour le président s’il réussissait là où ses deux prédécesseurs ont échoué : gagner la paix en mettant fin à une guerre de 37 ans qui a figé dans une crise dévastatrice la région sud du pays. Le pays n’en n’émergera que plus vite.