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Un Pied De Nez À La Justice

Un Pied De Nez À La Justice

En ordonnant l’annulation de la procédure dans l’affaire de trafic de faux billets concernant le chanteur Thione Seck et Alaye Djité, le juge Maguette Diop, président de la 2e chambre du tribunal correctionnel de Dakar, a fait honneur à la justice en respectant les droits de la défense. Et le premier de ces droits, c’est d’accorder, comme le stipule le règlement n°5 de l’Uemoa, à toute personne, dès son interpellation par la police ou la gendarmerie, le droit de se faire assister par son avocat. Ainsi en l’absence de cette formalité substantielle, la procédure a été annulée au grand bénéfice du crooner. Une telle décision courageuse, rarissime dans le milieu judiciaire, constitue un honneur mais aussi un véritable pied de nez faite par un de ses acteurs à une justice encore rétive à appliquer les décisions de l’instance communautaire.

En marge d’une cérémonie de prestation de serment de 18 avocats stagiaires, Me Mbaye Guèye, bâtonnier de l’ordre des avocats, s’est exprimé sur l’application du règlement n°5 de l’Uemoa après que le juge Maguette Diop a prononcé l’annulation de la procédure dans l’affaire Thione Seck. « Par rapport à l’article 5 du règlement n°5 de l’Uemoa, je suis meurtri de voir qu’au Sénégal, on discute encore autour de ce texte au lieu de l’appliquer rigoureusement. Ils ont présenté un texte pour réglementer la garde à vue et dire que l’avocat ne sera présent qu’à la 24ème heure. Alors que le texte parle de « dès l’interpellation ». Quand on a voté le texte, le même ministre, Me Sidiki Kaba, nous avait dit qu’il faut maintenant prendre une circulaire pour définir les modalités. Le ministre a mis le coude sur cette circulaire, ce qui fait que, jusqu’à son départ, cette circulaire n’avait pas encore été signée. Ils (les gendarmes, Ndlr) n’ont pas notifié à Thione Seck qu’il avait le droit de se faire assister par un avocat et ils n’ont pas mentionné cela sur le procès-verbal. C’est un motif de nullité et le juge à bon droit a annulé la procédure », a commenté Me Mbaye Guèye. « Aucun magistrat ne peut juger le fond sans passer par la forme. Il faut que la forme soit régulière pour que le fond puisse être jugé. Il se trouve que, dans l’affaire Thione Seck, la forme n’a pas été bonne. Il a été entendu à la gendarmerie alors qu’on ne lui a pas notifié qu’il a le droit de se faire assister par un avocat. Et les enquêteurs ne l’ont pas mentionné dans le procès-verbal. C’est ce qui a motivé la nullité», précise le bâtonnier Me Mbaye Guèye. Pour lui, le dossier des faux billets est comparable à celui de la « caisse d’avance » dans l’affaire Khalifa Sall.

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Ainsi Me Mbaye Guèye n’a pas manqué de dénoncer l’injustice commise dans le dossier Khalifa Sall. Selon le bâtonnier, on a refusé à l’ex-maire de Dakar ce que l’on accordé à Thione Seck c’est-à-dire le droit d’être assisté par son avocat dès la première interpellation. « Pour l’affaire Khalifa Sall, nous sommes à un niveau où l’opinion doit être informée et correctement informée. Lorsque Khalifa Sall a été convoqué à la Brigade des Affaires Générales (Bag), il a été mis dans une salle et les enquêteurs, conformément à leur métier, ont commencé à l’interroger. Mais quand son avocat, Me El Hadj Diouf, est arrivé, on lui a refusé d’assister à l’interrogatoire de son client, on lui notifié qu’il n’avait pas le droit d’entrer. Il m’a appelé pour m’en informer. J’ai appelé le procureur et il m’a dit que Khalifa Sall n’a pas été arrêté car après l’interrogation, il rentre chez lui et le texte parle d’arrestation et non d’interrogation », a-t-il martelé. Et Mbaye Guèye d’en conclure : « La Cour d’appel a annulé le procès-verbal. Il y a une annulation d’un acte qui a conduit à l’annulation d’une procédure.

