Des tonnes de talent. Une cuillerée de pressing. Une dose d’insouciance. Un soupçon d’insolence. Un zeste de plaisir. Une once de spectacle. Remuez et servez chaud. C’est la recette proposée par l’Ajax version 2019 du coach Erik Ten Hag. Le mets est tellement copieux qu’il a provoqué la somnolence d’ogres boulimiques comme le Réal de Madrid, détenteur du record de victoires en Ligue des champions (13) et triple champion d’Europe en titre en 8ème de finale et la Juventus de Turin (4) de l’insatiable buteur Christiano Ronaldo.
A l’heure de l’ultra-réalisme, le football champagne proposé par Matthijs De Ligt (capitaine), Frenkie de Jong, Donny Van De Beek, le Camerounais André Onana (gardien de but), les Marocains Noussair Mazraoui et Hakeem Zyech, ou encore le Serbe Dusan Tadic est des plus convaincants. Des plus positifs. D’aucuns n’hésitent pas d’ailleurs à comparer le jeu proposé au « Football Total » des années 1970 avec, à la baguette, l’entraîneur Rinus Michel (puis le Roumain Stefan Kovacs), avec comme animateurs Johan Cruyff (disparu en 2016), Piet Keizer, John Neeskens, et autres Harie Hann. Cet Ajax-là avait vampirisé la Coupe d’Europe des clubs champions (Vainqueur en 1971,1972 et 1973). Mais, c’est quoi au juste ce Football Total tant chanté, tant vanté ? C’était totalement foot ! Un souffle de folie qui a parcouru le monde comme une danse autour du ballon, avec un corps d’esthète et d’athlète. C’était au début des années 1970, même si, jusqu’à ce jour, l’écho rafraîchissant enchante les puristes. En ces temps-là, une équipe exerce sa mainmise sur les compétitions européennes des clubs.
L’Ajax d’Amsterdam, avec un coach presque inconnu au bataillon des stratèges du football mais aux idées révolutionnaires, Rinus Michels, est triomphant. Le Real de Madrid, l’Inter de Milan et les autres grands clubs du Vieux continent sont submergés par ce football « made in Pays Bas ». Le catenaccio d’Helenio Herrera, efficace avec l’Inter de Milan dans les années 1960, est rangé dans l’armoire aux souvenirs. En Europe, le ballon rond est à la sauce « Football Total ». Le coach néerlandais met en place des schémas de jeu où l’attaque, la vitesse et l’exploitation des espaces donnent le tournis aux adversaires. Les talents individuels, avec en tête son joueur fétiche, le légendaire Johan Ruff, et d’autres stars comme Ruud Krol, Johan Neeskens, Harie Hann et Suurbrier, sont mis au service d’un collectif huilé. « Tout le monde était en mouvement, mais avec une coordination parfaite. En 1967, tous les joueurs de l’Ajax étaient capables d’inter-changer leurs positions », explique Rinus Michels. Plus prosaïquement, « tout le monde attaque, tout le monde défend ». Plus facile à dire qu’à faire. Ce label, cette tactique exige beaucoup d’engagement, d’abnégation et, surtout, des tonnes de talent.
Résultat : l’entraîneur hollandais, Rinus Michels, et le club phare des Pays Bas, l’Ajax, planent sur la coupe d’Europe des clubs champions, l’ancêtre de la Ligue des champions (vainqueur en 1971, 1972, 1973). Les principes de jeu du label Ajax s’inspirent de la patience, la recherche inlassable de la meilleure solution en redoublant de passes. Ils ont survécu à Rinus Michels. Parmi les anciens joueurs sous sa responsabilité, Johan Cruyff, Van Basten, Rijkaard et autres Van Gaal sont, par la suite, devenus des coaches à succès. Le « père du football néerlandais », le créateur, l’inventeur du « Football Total », Rinus Michels, a été élu, en 1999, par la Fifa, entraîneur du siècle dernier. Et devant d’autres géants du coaching ! Suprême hommage à un parangon du football offensif.
Totalement d’accord. Car ce coach (disparu en mars 2005), grâce à qui le « Football Total » a mis fin, dans les années 1970, à la mainmise des clubs espagnols et italiens sur les compétitions européennes et, surtout, permis aux Pays Bas de remporter son seul titre international (la coupe d’Europe des nations en 1988), a beaucoup influencé l’évolution du football. Il a marqué son histoire. Avec cette jeune garde de l’Ajax triomphante qui a fait souffler un vent de fraîcheur sur l’Europe, le Football Total est il de retour ?
Difficile à dire, surtout si l’on en croit l’un de leurs illustres prédécesseurs le triple ballon d’or (1971, 1973,1974) Johan Cruyff qui a décrété que « le grand Ajax des seventies est mort ». Soit. Mais, il n’aurait certainement pas renié ce jeu où le romantisme est érigé en valeur absolue, concocté par cet Ajax demi-finaliste (vainqueur à l’aller de Totthenam 1-0) et probable finaliste de la Ligue des champions 2019.