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Le Sénégal, Un Pays Sans Bibliothèque Nationale !(par Modou Mamoune Faye)

Le Sénégal, Un Pays Sans Bibliothèque Nationale !(par Modou Mamoune Faye)

 

CONTRIBUTION

Le pays de Léopold Sédar Senghor, de Birago Diop, d’Abdoulaye Sadji, de Cheikh Anta Diop, d’Ousmane Sembène, de Cheikh Hamidou Kane, d’Aminata Sow Fall, de Mariama Bâ et de tant d’autres illustres écrivains dont les livres sont devenus des classiques de la littérature africaine, n’a toujours pas un endroit où ses archives, ses livres, ses manuscrits historiques, ses journaux, ses revues, ses films et documents audiovisuels pourraient être conservés dans d’excellentes conditions.

Actuellement, les Archives nationales jouent ce rôle, mais cet espace logé au rez-de-chaussée du Building administratif est devenu trop exigu. En dépit de cela, tout un pan de notre histoire et celle d’une partie de l’Afrique coloniale y est conservé dans des conditions parfois précaires.

Dans un reportage de notre confrère Jean Pires (Soleil du 8 juin 2012), Fatoumata Cissé Diarra, directrice des Archives du Sénégal, tirait la sonnette d’alarme en décrivant cette « cave aérée où sont stockés des milliers de documents jaunis par le temps et le climat ».

Parmi ces archives, certaines ont traversé deux à trois siècles. « Le record de longévité est détenu par le récit d’un explorateur daté de 1672 », révélait-elle. Les locaux, aménagés en 1954 pour une capacité initiale de 8 kilomètres linéaires, avoisinent actuellement les 18 kilomètres linéaires, avertissait Mme Diarra dans le même reportage. Sept ans plus tard, la situation demeure presque la même. Et si rien n’est fait, ces archives qui représentent une bonne partie de notre patrimoine risquent d’être anéanties à jamais. L’urgence de la construction d’une bibliothèque nationale répondant aux standards modernes s’impose plus que jamais.

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Pourtant, le projet existe bel et bien, mais dort dans les tiroirs du ministère de la Culture. Il y a quelques décennies, un terrain lui avait même été alloué à côté de l’Enam, pas très loin du centre culturel Blaise Senghor, en plein cœur de Dakar.

De Léopold Sédar Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, aucun président n’est encore parvenu à matérialiser le projet. Dès 1976, l’État avait décidé de construire une bibliothèque nationale, mais des « difficultés conjoncturelles » freinèrent ses ardeurs. Quelques décennies plus tard, la loi 2002-17 du 15 avril 2002 portant création de la Bibliothèque nationale du Sénégal a été publiée dans le Journal officiel.

Cette loi, promulguée par le président Wade et préalablement adoptée par l’Assemblée nationale le mercredi 3 avril 2002, stipulait clairement dans son exposé des motifs que la Bibliothèque nationale bénéficiera d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière qui lui permettront d’exploiter ses collections et services pour accroître ses recettes propres. C’était il y a 17 ans ! Depuis cette date, rien ou presque n’a été fait pour que le projet sorte enfin de terre. La bibliothèque nationale n’est-elle plus une priorité pour nos autorités ?

On est tenté de répondre par l’affirmative, même si des initiatives en sa faveur n’ont pas manqué, notamment ce grand projet des « 7 merveilles » que l’ex-président Abdoulaye Wade voulait concrétiser et dans lequel figurait en bonne place la maquette d’une Bibliothèque nationale parmi celles du Grand théâtre, du Musée des civilisations noires (déjà réalisés), de l’Ecole d’architecture, du Musée des arts contemporains, de la Maison de la musique et de l’Ecole des arts. Ce parc culturel de Dakar d’une superficie de 10 hectares était prévu entre la Gare de Dakar, le boulevard de l’Arsenal et l’avenue Lamine Guèye. Avec le changement de régime intervenu en 2012 et l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, les nouvelles autorités avaient promis de réactiver le projet de bibliothèque nationale.

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Et le 14 décembre 2013, Ibrahima Lô, directeur du Livre et de la Lecture, annonça sa création prochaine, car, pour lui, « il n’est pas normal que le Sénégal, pays de tradition, de créativité et de production intellectuelle qui a vu naître de grands hommes de Lettres, n’en dispose pas ». Les acteurs culturels s’étaient alors remis à rêver, croyant ferme que, cette fois-ci, le projet sortira enfin de terre. Ils allaient vite déchanter.

Quatre ans plus tard, le mardi 7 novembre 2017, lors de la Journée internationale de l’écrivain africain, le ministre de la Culture, Abdou Latif Coulibaly, apporta la bonne nouvelle : « Le président de la République a décidé de mettre en place une grande bibliothèque dont l’objectif est de ressusciter le goût à la lecture ». Dans la foulée, il annonçait que les services culturels régionaux seront également dotés de bibliothèques, de salles de cinéma et de musées.

Face à toutes ces promesses non tenues, il y a de quoi se poser des questions sur le projet de bibliothèque nationale dont la réalisation est toujours repoussée aux calendes grecques. Peut-être que, dans la mouvance du « fast-track », le processus sera accéléré pour que le Sénégal puisse disposer d’une telle infrastructure à l’instar des autres pays du monde. Il suffit juste de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, comme en France où la Grande bibliothèque nationale, inaugurée le 30 mars 1995 par le président Mitterrand, est riche de 15 millions de livres et de 250 000 manuscrits. Plus près de nous, le Mali a, depuis des décennies, une bibliothèque nationale dont le fonds documentaire est estimé à 60 000 pièces, tandis que celle de la Côte d’Ivoire, inaugurée en 1974 par le président Félix Houphouët Boigny, est tout aussi fournie. Une telle infrastructure permettrait sans doute au Sénégal de combler un vide et, en même temps, de favoriser une meilleure politique du livre et de la lecture dans un pays où l’habitude de bouquiner est en train de se perdre, surtout du côté des jeunes plus fascinés par la froideur des écrans tactiles que par la chaleur du papier imprimé. Est-ce leur faute ?

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Sûrement pas car rares sont les villes, quartiers ou communes qui disposent d’une bibliothèque ou d’un centre culturel où l’on peut consulter des livres et autres supports éducatifs. On dit que la lecture est à notre cerveau ce que le sport est à notre corps. Elle muscle nos neurones et améliore nos capacités cognitives. A l’ère du texto et des mots abrégés, bon nombre de pédagogues notent d’ailleurs chez les jeunes un vocabulaire pauvre et un manque d’esprit critique qui sont certainement la conséquence de la baisse du temps consacré à la lecture.

 

 

 

 

Par Modou Mamoune FAYE

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