Vers le mois de septembre 2018, je suis apparu dans l’un des médias en ligne (Dakaractu)[1], parlant de ma carrière universitaire de plus de dix ans en Espagne, sans famille ni aucun membre familial proche, mais parcourant seul le chemin académique. Après avoir passé un test d’admission à l’école diplomatique d’Espagne, fruit de mes propres mérites et de mon dévouement, j’ai profité de l’entretien qui m’a été proposé pour demander de l’aide à mon pays, sous la forme d’une bourse d’études, comme le ferait n’importe quel fils dans le besoin, regardant vers ses parents. Je le répète, je n’ai jamais demandé un privilège : être mieux traité que les étudiants sénégalais et encore moins recevoir des faveurs.
Cependant, ce n’était pas parce que je ne voulais pas combiner études et travail comme le font la plupart des étudiants en Europe et, comme je l’ai toujours fait, mais le programme scolaire ne permettait pas la combinaison des deux. Et sans une famille avec une pouvoir économique, seul mon pays pourrait m’aider. L’aide tant attendue de mon gouvernement, de mon pays, de mes compatriotes … n’est jamais arrivée. Je ne connais pas les raisons et je ne veux pas savoir. Je sentais juste que je ne faisais pas partie d’un pays qui protège ses enfants dans le besoin. Le mérite n’est pas non plus pris en compte maintenant. Ceci trahit notre père Senghor.
Après des mois de formation sans le soutien attendu, j’ai continué avec le même dévouement à étudier que pendant toutes ces années. Dieu merci, j’ai pu terminer ma formation académique, même si la route n’a pas été facile car j’ai dû faire face à de nombreux obstacles. Je n’ai pas été méchant, plein de ressentiment et je ne le serai pas, et si aujourd’hui j’écris, ce n’est pas à blâmer qui que ce soit, je veux simplement encourager mes frères et sœurs à continuer à se battre pour leurs rêves, même dans les moments les plus difficiles. Même si notre pays nous trahit, nous devons rester patriotes ! Et pour que cela soit possible, ma mauvaise expérience de cette année ne se répète avec aucun autre étudiant sénégalais à l’étranger. Les institutions – Ambassade et Consulat du Sénégal – que j’ai ici ne semblaient pas exister. En fait, ils n’existent pas pour le reste de mes compatriotes dans leurs moments difficiles, je doute qu’il y ait une exception avec moi. Ils n’exercent pas leurs responsabilités avec mes compatriotes. C’est un vieux cri que tout Sénégalais dans la diaspora a lancé, à un moment de sa vie.
Tous les étudiants étrangers avec qui j’ai partagé l’école cette année avaient le soutien moral de leurs ambassades, à l’exception de moi. À tel point que, malgré le fait j’ai pris l’initiative par une lettre officielle adressée aux autorités, elles n’ont jamais participé à aucune des activités auxquelles je devais participer. Quand on m’a interrogé sur leurs absence -représentation diplomatique de mon pays- lors de la cérémonie de remise des diplômes présidée par le ministre des Affaires étrangères d’Espagne, j’ai eu honte. Je sentais que mon pays était lynché et ridiculisé. Que pourrais-je faire ? Je ne savais pas quoi répondre. Mais, d’autre part, il fallait s’y attendre, car ils n’étaient jamais là dès le premier jour. L ‘ »étranger » a dû téléphoner pour que je puisse communiquer avec mes compatriotes et entrer chez moi ! Cette année de formation m’a permis de comprendre le degré de patriotisme de nos représentants à l’étranger. Certains ont pensé me bloquer et rendre ma vie dure sans savoir qu’ils portaient atteinte à l’image du Sénégal, car à l’École diplomatique, je représentais non seulement mon pays, mais aussi le continent africain. Je l’ai fait avec honneur et dignité ! Je leur pardonne pour l’amour patriotique.
Maintenant que j’ai terminé mes études diplomatiques, je veux dire au peuple sénégalais : certains penseront que j’écris, cherchant quelque chose en retour ou envoyant des reproches, il n’y a rien de tel. Il ne s’agit pas de problèmes personnels, mais de rectifier les erreurs pour préserver l’image de notre pays. L’image du Sénégal est gravement endommagée ! Je n’attends rien du Sénégal. Je me suis formé pendant dix ans, payant mes études sans jamais aller vers mon pays. Si j’ai postulé pour une bourse l’année dernière, c’était à cause des circonstances et maintenant que je suis encore aux études de doctorat, je suis autofinancé. Il n’est pas juste de fermer les portes à tous ceux qui souhaitent servir le pays. Ce n’est pas juste ! Avec de telles attitudes, comment espérez-vous limiter la fuite des cerveaux ? Le pays qui devrait accueillir est le même qui rejette ses enfants. C’est triste, dans un monde qui valorise la connaissance pour le progrès économique !
Et il est temps de rendre transparente la distribution des bourses pour les étudiants à l’étranger. La répartition fondée sur les catégorisations interdit par la Constitution ne peut et ne doit pas continuer. L’État a le devoir d’offrir une meilleure éducation à ses enfants pour qu’ils puissent développer la nation. Je le répète, je ne demande plus rien à mon pays car il m’a transformé en apatride. En Europe, je suis un immigrant qui n’a pas tous les droits et dans mon pays, je suis limité, pourquoi ? « Je ne suis ni d’ici ni de là » et je ne sais pas qui est à blâmer. C’est la tragédie de nombreux jeunes comme moi. Nous passons des années à nous préparer académiquement, parfois avec douleur et abandon, mais en pensant toujours au retour, dommage que notre Terre Mère ne nous offre jamais la possibilité de vous servir.
Cela dit, j’en profite pour pleurer et parler très fort. Notre diplomatie est malade et nécessite une profonde réforme, à la fois dans la désignation du personnel et dans les objectifs. D’après ce que j’ai appris, on ne peut pas tout dire, mais il est dommage comme patriote que notre diplomatie soit réduite à une simple Begging Diplomacy (« diplomatie Mendicité ») ou contre-espionnage envers les compatriotes. Ce n’est pas le moyen de nous positionner parmi les pays les plus influents. Les ambassades ne devraient pas non plus être le siège des partis politiques, car moi, qui ne fais partie d’aucun parti politique, je voudrais servir mon pays sans avoir à adopter une couleur partisane. D’autres pays (par exemple l’Espagne, où il est demandé à un diplomate de surmonter « l’opposition » ou concours) ont mis en place une voie d’accès plus transparente et conforme à la justice. Qu’espérons-nous moderniser notre diplomatie ? Les contextes et les réalités diplomatiques ayant changé, nous devons également nous adapter pour ne pas rester en arrière.
Aux jeunes du Sénégal, mes encouragements. La route peut être dure et fatigante, mais vous ne devez jamais abandonner. L’éducation est le seul moteur qui peut changer notre société pour le mieux ! Il est de votre devoir et de votre obligation d’exiger qu’ils vous offrent une éducation de qualité et d’être au même niveau que les autres jeunes du monde. Avec ou sans bourse, vous pouvez aller loin !
Maurice Dianab Samb
Doctorant (Université d’Alcalá, Espagne)
Madrid, le 19 juin 2019.
[1] https://www.dakaractu.com/L-histoire-fabuleuse-de-Maurice-Samb-seul-noir-admis-cette-annee-a-l-Ecole-Diplomatique-de-Madrid_a158128.html
http://www..com/tag/maurice-samb/
http://www.viberadio.sn/News/Senegal/Maurice-Samb-seul-noir-admis-a-l-Ecole-Diplomatique-de-Madrid-en-2018-00024327
https://educationsn.com/tag/maurice-samb/
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