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Quelles Interactions Pour Un Developpement Durable Et Solidaire ?

Le 20è Siècle a laissé à l’humanité deux  guerres mondiales avec chaque fois, le constat d’affres et de désolations aux plans matériel et humain. C’est pourquoi, la création de l’Organisation des Nations Unies avait pour but de parer à pareil catastrophe de l’intelligence humaine, selon la volonté politique des dirigeants du monde. Cependant, malgré le volontarisme de l’Organisation internationale pour un monde d’équilibre et de solidarité,  le 21è Siècle commençant ne rassure guère. La crise des valeurs dans le monde, que certains perçoivent comme celle des comportements, menace les fondements même de notre humanisme. La prise de conscience de ce phénomène fort actuel a conduit l’Université du Troisième Age du Sénégal (UNITRA/S à prendre sa part de réflexion et d’action par rapport à la problématique de la crise des valeurs et des comportements. Dans cette perspective, elle se fait un devoir de convergence d’idées et d’actions, par un recours aux legs  historiques à offrir aux gouvernants comme fondement des  politiques de Développement, et surtout en viatique à la jeunesse, espoir du monde.

En effet, l’UNITRA/Sénégal porte deux projets de colloque sur la question. Le premier destiné aux Universités du Troisième Age d’Afrique de l’ouest en 2019 et le second, à  l’Association Internationale des Universités du Troisième Age (AIUTA),  dans le cadre de son congrès prévu en 2020, à Dakar, pour la première fois. De chacune de ces rencontres, une Déclaration de Dakar portera l’espoir d’une contribution de haute portée attendue des seniors du monde en général et de l’Afrique en particulier. Ce serait un juste retour des choses, car c’est en Afrique, berceau de l’Humanité, que se sont constituées les premières formations sociales pétries des comportements d’avenir, avant d’essaimer dans le reste du monde. C’est sur son sol que les premières manifestations du génie créateur de l’être humain ont vu le jour. Sont nombreux les travaux scientifiques, dont ceux du Pr Cheikh Anta Diop, démontrant que depuis la plus haute Antiquité, se trouvaient dans l’Egypte négro – pharaonique, des témoignages prouvant à quel point l’humanisme moral et politique avait droit de cité sur notre continent, au moment où la plupart des peuples étaient plongés dans l’obscurantisme.

 

L’histoire de l’Afrique de l’ouest nous a légué la Charte du Mandé (1222), la Charte de Kurukan Fuga (1236) et la constitution de Thierno Sileymaani Baal (1776), fondateur de l’Almaamiyat du Fuuta Tooro. Parmi d’autres exemples africains, ces textes fondateurs ont eu à ajouter leur éclairage structurant selon lequel « les Lumières » n’étaient pas inconnues en terre d’Afrique. Leur esprit avait déjà fondé pour les  régir, les axes principaux de la vie sociale et culturelle de nos pays d’Afrique de l’ouest. Ces textes sont des référentiels de valeurs de civilisation. Certes, des situations de crise ont eu à déstabiliser l’équilibre de ces valeurs, déjà sève nourricière d’une Afrique – mère. La Traite négrière, bien que précédée d’un esclavagisme arabo – islamiste, a sévi près de trois siècles durant, imposant le choc destructeur de l’Afrique, jusque dans ses structures les plus profondes. L’idéologie colonialiste aussi a contribué à désagréger les structures socio – politiques et économiques restantes et fait naître un style de vie calqué sur le modèle occidental de civilisation. Si bien que de nos jours, le constat général vite fait, montre que la crise de nos sociétés est globale et profonde. Elle est tout aussi d’ordre économique et politique, que socio – culturelle. De même, elle affecte les relations sociales jusque dans la famille. Elle touche également les milieux politiques et institutionnels. En définitive, il s’agit d’une crise de valeurs de civilisation parce que de comportements. Elle affecte à la fois le lien social et le sens même que nous donnons à notre existence.

