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Impostures MÉdiatiques

Impostures MÉdiatiques

A l’instar du journaliste français Bernard Morrot qui, en 2000, pointait du doigt les grandeurs et les décadences des médias de son pays dans un livre au titre provocateur, nous avons envie de crier : « Sénégal, ta presse fout le camp ! ».

En auscultant le contenu de certains journaux, sites Internet, radios et télévisions, on est frappé par la légèreté avec laquelle des journalistes abordent l’information. Des articles bourrés de fautes de grammaire et d’orthographe, une langue française malmenée dans tous les sens, des faits tronqués, des informations diffamatoires, des titres racoleurs et j’en oublie. Bon nombre de nos confrères ne prennent plus des pincettes pour s’enquérir de la véracité des faits. Ils s’éloignent de plus en plus des principes fondamentaux du journalisme. La course à l’audimat, au scoop et la recherche du buzz les poussent à fouler du pied les principes sacro-saints de la déontologie journalistique.

 En mai 2009, notre confrère Pape Samba Kane avait tiré la sonnette d’alarme dans son essai intitulé « Les Ecrits d’Augias : les pages sombres de la presse ». En publiant ce livre, il voulait lancer un appel « à une prise de conscience de nos insuffisances qui s’appuie sur la mise en lumière de nos fautes professionnelles quotidiennes, massives et systématiques ». Une décennie plus tard, le constat est presque le même : la presse sénégalaise est très mal en point. Fait nouveau, l’irruption des médias online, avec leur lot d’informations approximatives résumées en une dizaine de lignes, n’arrange pas les choses. Les cas d’infox (contraction des mots information et intoxication) font florès dans le landernau médiatique sénégalais. En juillet 2018, un journal en ligne publiait une information selon laquelle un célèbre opposant politique avait reçu un terrain de la part du président Macky Sall, après la démolition de sa maison bâtie sur un site litigieux. Une information qui s’est révélée finalement fausse, une « fake news » comme diraient les anglo-saxons. Toute honte bue, le journal en ligne en question a publié une note d’excuse dans laquelle elle avoue s’être « trompée de bonne foi par une source de mauvaise foi » (sic) et présente ses « plates et sincères excuses » à l’homme politique concerné, tout en reconnaissant avoir publié une « information infondée et inexistante ». On peut multiplier ce genre d’exemples ou des perles en matière de bourdes langagières comme lorsqu’un quotidien écrivait, à la mort d’un étudiant sénégalais, qu’il a été « tué mortellement » par une balle perdue !

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Tout cela ressemble fort bien à un « flagrant délit d’incompétence », comme l’écrit le journaliste Mame Less Camara dans la préface du livre de Pape Samba Kane. Selon lui, « la concurrence précipite les médias dans une course à la nouvelle menée à un train qui fait baisser la vigilance (…) » et les rectificatifs et excuses publiés après de fausses nouvelles « sont d’abord l’expression de négligences professionnelles avant d’être des marques de courtoisie ou d’honnêteté intellectuelle ». Triste constat ! La quête du sensationnel, la recherche du gain facile, la corruption, l’ambition démesurée et les pratiques aux antipodes de la déontologie sont les principaux dangers qui menacent la presse sénégalaise. Et si rien n’est fait pour inverser la tendance, nous allons tout droit vers le précipice. D’autant plus que l’avènement des réseaux sociaux est en train de réduire drastiquement le nombre de lecteurs, d’auditeurs et de téléspectateurs car d’un simple clic, et gratuitement, on peut désormais avoir accès une mine d’informations.

Avec un téléphone portable et une connexion Internet, tout le monde s’improvise journaliste et l’on s’amuse à balancer des informations sur les réseaux sociaux sans prendre la peine de les vérifier. Et bonjour les dégâts ! Une grande partie de l’opinion publique, qui n’a pas toujours les bonnes ficelles pour décortiquer le message, a ainsi tendance à gober tout ce qui lui tombe sous les yeux. Face à cette situation plus qu’alarmante, la presse sénégalaise doit faire son introspection et analyser tous les facteurs qui menacent son existence.

Dans son livre intitulé « France, ta presse fout le camp » et dont nous parlions au début de cette chronique, Bernard Morrot dénonçait déjà la présence au sein de la corporation, pas uniquement des chiens de garde du capitalisme, mais aussi « des toutous, des bâtards enragés, de stupides Rantanplan ou d’odieux cabots qui contribuent très efficacement à la lente mise à mort des journaux rescapés ». Un peu sévère comme jugement, mais assez symptomatique de la situation des médias en général. Un jugement qui pourrait bien être collé à ce qui se passe au Sénégal où une presse jadis caractérisée par sa grandeur est en train de sombrer dans les abysses de la décadence. D’autant plus que des imposteurs et des affairistes, surgis de nulle part, se sont emparés des médias pour fructifier leurs affaires ou s’adonner à d’odieux trafics d’influence.

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