Le juge dans l’affaire Thione Seck a considéré que l’annulation procède de l’omission d’une formalité substantielle et donc on annule l’acte et toute la procédure subséquente. Dans l’affaire Khalifa Sall, la Cour d’appel l’a refusé. » Le bâtonnier de l’ordre des avocats, en évoquant ces deux affaires, dénonce le traitement juridique inique qui varie d’un juge à l’autre sans tenir compte de l’application rigoureuse de l’article 5 alinéa 1 du Règlement N°05/CM/UEMOA qui stipule que « les avocats assistent leurs clients dès l’interpellation durant l’enquête préliminaire, dans les locaux de la police, de la gendarmerie ou devant le parquet »

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La justice n’a pas prévalu dans l’affaire Khalifa Sall

Il est manifeste que la justice n’a prévalu dans l’affaire de l’ex-maire de Dakar. Sinon, qu’est-ce qui explique que ce qui est accordé aujourd’hui au leader du Raam-Dan a été refusé hier à l’ex-maire de Dakar ? Au moment où l’on parle d’une décrédibilisation croissante de la justice sénégalaise à cause de l’emprise et de la forte prégnance de l’Exécutif sur le Judiciaire, cette décision du juge Maguette Diop vient partiellement redorer le blason d’une justice ternie par ses pratiques iniques et sa sujétion au pouvoir politique. Même si des avocaillons de l’Etat veulent justifier la différence des deux dossiers en brandissant l’enquête de l’Inspection générale d’Etat qui a enclenché l’affaire Khalifa Sall, il est clair que l’objectif visé ici n’était point de rendre compte de la gestion de la caisse d’avance mais de régler des comptes à un maire téméraire qui aurait pu compromettre la réélection du Président Macky Sall. Si le rapport de l’Ige est à l’origine des poursuites contre Khalifa Sall, pourquoi le procureur de la République Serigne Bassirou Guèye a-t-il commandité aux officiers de police judiciaire de la BAG une enquête préliminaire qui devait servir de base au doyen des juges pour fonder son interrogatoire inculpatoire ou disculpatoire ? Les Sénégalais sont loin d’être des têtes de linotte ou d’avoir une cervelle de moineau pour ne pas savoir les soubassements politiques de l’emprisonnement de Khalifa Sall.

Ainsi la politique a été l’alpha et l’oméga de l’arrestation, du jugement, de la condamnation et de l’incarcération de Khalifa Sall. Le ministre de la Justice de l’époque, Me Sidiki Kaba, comme l’a fustigé le bâtonnier, a été au centre de cette violation de l’article 5 alinéa 1 du Règlement N°05. Que n’a-t-il pas fait pour que Khalifa Sall reste en prison ? N’est-ce pas lui, en tant ministre politique, présidant le 19 août 2017, l’assemblée générale de l’Union des magistrats (UMS) qui déclarait que « ce n’est pas le député Khalifa Sall qui a été arrêté mais c’est le maire qui a été appréhendé » ! Tout cela pour disqualifier le recours des conseils de Khalifa qui, deux jours auparavant, c’est-à dire le 17 août 2017, après la proclamation des résultats des législatives par le Conseil constitutionnel, avaient déposé une demande de mise en liberté d’office en invoquant l’immunité parlementaire qui, selon eux, s’attache à la nouvelle qualité de député de leur client comme le disposent les articles 61 de la Constitution et 51 de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Le remplaçant de Sidiki Kaba au département de la Justice, Pr Ismaïla Madior Fall, n’a fait que terminer le sale boulot commencé par son prédécesseur. Il s’est prononcé sur cette immunité en ces termes : « La levée de l’immunité parlementaire ne remet pas en cause sa présomption d’innocence. Le procès respectera les standards les plus élevés d’un procès équitable.» Lui, il parlait déjà de procès alors qu’il y avait des recours pendants au niveau de la Chambre d’accusation.

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La justice, par essence équidistante, n’étant pas destinée à plaire ou complaire l’Exécutif. Elle n’a pas à satisfaire les desiderata d’un Président obnubilé à juste raison par ses objectifs politiques. Malheureusement, certains magistrats sénégalais mettent cette conception (basée sur l’indépendance et l’équidistance) de la justice sous le boisseau de leurs intérêts et de leurs accointances dangereuses avec le pouvoir politique. L’affaire Khalifa aura mis à nu la faillite littérale du système judiciaire sénégalais, son parti pris dans une affaire politique où elle était censée jouer le rôle d’arbitre. « Un Etat, doté d’une Justice injuste à force d’être faible, n’est plus un État de droit, mais un État voyou », dixit le premier président de la Cour de Cassation de la Belgique, Jean de Codt.







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