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«l’insoutenable» Concentration De La Richesse

Joignant l’acte à la parole, le haut dirigeant a renoncé, à cette occasion, à sa retraite chapeau et son indemnité de non-concurrence évaluée à 28 millions d’euros, ne conservant que son salaire de 2,8 millions d’euros. Venant d’un dirigeant d’une multinationale présente dans 120 pays (24,68 millions de chiffre d’affaires en 2017), ce geste a de quoi surprendre, tant l’actualité de ces dernières années nous a habitué à des parachutes dorés qui ont choqué l’opinion, dans un contexte de crise économique et financière mondiale.

Plus surprenant encore, l’aveu de lucidité de M. Faber, selon qui, les décennies de croissance économique auront épuisé les ressources de la planète avant d’étancher notre soif de posséder, notre modèle de production-consommation nous ayant entraînés dans « une économie de l’avoir plutôt que de l’être ». Cette critique du capitalisme n’est pas une nouveauté en soi. En effet, la répartition des richesses est l’une des questions les plus vives et les plus débattues de notre époque. Jusque-là le débat a oscillé entre deux extrêmes : la ligne marxiste qui soutient que la dynamique de l’accumulation du capital privé conduit inévitablement à une concentration toujours plus forte de la richesse et du pouvoir entre quelques mains ; et celle de Simon Kuznets pour qui les forces équilibrantes de la croissance, de la concurrence et du progrès technique conduisent spontanément à la réduction des inégalités et à une harmonieuse stabilisation dans les phases avancées du développement capitaliste, quelles que soient les politiques suivies ou les caractéristiques du pays, puis à se stabiliser à un niveau acceptable. Un vieux débat que l’économiste français Thomas Piketty résume dans son ouvrage devenu un best seller (« Le Capital au XXIe siècle », Seuil, 2013), à travers cette formule lapidaire : « de l’apocalypse au compte de fées ».

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Si durant les « Tente Glorieuse », les conclusions optimistes de Kuznets ne souffraient d’aucune contestation, tant la croissance était perçue comme « une vague montante qui porte tous les bateaux », l’idée d’une croissance qui serait naturellement « équilibrée » à long terme est de plus en plus contestée et contestable. Même sous nos tropiques, l’idée d’une croissance « appauvrissante » n’est plus un tabou dans la bouche des économistes. Dans sa volumineuse enquête (près de 1000 pages), fruit de quinze ans de recherches et parcourant trois siècles et plus de vingt pays, Piketty montre la « contradiction centrale du capitalisme ».

Autrement dit, si l’évolution dynamique d’une économie de marché et de propriété privée, laissée à elle-même, contient en son sein « des forces de convergence importantes », liées notamment à la diffusion des connaissances et des qualifications, elle inclut en même temps « des forces de divergence puissantes », et potentiellement menaçantes pour nos sociétés démocratiques et les valeurs de justice sociale sur lesquelles elles se fondent. Selon Piketty, la principale force déstabilisatrice est liée au fait que le taux de rendement privé du capital peut être « fortement et durablement » plus élevé que le taux de croissance du revenu de la production. Cette inégalité implique que les patrimoines issus du passé se recapitalisent plus vite que le rythme de progression de la production et des salaires.

Ainsi, depuis les années 1970, les inégalités sont « fortement reparties à la hausse dans les pays riches, notamment aux Etats-Unis ». Au fond, rien de nouveau depuis Marx. L’entrepreneur tend inévitablement à se transformer en rentier, et à dominer de plus en plus fortement ceux qui ne possèdent que leur travail. Et une fois constitué, le capital se reproduit tout seul, plus vite que ne s’accroît la production dans un processus où le passé « dévore » l’avenir.

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Le problème, c’est que si l’idéologie capitaliste est consubstantiellement liée à l’idée de Progrès, il est clair maintenant que celui-ci est condamné à se conjuguer avec la vieillesse du monde et la rareté des ressources. Si la Terre est devenue trop petite pour le Progrès, elle l’est également pour le profit à court terme. C’est ce que pointe le Pdg de Danone lorsqu’il affirme qu’il n’y aura plus d’économie de marché sans justice sociale, que c’est le seul enjeu légitime de la mondialisation. La vraie question, c’est : le capitalisme est il capable de se réinventer et de dépasser ses propres contradictions ?







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