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Or donc, la construction d’une modernité endogène, exige le dépassement des structures internes érodées par le temps, autant que le refus de la reproduction mécanique des schémas venus du dehors. C’est là que notre créativité est interpelée pour le sens à faire émerger, en direction de la reconstruction des sphères d’intégration sociale au sein de nos communautés de vie et de travail. C’est ainsi que les alliances sociales, que sont la « parenté à plaisanterie » ou « cousinage à plaisanterie », encore vivaces en Afrique de l’ouest, peuvent être interrogées et mobilisées dans un contexte nouveau de construction de nos sociétés en péril.

Afin de mieux cerner les contours et approches relatifs aux valeurs, L’Université du Troisième Age du Sénégal n’a pas tardé à revisiter les notions de culture et de civilisation, en se référant surtout au poète – Président Léopold Sédar Senghor : « Comme nous l’enseignait Marcel Mauss dans les années 1930, la civilisation, c’est l’ensemble des faits sociaux (phénomènes, structures, valeurs) qui caractérisent une société donnée. La culture, c’est, dans une civilisation, l’ensemble de ses valeurs ; son esprit. D’où il résulte que chaque peuple, chaque société, a ses valeurs propres : originaires et originales…» Dans ce sens, la commission des valeurs de l’UNITRA/S rappelle que pour assurer sa survie, pour atteindre des degrés élevés de bien – être et pour répondre aux interrogations qu’il se pose au plan spirituel, l’homme a toujours su mettre en œuvre ses facultés créatrices pour inventer des solutions susceptibles de satisfaire ses besoins et aspirations :

Invention de techniques et de métiers divers,

Invention d’institutions sociales, d’organisations politiques ou administratives favorisant la vie en société ;

Invention d’œuvres de beauté porteuses des meilleures conceptions de la Bonté, de l’Amour, de la Justice, de la Liberté, de la Charité, etc. ;

Invention de méthodes éducatives et de transmission des savoirs, pour développer les qualités du corps et de l’esprit dont l’acquisition s’avère estimable ;

Invention des rites et des comportements susceptibles de satisfaire ses sentiments religieux, etc. ;

Voilà une pluralité de genres de valeurs de civilisation  génératrices des solutions devant chaque besoin cerné collectivement. Chacun de ces genres peut être appelé valeur au sens général du terme. Exemple : la Justice, l’Education, la Beauté, l’Ingéniosité, la Paix, la Sociabilité, la Dignité, la Religiosité, la Liberté, la Fraternité. A ce niveau, réside le caractère universel des valeurs de civilisation, aucune société humaine ne pouvant manquer de les adopter comme aspiration ultime de ses membres dans « une commune volonté de vie commune. » De même, au niveau des solutions particulières inventées par un peuple, se situent les œuvres appelées également valeurs, parce que perçues comme des  déterminations particulières relatives à la vision propre d’une communauté plus attachée à son histoire et à son environnement. Il découle de tout ce qui précède qu’une valeur n’est pas un don de la nature. Elle résulte d’un désir ardent et d’un effort soutenu, c’est-à-dire d’une dépense continue d’énergie physique et intellectuelle, autant que d’une habileté ingénieuse ou d’une sensibilité accrue. Elle est un acquis instable susceptible de se perdre, si les efforts nécessaires à sa sauvegarde ne sont pas fournis. C’est là que réside toute l’importance de la sauvegarde vivante du patrimoine culturel immatériel. Parce que l’ensemble des valeurs d’une société exprime l’art de vivre ce qui est bon pour le groupe et mérite d’être conservé par le vécu individuel et collectif. Les valeurs sont les principes qui régissent le comportement des individus dans le groupe. Elles constituent la règle à laquelle chacun est tenu de se conformer. Elles englobent la morale qui juge ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». Elles englobent aussi l’éthique qui juge ce qui est « bon » et ce qui est « mauvais » pour l’individu comme pour la communauté. En fait, les systèmes de valeurs sont les idées qui orientent les croyances et les traditions. » 

