Depuis la fin controversée de l’élection présidentielle légitimement contestée, le leader énigmatique du parti Rewmi se réfugie dans le silence. Je suis tenté de dire, dans le recueillement. Certes, il est coutumier du fait. Le mutisme est chez lui un art de communication. J’avais moi-même théorisé le « Tek Tekkaral » pour justifier son aphonie après les vives polémiques injustes sur Bakka-Makka. Mais continuer dans un mutisme obstiné, après son score insuffisant mais honorable parce que le plaçant deuxième derrière le vainqueur préfabriqué et le propulsant comme challenger consacré de Macky Sall, nous interroge et nous plonge dans une grande perplexité prospective.
Il est temps et légitime, sans esprit déloyal mais critique, de tirer les leçons des échecs successifs du leader incontesté de Rewmi, mais dont le leadership est sujet à débats. Comment se fait-il que « le plus brillant d’entre tous » (dixit Abdoulaye Wade), ne puisse pas émerger et diriger le Sénégal après trois tentatives ? Comment celui qui, par son éthique religieuse et son intelligence politique, ne puisse-t-il pas recueillir l’adhésion massive de son peuple ? Avec sa trajectoire et son expérience politiques, se pose la dialectique philosophique questionnée dans « L’aventure ambigüe » pour expliquer la domination coloniale : Vaincre sans avoir raison. Mais à l’inverse : Comment avoir raison sans vaincre ? Idrissa Seck avait eu raison sur la dévolution monarchique du régime en faveur de Karim Wade, sur l’irrégularité du 3e mandat de Wade, sur les dérives autoritaires et népotiques de Benno Bokk Yakaar, sur les délits d’initiés dans les découvertes et l’attribution des permis d’exploitation de notre pétrole et gaz, etc.
Par deux fois sur trois, il s’est retrouvé en tête des candidats opposants à l’élection présidentielle, démontrant ainsi son talent politique. Ayant surmonté toutes les chausse-trappes politico-judiciaires et survécu aux nombreuses calomnies les plus insidieuses de la scène politique sénégalaise, adoubé par Touba faiseur de roi et auréolé par toute l’opposition significative recalée par le parrainage tronçonneur, pourquoi donc le peuple sénégalais n’arrive toujours pas à le porter en triomphe ?
Les esprits dubitatifs se troublent et s’interrogent : Quel avenir pour le parti Rewmi et son leadership ? Situation paradoxale au sortir de la présidentielle, à l’issue de laquelle un boulevard semble s’ouvrir pour Idy dans l’après Macky. Mais au moment où la recomposition politique se dessine et les positionnements s’affichent pour camper les leaderships de l’opposition, c’est le silence radio-écran du chef de Rewmi. Il est concevable de ne pas se faire dicter sa conduite par les activismes des autres partenaires ou adversaires politiques. Egalement compréhensible de suivre son propre calendrier politique. Mais il est temps de concevoir une stratégie politique visant à incarner le leadership de l’opposition que seul le peuple peut lui attribuer.
Le parti Rewmi souffre depuis longtemps d’un important déficit de communication. Abdourahmane Diouf avait avec du grand art, contribué à combler le passif, après le départ de Thierno Boccoum. Son célèbre et judicieux « Tous Mecquois » avait très positivement contribué à éteindre le feu des polémiques infondées mais dévastatrices pour l’image de notre leader. C’est aussi avec abnégation et une grande virtuosité intellectuelle qu’il a eu à prendre en charge au sein des cadres du parti, le programme du candidat Idrissa Seck, à le présenter et le défendre. Une incongruité politique consistant à communiquer et à incarner devant l’opinion et les électeurs, le programme de son candidat en hibernation à quelques encablures décisives du scrutin présidentiel. Cette invraisemblance a fait dire à un fidèle et ancien militant rewmiste : « Idy empêché, Abdourahmane aurait fait un meilleur score à la présidentielle ». Terrible aveu d’incompréhension !
Malgré la bravoure de Déthié Fall, le vaillant vice-président du parti, que l’on a vu sur tous les fronts de lutte unitaires ou solitaires, le concept de leadership éclaté n’a pas prospéré pour combler le déficit communicationnel. Pourtant et surtout, la force et le talent d’Idy résident dans son art oratoire, sa puissance verbale de persuasion et sa grande culture intellectuelle. Il n’avait hélas pas assez utilisé cette arme de destruction massive en sa possession pour abattre le « Macky » avant et durant la présidentielle même si elles ont été outrageusement truquées. L’incurie de communication se poursuit avec la présentation du livre blanc justifiant le hold-up électoral de Macky, laissée aux soins de Déthié et Decroix. Le chef de file de l’opposition, arrivé deuxième et porteur de toute la déception de milliers d’électeurs, aurait été mieux inspiré et plus prégnant d’apporter lui-même au peuple les preuves du vol des élections par le régime de Macky.
En outre, aujourd’hui encore, alors que le feu se déclenche dans le « Macky » empêtré dans le « Sallgate », Idy le chef de l’opposition de fait, par sa position sortie des urnes, ne se décide pas à porter l’estocade au taureau Macky qui saigne de toutes parts. Il n’y a qu’une seule stratégie qui vaille pour déboulonner le régime « mackyen », c’est de jouer le peuple contre Macky qui a utilisé l’Etat, ses institutions et sa puissance financière pour se jouer du peuple. Pour ce faire, il faut parler, encore parler et toujours parler au peuple. « Quand le peuple sera intelligent, alors seulement le peuple sera souverain », disait Victor Hugo. Un chef se doit d’être pédagogue et un marchand d’espérance pour son peuple. Le génie politique qui sommeille en Idrissa Seck, renferme toutes ces assertions, il doit le réveiller.