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SoupÇons…

SoupÇons…

Non, le Sénégal ne change pas. Ou plutôt si. Il se transforme à petites doses. En bien ou en mal ? En bien et en mal… La parole, devenue libre, se répand à une vitesse stratosphérique au sein d’une société qui se complexifie. Les générations se chevauchent dans des espaces réduits où l’empilement des besoins (non satisfaits) s’extériorise. L’intimité étant désacralisée, la rue devient un lieu d’exutoire et de défouloir.

Tout le monde parle de tout le monde. Sans retenue. Mieux ou pire, c’est selon, une curiosité malsaine s’installe. La suspicion se propage. Le soupçon imprègne tous les actes de la vie au quotidien. Le raffinement d’hier, la courtoisie et le bon goût ressemblent aujourd’hui à des reliques d’une époque révolue. En d’autres termes, le délitement accouche d’une société brutale : au volant de la voiture, dans les écoles, les Universités, la rue, les lieux publics, la nervosité s’affiche. Ce renversement de valeurs hante les Justes.

Désormais, la méfiance, la défiance et la médisance irriguent les rapports, détricotent les relations et fragilisent les précaires équilibres qui existent encore. Dans le domaine de la santé, les données confidentielles s’ébruitent partout, y compris dans les réseaux sociaux qui s’emparent de tout sans discernement. Des officiers supérieurs de l’armée, la Grande muette, s’écartent du devoir de réserve pour livrer à la meute des informations sensibles. Une frange de la classe politique, une phalange dirait-on, friande d’anecdotes, s’adonne, à cœur-joie, à son jeu favori : la dénonciation à outrance, mêlant emballement et empressement, entraînant même une partie de la presse à la gâchette facile dans un tourbillon de diatribes.

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Le temps de la justice n’est pas celui des médias justement. Les corps constitués ne sont pas plus épargnés : la magistrature, tous les ordres d’enseignement, le Barreau, les banques, les assurances, la douane, la police, la société civile. Partout, les langues se délient. Même les hauts lieux de l’exemplarité sont des proies facile de cette furie : la Présidence de la République, la Haute administration, les foyers religieux, tout comme le monde rural (où, croyait-on, à tort ou à raison, prévalaient les valeurs résiduelles d’une société qui se déchire).

Hélas ! Non seulement le phénomène persiste mais il s’accentue au point de ne plus constituer un sujet d’étonnement pour des citoyens au bord de l’apoplexie. La récente découverte de gisements d’hydrocarbures dans notre pays aiguise des appétits féroces, soulève des passions indicibles et suscite de véhémentes polémiques. En bonne logique, si le Procureur de la République sort de sa réserve et décide de l’ouverture d’une information judiciaire sur ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire des hydrocarbures » révélée par la chaîne anglaise BBC, le vacarme devrait s’estomper au profit d’une sérénité retrouvée pour une enquête non moins sereine de la justice.

Or, le doute subsiste toujours chez les contempteurs, à l’image de cet élu qui, ouvertement, tance le Maître des poursuites qu’il invite à se dessaisir du dossier parce qu’il doit sa promotion au… Chef de l’Etat. Argument spécieux s’il en est assurément. Convenons qu’il n’ y a pas d’opposition forte au Sénégal. Elle compense sa faiblesse par une omniprésence dans les médias, seule tribune, entre deux élections, lui permettant d’exister face à un pouvoir qui a pour lui la durée mais désordonné, un peu tatillon, dans sa communication grand public. Il y a lieu de s’interroger sur la façon dont le débat politique est mené au Sénégal entre des forces cramponnées à des certitudes et mues par le principe du « ôte-toi-que je-m’y-mette ». Rien de plus. Dit autrement, comment comprendre l’immobilisme de la société sénégalaise traversée par des clivages d’une autre époque, d’un autre âge.

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Que postule en vérité la dénonciation à outrance des contrats signés ? Quête de transparence ou besoin d’équité ? En tout état de cause, la phraséologie utilisée trahit la démarche et dénote une frappante absence de lucidité sur un sujet à enjeu. Au plus fort de la dispute couronnée par l’envie inassouvie d’occuper la rue pour « prendre l’opinion à témoin », personne, -pas même au sein du gouvernement- ne se prononce sur la prochaine campagne agricole ! La période hivernale s’approche, et le retard des pluies, dû au changement climatique, pousse les paysans à opter pour des variétés hâtives à cycle court. Les semences sont-elles disponibles en quantité et en qualité ? Quelle est la nouvelle cartographie de l’agriculture sénégalaise ? Puisque la pluviométrie devient de plus en plus aléatoire, songe-t-on à explorer nos nappes phréatiques qui, semble-t-il, sont abondantes et bien réparties à l’échelle du pays ?

En se focalisant sur le pétrole et le gaz, le débat occulte l‘agriculture et la dimension qu’elle revêt dans le monde rural réduit au silence et dont le sort indiffère complètement les partisans du tout-pétrole. Est-il moins légitime de parler du mil ou du sorgho que du gaz ou du pétrole, produits spéculatifs par excellence et tributaires des humeurs des marchés ? Nous allons à la rencontre d’un monde nouveau et crispant : celui des hydrocarbures.

Le gaz et le pétrole sont certes des ressources de prestige. Mais, d’un prestige déclinant. Le schiste bitumeux enthousiasme les Etats-Unis en passe de devenir le premier producteur de pétrole et de gaz au monde. L’Arabie Saoudite se voit reléguer au second plan alors que l’Iran et les Emirats du Golfe lui disputent le leadership au sein de l’OPEP dont le pouvoir et la puissance s’érodent. Cet organisme navigue en eaux troubles. Le pétrole enchante moins. La voiture électrique et les énergies bio se positionnent. Les pressions montent pour renoncer aux énergies fossiles. L’arrivée des Verts au Parlement européen traduit cette tendance lourde.

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A nous de lire les signes sans les interpréter, l’autre moyen de tuer dans l’œuf le soupçon pernicieux.







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