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Après Trente Ans De Conflit En Casamance : Regard Sur La Vie Des Mutilés Des Mines

Après Trente Ans De Conflit En Casamance : Regard Sur La Vie Des Mutilés Des Mines

Ce jeudi 16 mai 2019, Rfi, sur son site web, a diffusé dans l’émission «Reportage Afrique» un dossier qui s’intitule «Casamance, série [4/5] : L’appareillage des victimes de mines reste difficile». Réalisé par William de Lesseux, ce reportage revient sur les conséquences des mines antipersonnel dans le conflit casamançais, qui oppose l’Armée nationale du Sénégal au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc).

Ce reportage intervient au moment où les opérations de déminage ont repris. Radio France Internationale va chaque semaine, depuis le démarrage de cette opération en fin février 2019, à la rencontre des victimes et de ceux qui vivent au quotidien avec ces mines. «Ce quatrième épisode est consacré aux prothèses, appareillages dont l’un des grands défis est la prise en charge des victimes à Ziguinchor. Une prise en charge souvent défaillante, le centre orthopédique de la ville manque de tout», informe William de Lesseux.

«Les engins explosifs sont toujours présents sur près d’un tiers du territoire, posés aussi bien par les rebelles que l’Armée sénégalaise, jusqu’en 1998», déclare le journaliste de Rfi.

C’est en écoutant ce reportage que j’ai trouvé nécessaire de donner ma modeste contribution sur le quotidien de ces mutilés des mines en Casamance. Ce cri du cœur est un appel lancé à l’Etat du Sénégal, au Mfdc et à l’ensemble des partenaires pour non seulement une prise en charge effective de l’ensemble des victimes des mines, mais également un déminage total de ma région natale.

Les mines en Casamance

Les premières poses de mines en Casamance ont eu lieu en 1968. C’était lors de la guerre de libération de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert. Ce conflit opposait le colonisateur portugais au Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (Paigc), qui était soutenu par l’Organisation de l’unité africaine (Oua). Les réfugiés étaient accueillis et soignés à Ziguin­chor. Cet appui était mal apprécié par les Portugais. En guise de représailles, ils posèrent des mines en Casamance.

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Dans le cadre du conflit entre l’Armée nationale du Sénégal et le Mfdc, les premières victimes de mines ont été enregistrées en 1991. L’utilisation de ces armes s’est accentuée à l’approche des élections présidentielle et législatives de 1993.

En janvier de la même année, une voiture du Cicr saute sur une mine antichar sans faire de victimes. Une autre transportant des électeurs connaît le même sort le jour du scrutin. On dénombre des morts et plusieurs personnes mutilées. Les poses massives commencent en août 1997. Et la plupart du temps sans plan de pose.

La ceinture de feu

D’après nos recherches, la partie nord de la région de Ziguinchor, notamment le département de Bignona, n’a pas été épargnée par la dissémination des mines, mais l’essentiel de ces armes qui tuent sans distinguer combattants et non combattants durant et après les conflits ont été enfouies dans la bande de terre comprise entre le sud du fleuve Casamance et la frontière avec la Guinée-Bissau. Cette zone à haut risque, que j’appellerai «la ceinture de feu», s’étend de Tanaf à l’Océan Atlan­tique. Elle englobe les départements de Ziguinchor, d’Ous­souye et une partie de la région de Sédhiou. Elle couvre une superficie de plus de 2 500 km2.

Silence des rizières

Comme au Vietnam, au Cambodge et au Laos avec la guerre, les paysans n’osaient plus mettre pied dans les rizières où ils ont la plupart du temps rendez-vous avec la mort. Dans la verte Casamance, les femmes ne partent plus récolter les fruits sauvages. Les récolteurs de vin ou de miel limitent leurs zones d’intervention aux alentours du village. Les herbes sauvages ont pris la place du riz au-dessus et au-dessous des digues des cuvettes remplies d’eaux. Les rizières sont devenues des bassins de rétention naturels durant l’hivernage parce que dans ce beau paysage sont enfouies de mines antipersonnel. En résumé, c’est un silence total dans les rizières.

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Aujourd’hui, personne n’ose s’aventurer dans la forêt pour chercher des fruits sauvages ou cultiver. A défaut de perdre la vie, vous risquez de perdre un pied. C’est le cas de cette dame avec qui j’ai eu à partager la même classe à l’école primaire Mathias Sambou Tendeng de Niassya à la fin des années 1980.

Victime de l’arme

des lâches

En 2001, en quittant Dakar pour Darsalam, son village natal dans l’arrondissement de Niassya, cette belle demoiselle ignorait qu’elle allait y perdre un pied pour le reste de sa vie. Aux portes des plantations de mangues de son père, elle a sauté sur une mine. Malgré son handicap, elle croit toujours à l’avenir. Une béquille a remplacé un de ses pieds. Qu’est-ce qu’on peut contre le destin ? «Rien», réplique la victime de «l’arme des lâches».

A regarder ou à écouter cette victime des mines, il est facile de voir sa grandeur d’esprit et sa foi. Le souvenir de ces terribles moments est pénible, mais elle rend grâce à Dieu : «Moi je suis vivante, Alhamdoulilahi (Dieu soit loué), d’autres ont péri.»

Cette victime n’est que la face visible de l’iceberg. En réalité, comme l’a si bien dit Rfi, «il y a un millier de victimes des mines à Ziguinchor».

Malgré les efforts consentis par Handicap international et d’autres partenaires, nombreux sont oubliés. Ce qui fait d’eux de lourdes charges pour les parents qui vivent dans la précarité.

Les oubliés des mines

Pour leurs soins médicaux, elles ne peuvent compter que sur leurs proches. Et c’est très éprouvant pour un mutilé sans moyens de se déplacer avec une canne pour rallier un centre hospitalier pour des soins ou pour la rééducation.

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A côté de ces mutilés des mines, nous trouvons aussi une autre catégorie de victimes qui est parfois oubliée. Il s’agit de ces milliers de personnes qui ont abandonné tous leurs biens, leurs champs et leurs villages pour se réfugier ailleurs. Sachant que les mines perpétuent la violence en temps de paix, ils sont partis chercher le mieux-être dans les zones urbaines ou dans les pays voisins. Aujourd’hui, leur quotidien se limite à la misère, car dans les familles d’accueil, on partage la précarité qui s’accentue à mesure que l’on enregistre de nouvelles arrivées.

Talibouye AIDARA

Communicant/Journaliste

Responsable Apr Commune de Kataba1

aidara.or.t@gmail.com

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