En observant la correspondance entre la croissance économique potentielle liée à l’évolution de la pyramide des âges d’une population, principalement lorsque la proportion de la population active est supérieure à celle des personnes n’étant pas ou plus en âge de travailler, la plupart des économistes en sont arrivés à la conclusion que le progrès social de nos pays est compromis par la jeunesse de nos populations. En clair, toujours plus de jeunes réclameront encore plus à des actifs de plus en plus minoritaires au sein de la population globale.
Et l’Etat Providence consacrera toujours plus d’argent à soigner, nourrir, éduquer, partager, sans élargir justement les bases de cette manne. D’autres, dans une vision plus « politique », adossés à des référents culturels ayant argument d’autorité, estiment que la croissance rapide de la population africaine est une aubaine pour nos Etats. Que si la Chine, l’Inde ou le Nigéria sont respectés, c’est avant tout en raison de leur poids démographique. Que « Dieu nourrisse toute bouche qu’Il apporte à la vie ».
Pour tentante que soit « la route de la soie » idéologique qui résume de manière simpliste l’exemple chinois, la nuance s’impose en raison de la diversité des trajectoires qui ont mené certains pays à assimiler le modèle capitaliste après une industrialisation et des politiques dirigistes menées la trique à la main et la contraception forcée… Le Sénégal vit cette contradiction. La population y est très jeune, avec ses 19,07 % qui ont de zéro à cinq ans, selon le recensement national effectué en 2017. Dans la même enquête nationale, 63,08 % de la population sénégalaise a de zéro à vingt-cinq ans.
Les corollaires de la croissance démographique se déclinent en besoins sociaux toujours plus importants, en nombre croissant d’arrivées annuelles sur le marché de l’emploi et en nécessité de créer des dizaines de milliers d’emplois, et pas n’importe lesquels. Corollaires qui ont aussi pour noms mauvaise qualité de la formation, montée de l’insécurité, urbanisation chaotique, déséquilibres territoriaux, et surtout, argent public consacré à la solidarité à l’endroit des jeunes et des défavorisés au détriment des investissements productifs. Or, même si, comme disent « les natalistes », « investir sur l’Homme est le meilleur placement », il est clair que les prochaines années ne feront pas apparaître de nouvelles terres (agriculture), que peu de nouveaux gisements et presque pas de nouveaux parcs naturels (tourisme).
Et pour reprendre « Les Affaires », magazine canadien dans une thématique sur l’Afrique, « la clé du succès économique de l’Afrique réside dans sa révolution industrielle, en particulier l’essor d’une industrie manufacturière, transformatrice par valorisation de ses produits et l’accélération du transfert de technologies pour réduire la taille des accessoires des plus simples (mercerie, habillement, montres…) bien réalisables sur place mais toujours importés (aiguilles, machines à coudre, montres, ordinateurs, friperie, alimentation jusqu’aux tracteurs). On le ressasse depuis des décennies, mais l’heure semble proche où nos Etats passeront de « l’embarras du choix » des options en raison de la nouvelle attractivité du continent à « l’ajustement démographique » rendu incontournable par l’ampleur des contradictions qu’ils affronteront. Si le nouvel élan porté par les nouveaux penseurs de l’Afrique « décomplexée », -et « qui n’a rien à développer » selon des paradigmes extérieurs-, soulage les intellectuels, il n’est pas encore assez fort, ou du moins pas assez ancré dans la réalité, pour porter le changement de mentalités, cette fameuse « mentalité » que d’aucuns considèrent comme la vraie raison de notre déconnexion à la culture économique. Un axiome, apparemment difficile à démontrer, tente de faire croire qu’à cause d’Internet et de l’eldorado numérique, nos pays seraient sur la même ligne de départ que les autres Etats en lice dans la féroce concurrence qui s’amplifie entre les Nations et dont rien ne présage la fin. Rien ne semble plus éloigné de la réalité. Ce sont un essor agricole sans précédent, une révolution industrielle et une explosion démographique qui ont fait décoller l’Europe. Dans d’autres zones de prospérité comme en Asie du Sud-Est ou dans certains pays africains (Ile Maurice, Botswana), d’autres pré-requis ont été obtenus avant leur mise sur piste d’envol. Ici en Afrique de l’Ouest, un seul de ces facteurs (la croissance de la population) est de mise. Les pays de la Cedeao devront donc tendre d’abord vers la transformation de leurs matières premières et la manufacture.
Or, ces dernières requièrent un capital humain formé et bien formé. Et pour qu’un jeune soit dans les dispositions de s’inscrire dans cette dynamique, faudrait-il que les conditions de sa formation soient réunies, comme l’encadrement pédagogique qui, comme on le sait, se liquéfie avec le nombre d’apprenants. Quadrature du cercle dont on ne sortira pas tant que la natalité sera considérée comme un aléa de la nature.