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Quand Cotonou File Un Mauvais Coton

Quand Cotonou File Un Mauvais Coton

Question à 100 francs CFA : comment ruiner en quelques mois le prestige conquis au fil de trois décennies d’épopée démocratique, si imparfaite et tumultueuse fut-elle ? Réponse : en s’inspirant de l’anti-modèle qu’incarne dorénavant le chef de l’Etat béninois Patrice Talon

Entre dérive autoritaire et menace djihadiste, l’ancien Dahomey voit se ternir son aura d’îlot de pluralisme et de stabilité en Afrique de l’Ouest.

Question à 100 francs CFA : comment ruiner en quelques mois le prestige conquis au fil de trois décennies d’épopée démocratique, si imparfaite et tumultueuse fut-elle ? Réponse : en s’inspirant de l’anti-modèle qu’incarne dorénavant le chef de l’Etat béninois Patrice Talon.

Si fier de ses audaces pionnières, l’ex-Dahomey, théâtre dès février 1990 de la première « conférence nationale souveraine » en terre africaine, semble s’échiner à dilapider son crédit. Et découvre, sidéré, qu’il n’est plus immunisé contre les violences post-électorales meurtrières. Rançon d’un scrutin législatif ubuesque, les affrontements survenus les 1er et 2 mai au cœur de Cotonou, mais aussi à Kandi (nord), ont coûté la vie à plusieurs civils : trois selon le décompte officiel ; sept, à en croire d’autres sources.

Epicentre du séisme : la résidence de l’ancien président Thomas Boni Yayi, ceinte de barricades par ses partisans, bientôt délogés à balles réelles. Tout comme Nicéphore Soglo, titulaire de la magistrature suprême de 1991 à 1996, le très mystique et très fantasque « TBY » avait préconisé le boycott de la consultation avant de réclamer l’annulation du processus électoral.

Comme nous l’avons relaté ici même voilà peu, l’éviction de tous les partis d’opposition, déroutés par les rigueurs procédurières du nouveau code électoral, a ravalé le renouvellement du parlement au rang de tête-à-tête loufoque entre deux formations parrainées par la présidence. A la clé, une chambre introuvable, où les 47 députés de l’Union progressistes côtoieront leurs 36 collègues du Bloc républicain. Cerise sur ce gâteau peu digeste : en l’état, la constitution interdit à Son Excellence Patrice Talon de dissoudre l’assemblée. C’est donc parti pour quatre ans de gouvernance monochrome, voire d’inceste partisan.

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Une victoire à la Pyrrhus. Dérisoire, le taux de participation aux législatives du 28 avril s’apparente, pour l’exécutif, à un cinglant désaveu. A peine 23%, chiffre avancé par la Commission électorale ? Plus de 27 points, comme le prétend la Cour constitutionnelle, que préside un baron de la « Talonie » ? Qu’importe : on est si loin des 66% enregistrés en 2015…

Un signe : à Kandi, les émeutiers ont incendié l’un des fleurons de l’industrie cotonnière béninoise, socle de l’empire bâti par Patrice Talon, businessman fonceur et pugnace saisi par le démon du pouvoir et quinzième fortune d’Afrique subsaharienne. L’homme a les qualités et les défauts des outsiders forgés au feu des affaires : audacieux, volontariste, impatient, cassant, arrogant et implacable. Fasciné par la performance du Rwandais Paul Kagamé, il tient lui aussi à moderniser sa patrie à marche forcée, quitte à céder à ses pulsions autocratiques.

Dans l’adversité, celui qui fut tour à tour le bienfaiteur, le rival puis l’ennemi mortel de son prédécesseur Boni Yayi tend à se raidir. A l’évidence, la guérilla fort peu urbaine que se livrent les ex-alliés doit davantage à la querelle d’egos et aux aigreurs personnelles qu’à je ne sais quelle divergence doctrinale. Le constat vaut pour la vendetta que Talon livre au « roi du poulet » en exil Sébastien Ajavon, ce challenger devancé lors du premier tour de la présidentielle de 2016 et qui l’aida à terrasser le Franco-Béninois Lionel Zinsou lors du second. Malheur aux vaincus.

Le pire n’est jamais sûr. Maints acteurs locaux, à commencer par l’Eglise catholique, plaident pour l’apaisement et offrent leur médiation. Quant aux partenaires étrangers, France en tête, ils appellent à la « retenue ». C’est bien le moins. Car un autre péril, plus angoissant encore, plane sur le petit royaume du vaudou ouest-africain. L’enlèvement probable, le 1er mai, de deux touristes français en excursion dans le parc de la Pendjari (nord-ouest), splendide sanctuaire de la vie sauvage, et l’assassinat de leur guide local attisent l’inquiétude que suscite dans la région la fragmentation d’un fléau djihadiste en quête de nouveaux fronts. 

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D’autant que le trio naviguait non loin de la frontière du Burkina Faso, cible prioritaire des disciples africains d’al-Qaïda et de l’Etat islamique. Jusqu’alors moins exposés que l’ancienne Haute-Volta, le Bénin, le Togo et le Ghana se savent désormais vulnérables. En mars dernier, Ouagadougou avait d’ailleurs alerté ses voisins d’un risque d’infiltration de fantassins du djihad, tentés de se replier pour échapper à l’offensive lancée alors par les forces burkinabé.

On l’aura compris : aucun pays n’est à l’abri. Pas plus de l’œuvre de mort des soldats perdus du califat que de la tentation caporaliste.







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