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Si l’Université du Troisième Age du Sénégal partage la problématique de la crise des comportements, jusqu’à projeter d’y consacrer deux rencontres de haut niveau, elle s’est déjà engagée à passer en revue des qualités à même d’être observées sinon d’être vécues par tout citoyen soucieux du devenir de notre ensemble sous – régional de peuples unis par l’histoire et par un futur immédiat. C’est sans doute un pas important vers des projets de gestion commune de nos sphères d’intégration sociale et professionnelle évoquées plus haut. Aujourd’hui, paradoxalement, autant la crise des valeurs est si facilement déplorée, sinon dénoncée, autant la solution comportementale est si vite évoquée, voire évacuée vers l’autre avec qui pourtant sont appelés en partage les valeurs relatives au savoir, au savoir – être, au savoir – faire et au savoir – devenir. Quoiqu’il en soit, nous savons que la sauvegarde de notre patrimoine culturel, de notre héritage légué par nos dignitaires élus, passe nécessairement par des comportements de qualité requis au niveau de toutes les sphères d’activités de la vie nationale, « par nous – mêmes et pour nous – mêmes. » C’est pourquoi, nos valeurs communes exigent de tout un chacun de chérir, entre autres qualités de comportement :

– d’être juste, honnête, franc, reconnaissant, poli, altruiste, convivial, patient et courtois

– de savoir veiller à vivre selon ses moyens,  à respecter sa parole et ses engagements,

– d’accomplir ses devoirs et réclamer ses droits avec courage, mesure et abnégation,

– de savoir rester maître de ses actes, avec prudence et retenue, discernement et lucidité,

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– de chercher à évaluer son potentiel et avoir confiance en soi, dans la discrétion et l’humilité,

– d’être adepte de l’hospitalité, de la protection, de la solidarité et du partage, avec esprit de pardon, de compassion,

– de bien s’habiller, de soigner son apparence, d’être convenant, en veillant sur la bonne qualité de l’environnement, 

– de savoir veiller à la sauvegarde, à la valorisation et à la transmission des savoirs,

– de conserver l’esprit de dialogue, le sens de la négociation et la recherche de consensus,

– de rester adepte du cousinage et de la parenté à plaisanterie, du respect des anciens et du droit d’aînesse.

Dans une intervention antérieure, j’écrivais ceci : « Voilà comment les efforts de sauvegarde des valeurs de civilisation reflètent le véritable statut de la créativité culturelle et se posent en nourritures spirituelles pour toute notre jeunesse. En effet, après avoir reçu une éducation digne de ce nom et une formation adéquate, puis un entraînement au leadership et au développement personnel, le jeune citoyen sénégalais accède plus aisément au champ de l’entreprenariat économique. » C’était pour dire que le Développement durable de notre pays et de celui de ses voisins passe nécessairement par une convergence des mentalités et des interactions conséquentes à orienter vers la rationalité productive attendue de tous. C’est, de plus en plus,  la marche et la marque du monde, dont nous sommes partie prenante. Mais, quel que soit le postulat, c’est l’Homme qui est au cœur de toutes les préoccupations relatives aux valeurs, parce que visant ses efforts propres pour la haute qualité de son comportement que requièrent les équilibres de son environnement. Nous dirons avec le sage Ahmadou Hampâté BA : « Tout effort compte, et l’on ne sait jamais, au départ, de quelle action apparemment modeste, sortira l’évènement qui changera la face des choses. N’oubliez pas que le roi de la savane, le puissant baobab, sort d’une graine qui, au départ, n’est pas plus grosse qu’un tout petit grain de café ». Certes, la crise des valeurs et des comportements constitue une préoccupation largement partagée au niveau des familles, des collectivités nationales, des sociétés et de l’ensemble de la communauté internationale. Mais en Afrique, l’Histoire et la volonté d’agir offrent bien des possibilités de recours aux valeurs de civilisation dans le sillage des ancêtres et des anciens. En définitive, la plupart de ces valeurs sont encore aptes à renforcer les fondements du lien social, en faveur de la cohésion des sociétés. Elles nous connectent également au monde.

Contribution de l’Université du Troisième Age du Sénégal (UNITRA/S)

Alioune BADIANE, Président par intérim







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